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                Nancy s’avançait dans une boite de nuit lentement. Elle portait une micro robe mettant en valeur sa poitrine, ses hanches et ses fesses, la tenue s’arrête juste sous celles-ci, ainsi qu’un petit sac à main pendant à son épaule gauche. Elle se dirigeait vers le carré VIP, le visage souriant, mais le regard mauvais, concentrée sur un homme ventripotent à la calvitie prononcée et entouré de belles jeunes femmes aussi court vêtues que la tueuse, et n’en s’en trouvait plus qu’à pas quand elle ouvrit son sac pour y glisser la main. Celle-ci se posa immédiatement sur la crosse d’un SIG-SAUER P228*, et alors qu’elle allait le sortir de sa cachette, une main puissante se posa par-dessus la sienne.

                — Non.

                Nancy fit volte-face tout en se mettant en garde, prête à se battre contre un éventuel garde du corps pour faire face à un homme grand et musclé, large d’épaules, aux cheveux et aux yeux noirs, au visage sévère et au regard perçant. Le visage de la jeune femme s’illumina alors, et elle lui sauta au cou en pleurant.

                L’armoire à glace la prit dans ses bras et la serrant tendrement contre elle en lui murmurant à l’oreille.

— Je t’avais bien dit que je reviendrais.

                Nancy répondit en pleurant.

— J’ai cru que tu étais mort… Six longs mois, Chris… Six mois…

— Je suis désolé… Mais ça a été compliqué…

                La tueuse se décolla enfin de son mentor pour planter son regard dans celui de l’homme qu’elle aimait et qu’elle pensait avoir perdu.

— Dis-moi tout.

                Chris sourit.

— Viens avec moi, et je te raconterais.

                Il l’entraîna jusqu’au bar où il commanda deux bières, et quand celles-ci furent servies, il trinqua avec son apprentie avant de boire une gorge puis reposer sa boisson.

— J’avais un corps que j’ai fait exploser en m’assurant qu’il ne soit pas identifiable pendant que je m’échappais avec les derniers blessés du RAID. Comme ils étaient inconscients, ça a été plutôt facile. Une fois arrivé à l’hôpital, le Général Firmin m’a aidé à m’exfiltrer avant que je ne sois enregistré pour me conduire en lieu sûr. Seulement, j’avais perdu beaucoup de sang, et je suis resté dans le coma pendant trois semaines.

— Mais, et tes blessures ?

                Chris sourit.

— Le Général a appelé un chirurgien militaire qui ne pose pas de question. Un mec habitué à rafistoler les agents infiltrés. Et il a fait du bon boulot.

                Nancy posa une main sur celle de Chris.

— Alors, pourquoi n’es-tu pas revenu plus tôt ?

                L’homme baissa les yeux.

— Je voulais m’assurer que Mascrato irait bien en prison, alors j’ai passé le temps du procès è préparer des plans et à me procurer l’équipement nécessaire pour pouvoir l’abattre, qu’importe où il serait caché.

— D’accord, mais le verdict a été rendu la semaine dernière. Pourquoi n’es-tu pas revenu plus tôt ?

                Chris lui sourit.

— Je vous observais, je voulais trouver le bon moment. C’est Noël après demain, ça aurait fait un beau cadeau, non ?

                Nancy lui sourit en le regardant avec amour.

— Oui, le plus beau des cadeaux.

— Je le pense. Seulement, tu es venue ici, et de ce que je vois, tu n’as pas de plan valable. Alors, je viens t’aider. Lucchese doit mourir, mais pas toi. Alors, interro surprise. Comment modifier ton plan ?

                Le sourire de Nancy devint carnassier.

— Tu as quoi, sur toi ?

— J’ai quatre PA* de neuf millimètres pour un total de soixante cartouches, ainsi qu’un couteau à lame dentelée de vingt-trois centimètres. Et toi, avec ton P228, tu n’as donc pas plus de quinze cartouches, mais il m’a semblé voir aussi un couteau à cran d’arrêt que je te soupçonne d’avoir modifié pour que la lame soit propulsée. Donc ?

                Nancy acquiesça puis réfléchit quelques secondes.

— On ne refait pas le coup de la danse sexy et du couple invité dans le carré VIP, ce connard a déjà assez de putes avec lui. Mais on peut déclencher une alarme incendie pour l’obliger à évacuer par les coulisses, et là, on le but avec tous ses gardes du corps. J’ai fait le tour de la zone, je n’en ai compté que dix. Quatre avec lui, et six en faction dehors. Ceux à l’intérieur sont équipés de pistolets automatiques, ceux de dehors ont des MP5*, mais les tiennent comme des manches à couilles. En plus, ils ont l’air d’avoir l’intelligence d’un tabouret, ce qui signifie qu’on peut essayer de les neutraliser discrètement avant de passer à l’offensive, ce qui nous évitera d’avoir de la résistance le temps de s’exfiltrer. J’ai contrôlé, les forces de police mettront en moyenne dix-sept minutes à arriver. En revanche, une fois l’alarme activée, les pompiers seront là en douze minutes environ.

                Chris acquiesça en souriant.

— Je vois que tu n’as plus grand-chose à apprendre.

— J’ai été formé par le meilleur. Donc, on fait comme ça ?

                Chris l’embrassa tendrement avant de répondre.

— On fait comme ça.

                Nancy retira ses talons hauts puis ils se dirigèrent main dans la main vers une porte réservée au personnel et s’assurèrent que personne ne pouvait les voir avant de la franchir. Ils avancèrent alors discrètement sans rencontrer personne avant d’atteindre la porte d’entrée et de sortie réservée aux employés. Ils l’ouvrirent juste assez pour regarder à l’extérieur pour découvrir deux hommes en arme montant la garde et échangèrent un regard entendu.

                Ils finirent d’ouvrir la porte doucement avant de se diriger vers leurs cibles, et tout se passa très vite. Chris saisit le sien par les chevilles et le tira en arrière. L’homme s’écroula face contre terre sur les marches du petit escalier permettant d’atteindre la porte au moment où Nancy se saisissait de du visage du garde pour le faire tourner à cent quatre-vingts degrés avec violence dans un craquement osseux ignoble, et alors que le corps sans vie s’écroulait au sol, Chris en faisait autant de l’homme dont il avait la charge. Ils les délestèrent de leurs armes avant de reprendre leur progression.

                Deux hommes de plus se tenaient à l’entrée du parking du personnel, assis devant un téléphone portable sur lequel ils regardaient des vidéos, et les deux tueurs les éliminèrent de la même façon. Ils observèrent ensuite la limousine avant d’échanger un regard, quand Nancy prit la parole.

— J’ai une idée. Écoute-moi bien attentivement.

                Quinze minutes plus tard, Chris fendait la foule des danseurs jusqu’au carré VIP pour se placer entre les deux hommes de main sécurisants le cordon, et l’un d’entre eux lui bloqua l’accès d’un mouvement de la main.

— On ne passe pas. C’est réservé.

                Chris lui sourit.

— Dites à votre chef qu’Evian est là. C’est pour affaire, et c’est vraiment urgent.

                Le gorille haussa un sourcil et Chris se répéta, aussi se dirigea-t-il lentement vers son parton avant de lui murmurer à l’oreille. Lucchese blêmit immédiatement avant de crier.

— Abattez-le !

                Il n’avait pas fini sa phrase que déjà deux de ses hommes gisaient par terre, le front percé d’un trou de neuf millimètres de diamètre, et l’homme le plus proche du mafieux l’entraîna en sécurité tandis que Chris roulait vers le troisième garde du corps avant de lui tirer une balle dans le genou. Il s’écroula en criant, et le tueur l’exécuta sommairement d’une balle dans la nuque avant de s’élancer à la poursuite de sa proie, le visage et le tee-shirt maculés de sang chaud. Il y eut quelques brefs coups de feu tirés, et alors que le garde du corps protégeait la porte par laquelle sortait son chef, Chris le descendit de trois balles dans le torse avant de reprendre sa course folle.

                Lucchese courait à en perdre haleine sans oser se retourner. Les coups de feu avaient cessé, peut-être que le tueur qu’il avait aux trousses était mort, mais c’était peu probable. Il connaissait les évènements de l’Élysée, et si Chris Evian avait survécu à l’explosion d’une bombe, il était peu probable que quelques cartouches de pistolet suffisent à l’abattre. Il ne lui restait qu’une seule chance, la sécurité de sa limousine blindée. Il l’atteignit enfin et monta dedans en hurlant.

— Démarrez ! Allez !

                Le véhicule resta immobile, et il se pencha vers le siège du conducteur.

— J’ai dit démar…

                Le canon d’un pistolet venait de se coller sur son front alors qu’un visage féminin apparaissait dans son champ de vision.

— Salut, Lucchese, ça va ? Tu as l’air tout essoufflé…

                La portière par laquelle le mafioso était entré s’ouvrit pour laisser passer Evian qui s’installa à côté de lui, et Lucchese se jeta sur la portière opposée avant d’être saisi à l’épaule et ramené en arrière, avant que la crosse d’un pistolet automatique s’abatte trois fois sur son visage tandis que la voix du tueur s’élevait.

— Reste là !

                Nancy se rassit face au volant et démarra avant de lancer la limousine vers la sortie du parking, tandis que leur captif pleurait.

— Vous me voulez quoi ?

                Chris lui sourit.

— On veut faire passer un message.

                Lucchese se mit alors à pleurer.

— Pitié, ne me tue pas ! Je t’en supplie…

                Chris se contenta de lui sourire tandis que Nancy amenait la limousine dans une petite ruelle à quelques kilomètres de la boite de nuit., à côté d’un monospace. Ils ligotèrent leur cible et le bâillonnèrent avant de l’enfermer dans le coffre, puis ils nettoyèrent la limousine avant de la remplir d’explosifs et d’essence. Quand ils eurent fini, Nancy rigola.

— On dirait notre première sortie. Tu as encore une fois tout prévu.

                Chris lui tendit un petit boîtier noir.

— Mais cette fois, c’est toi qui déclencheras le feu d’artifice. Allez, en route.

                Ils parcoururent cinq cents mètres avant que Nancy appuie sur le détonateur, et la limousine se transforma en une énorme boule de feu tandis que le monospace se fondait dans le trafic.

                Quelques heures plus tard, Nancy ouvrait la porte d’entrée de la maison dans laquelle elle vivait avec les enfants, et ceux-ci coururent vers elle avant de s’immobiliser en se retrouvant face à leur oncle qu’ils croyaient mort. Il s’écoula quelques secondes d’un silence incrédule avant que Chris s’agenouille en écartant les bras.

— Venez-là, mes chéris.

                Ils l’enlacèrent de toutes leurs forces en pleurant tandis qu’il leur murmurait à l’oreille.

— Je vous avais dit que je ne vous abandonnerais pas.

— Oh, bah merde…

                À l’autre bout du couloir se tenait Alysson, les mains devant la bouche et les yeux s’embuant lentement de larmes, et Chris lui sourit tendrement.

— Nancy m’a expliqué que tu as toujours su… Alors, merci du fond du cœur.

                Il se releva en lâchant les enfants et son amie vint se jeter à son tour dans ses bras en pleurant.

— Je suis si heureuse. J’ai cru que tu étais mort…

                Le tueur sourit.

— J’ai une famille à protéger, maintenant. Je ne pouvais pas mourir.

— Alors, jure-moi que tu ne recommenceras jamais…

                Chris hésita.

— Disons que je ne mangerais plus que du très gros poisson, ça te va ?

                Alysson rigola.

— Je suppose que c’est le mieux que tu peux faire en termes de compromis ?

— Oui.

— Alors, va pour cette solution.

                Elle se décolla enfin de lui, et Nancy saisit doucement la main de son compagnon pour l’emmener à sa suite dans le salon.

— Viens. Il faut que tu voies comment s’est organisée ta famille.

                Chris souriait à pleines dents.

— Oui, j’ai hâte.

                Le lendemain matin, à sa prise de poste, le Général d’Armée Firmin reçut un appel du nouveau président de la République.

— Mes respects, monsieur.

— Bonjour, Mon Général. Avez-vous reçu le dossier ?

                L’officier général regarda sur son bureau pour y découvrir une pochette grise estampillée TRÈS SECRET DÉFENSE en rouge et s’en saisit pour l’ouvrir. Il regarda les quelques photos qui y apparaissaient et sourit sans même prendre le temps de lire le compte-rendu. Quand il referma la pochette, il commenta.

— Voilà du travail de professionnel.

                La voix au bout du fil semblait inquiète.

— Vous croyez que c’est lui ?

                Firmin dut se retenir de rire.

— Pourquoi ? Vous avez des choses à vous reprocher ?

— Non, du tout, je voudrais simplement éviter d’autres massacres, c’est tout.

                Le général retira sa vareuse et la posa sur son portemanteau avant de s’asseoir sur son fauteuil en cuir avant de répondre.

— Monsieur, si c’est réellement lui, les seuls massacres qui seront perpétrés seront dans les rangs de personnes que nous souhaitons tous voir disparaître. Si vous devez écouter un seul de mes conseils durant votre quinquennat, il faut que ce soit celui-ci. Laissez-le faire. Il se tape la basse besogne à la place de nos gars, et il en est fier. Maintenant, de ce que j’ai compris, il n’est plus tout seul, ce qui peut aussi vouloir dire soit qu’il va s’arrêter, et qu’il souhaitait juste nous prévenir qu’il est toujours en vie, soit qu’il va changer de modus operenti, mais dans tous les cas il ne s’en prend qu’aux vrais pourris, pas à quelqu’un qui aurait pris une amende pour mauvais stationnement.

                Il s’accouda sur son bureau et reprit.

— Monsieur, je me suis permis de lire tout ce qui existe à votre sujet, officiel comme officieux, et croyez-moi, vos petits détournements de fonds pendant la campagne présidentielle ne l’intéresseront pas.

                Le président s’insurgea.

— Mais je n’ai jamais…

                Il laissa sa phrase en suspend avant de soupirer.

— Bien… De toute façon, je n’ai pas d’autres choix que de vous faire confiance.

— Exactement.

— Bien… Alors, à demain pour le conseil de sécurité, Mon Général.

— À demain, monsieur le président.

                Les deux hommes raccrochèrent et Firmin reprit le dossier pour l’ouvrir devant lui.

                Sur les photos apparaissait Benito Lucchese, numéro trois de la mafia italienne en France, suspendu nu comme un vers à l’obélisque de Paris, et la peau parcourue de lacération. Se penchant sur le dossier, François put lire que les lacérations écrivaient toutes le même mot, pédophile. Finissant de parcourir le compte-rendu, il apprit aussi que l’homme était encore vivant au moment des mutilations, et qu’il était mort exsangue quelques heures plus tard.

                Le vieil homme referma le dossier avant de s’enfoncer confortablement dans son fauteuil, un sourire sincère au visage.

— Bon retour parmi les vivants, Chris. Puisses-tu avoir enfin trouvé une forme de paix intérieure, mon ami.

SIG-SAUER P228 : Pistolet semi-automatique de calibre 9 mm Parabellum destiné à armer les policiers en civil. Il est commercialisé depuis 1988 et a engendré un dérivé : le P229, variant par le calibre et la forme de la culasse. Ces modèles sont de fabrication suisse.

PA : Acronyme de Pistolet Automatique.

HK MP5 : Le HK MP5 (en allemand : « Maschinenpistole 5 ») est un pistolet-mitrailleur de calibre 9mm produit par la firme allemande Heckler & Koch.

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