LA SAUVAGE, ORIGINE
Serena avait pris La Sauvage dans ses bras, et l'avait serrée très fort sur son cœur. Elle avait posé son front contre le sien, quelques instants. Et voilà comment elle avait appris son passé, de front à front, de cœur à cœur, d'âme à âme. Ainsi savait faire l'Ancienne.
La Sauvage habitait au village, il y avait longtemps de ça, avant que les gens ne meurent, avant que tout change et que cette civilisation ne s'effondre. Et puis il y avait eu les épidémies, les catastrophes naturelles ou pas, la folie, la peur, un semblant de reconstruction, et cette solitaire qui avait conservé son humanité comme un petit trésor, avait recueilli un couple et leur enfant. Elle les avait fait entrer chez elle, de nuit, discrètement, sachant que les villageois ne voulaient pas accueillir de réfugiés. Son cœur ne pouvait pas les renvoyer dans le froid et sous la pluie.
Mais comme le dit la sagesse populaire,
« On n'est jamais vraiment seul » et « Les murs ont des oreilles ».
Elle réussit à les cacher presque un mois. Cependant, tout finissant par se savoir, un soir, les hommes de garde fracassèrent la porte et firent irruption dans sa maison. Les réfugiés essayèrent de s'échapper par le jardin, tandis que La Sauvage tentait de s'interposer. Mais que pouvait-elle contre cette troupe déchaînée ? Ils furent abattus sans sommation, ni pitié. Pas d'étrangers !
La Sauvage, qui avait alors un nom, avant de ne plus le savoir, fut battue et abandonnée dans la forêt pour avoir osé aller contre la loi. On ne retrouva jamais son corps. Morte, disparue, pour eux, c'était la même chose, elle avait servi d'exemple.
On l'oublia.
Grâce à la pitié d'une femme l'ayant vue rôder, chercher quelques restes de nourriture dans les composts, à la lumière de la lune, au cours de l'hiver suivant, elle survécut. La brave femme déposait pour elle, quand elle avait de quoi, de la nourriture au bout de son jardin.
Et le temps passa.
Annotations