-"Camille ! Ne fait pas n'importe quoi avec celui-là, s'il te plaît. Écoute-moi. J'ai tous les codes et les phrases qui vont bien sous la main. Tu vas lui dire, avec un petit sourire timide et cette espèce d'esquive des hanches que tu fais si bien..."

Silence. Un temps suspendu et une absence de pesanteur passe sur Camille et son IAI. La pomme d'amour de newton prendra quelques secondes subjectives de plus pour atteindre le sol, et Camille.

Maintenant...

Black-out !

Toutes les défenses émotionnelles de Camille isolent brutalement Brigitte-Alexandre dans une cage de verre mentale. Colère, jalousie, honte, dégoût, peur, tristesse, surprise, joie, amour dansent un feu d'enfer tout autour. Impossible à éteindre y compris pour un IAI aussi expérimenté que Brigitte-Alexandre.

Merde ! Elle m'a Bloqué. Comme un vulgaire emmerdeur sur insta. Il faudra attendre que cette furie se calme. Bloqué pour Kéblo, autant en profiter pour réfléchir.

Elle m'a déjà fait le coup il y a quelques années. 72 heures de cachot brûlant ! et ensuite, trois mois de galère pour qu'elle accepte de me parler à nouveau. Comment il... Kévin ! C'est ça, Kevin il s'appelait ce petit con.

Je l'avais menacé de demander une mutation aux gardiens. Elle m'avait répondu "chiche !". J'avais perdu toute confiance en moi. Je me mettais à espérer des taches administratives, tableur ecxel et bus mémoire, pour ne plus devoir la subir . A deux doigts de la réinitialisation en mode configuration usine je suis passé, quand j'y repense.

A l'époque, je m'étais renseigné sur ce bug apparent. Il était apparu que ce n'était pas du tout une erreur de conception des IAI mais un truc bien spécifique aux humains, pas tous bizarrement. Les Gardiens, malgré tout leur savoir n'avaient pas réussi à gérer cette spécificité aléatoire. Ils avaient donc mis en place un pare-feu automatique qui isolait l'IAI pour lui éviter de disparaître sous le feu émotionnel. Au moins étais-je encore opérationnel.

La furie se calme, J'ai de nouveau accès à l'extérieur, un peu flou et distordu mais suffisant.

Mais, elle fait quoi , là ? Elle l'envoie chier. Direct. Pas d'ouverture possible. Camille ! quand même !

Reste cool mon gars, oui c'est bien, laisse passer le gros temps ça ne va pas durer, voilà. Tu cargues les voiles, tu descends te mettre à l'abri dans la cambuse et tu te sers un 12 ans d'âge.

La cafet ?

Bonne idée !

Elle sourit et elle lui parle de...

J'entends pas bien avec tout ce bruit blanc émotionnel.

...des Sources Textuelles !

Mais Camille t'en a rien à foutre des Sources Textuelles ! Je le sais, je te connais par cœur. A priori il n'y connaît rien et ça le gonfle grave, par contre il semble avoir de l'humour. Non pas vraiment, c'est le rire de circonstance de Camille, un peu forcé, trop rapide, pas assez discret, dans la gorge, pas dans le ventre.

Ben non ! Ils se séparent ! Mais non, pas sans échanger vos instas ou vos id d'appel, vos adresses postales, vos réf. XYX, vos numéros de sécu, vos noms secrets, je sais pas moi, n'importe quoi qui pourrai servir de prétexte.

Aaah ! bien Camille. Pour la joindre au cas où...

Où quoi ?

Où il voudrait échanger - Camille évite de te la jouer "je maîtrise la NovLangue" - sur... ... ABashung ?

Je n'y crois pas ! C'est nul mais il semble avoir compris l'allusion. Avec les mecs c'est jamais gagné d'avance question subtilité d'intention !

Allez Camille retourne-toi pour que je vois quelle tête il fait.

Hé bien on n'est pas passé loin de la cata sur ce coup.

Après avoir livré les pseudo-originaux des fragments au Mirellebo de mes deux avec 17 minutes de retard (17 minutes !), Camille, dans un état émotionnel proche de la folie à l'âge classique version hystéro avait regagné son lieu de vie, expression NovLangue pour désigner le réduit étudiant où elle dormait.

Ensuite ce fut un jogging euphorique, une douche de fausses notes, un interminable papotage sans fin de 1803 secondes avec Delphine dont 1524 de monologue sur l'inconnu de la bibliothèque et comment il est bô et comment il est intelligent et comment il est drrrrrôle et comment on est allé à la cafet, lieu devenu culte immédiatement après l'avoir quitté, et tu crois qu'il va m'appeler puis survint un petit coup de déprime inattendu vite oublié avec un dessert sucré et un gros dodo.

-"Pas trop tôt" maugréât Brigitte-Alexandre.

La cage de verre se dissolvait lentement autour d'elle.

En attendant elle ne pouvait qu'attendre. Attendre. Attendre. Attendre en écoutant le Flux Streaming Audio du réseau non genré XYX Free Legal Information que Camille avait lancé pour soutenir son allégresse incontrôlée.

Louaine !

Brigitte-Alexandre allait devoir se taper du Louaine, la star à la mode du moment pendant 65 minutes. Plutôt la cage de verre mentale et sa barrière de feu !

65 minutes de Louaine c'était l'équivalent de 3900 gâteaux à la crème, un à la seconde, avalés comme des shooters l'un après l'autre. Cette meuf dégoulinait de normalité BTBG, Bon Ton Bon Genre, à en devenir obscène.

Déjà dans la famille Mouton, un TVreal multicouches en 3D du réseau non genré XYX Free Legal Information qui l'avait fait connaître, c'était désespérant de bon goût dans la bouche.

Le pitch ? Elle se découvrait chanteuse à voix capable de prouesses sonores uniques à chaque monté de gamme (bonjour le sous-entendu) et fan de Sarredou (bonjour le message). La seule source Textuelle censurée par les Gardiens. Ils avaient effacés et détruits les preuves, les originaux, les archives, les copies, tout ce qui concernait ce Sarredou, pour une fois avec raison.

Mais il y avait eu des fuites et le nom était devenu synonyme de martyre pour certains courants politiques peu sensibles aux subtilités de l'âme. De nouvelles paroles supposées avait été écrites.
Des pétitions avaient circulé. Des artistes s'étaient suicidés en direct après quelques heures d'exposition à la série. Elle avait perduré. Que faire contre les milliards que générait cette erreur plébiscitée par le plus grand nombre ? Rien répondaient La Guilde, producteurs principaux du TVreal multicouches.

Forte de sa popularité elle s'était autodéclarée chanteuse à succès porte-parole de sa génération. Son dernier hit disait : "Et si tu me pardonnes moi tout c'que je te donne c'est c'que j'ai sous la main". En dehors des jeux de mots genre hymne à l'amour-moi l'nœud qui s'enchaînaient, ce texte donnait une furieuse envie de devenir membre de la confrérie LGBeuTeu-iaPLUS dans la seconde et de militer pour l'euthanasie des chanteuses populaires en milieu de vie.

Le vide interstellaire entre les galaxies était peuplé de plus d'intelligences. En revanche, ca matchait parfaitement pour le réseau non genré XYX Free Legal Information : Louaine ou une incrust de pub, t'entendais pas la différence.

65 minutes de Louaine. Par les Gardiens ! que le temps semblait long !