Sa voix était à la fois calme et tendue, il se sentait bizarrement glacé, plein de frissons. Quand cet homme l'avait regardé, il l'avait senti effleurer son esprit. Il avait senti la pression implacable de son interrogation. Il s'était vu, redevenu enfant, le visage levé vers l'adulte qui demandait, sévère :

« — As-tu menti ?

— Non.

— Tu es sincère, et pourtant, ce que tu me dis est faux. »

Roman entendit sa curiosité émettre un signal puissant et Rayan le lui renvoyait comme un écho.

« — Viens souper, ce soir. Maintenant, j'ai pas mal de choses à faire, et nous serons mieux au coin du feu pour continuer cette conversation.

— D'accord, je viendrai, mais où ?

— Quand le soleil sera passé derrière Le Bézu, cette montagne que tu vois, là, rejoins-moi à la taverne, on pourra boire une bière avant d'aller chez moi. »

Il lui donna une tape amicale dans le dos et s'éloigna à grands pas élastiques, longes et licols sur l'épaule, silencieusement, les cheveux comme une couronne de feu. Rayan se secoua, se demandant s'il avait rêvé cette image ou s'il l'avait vraiment vue, et il se sentait mal à l'aise, planté comme un piquet sur le chemin.
La vieille femme n'était plus là. Les enfants non plus. Il aperçut une bille qui avait roulé loin du jeu, oubliée. Il tendit la main pour la ramasser, suspendit son geste quelques secondes, hésitant, avant de la saisir tout de même, d'un mouvement brusque.
La tenant serrée dans le creux de sa paume, les yeux clos, les mâchoires crispées il compta jusqu'à dix. Comme rien ne s'était produit, il rouvrit lentement le poing, dévoilant la petite sphère vert émeraude. Rien qu'une bille de verre ! Il eut un rire bref et nerveux. Il ne savait pas vraiment à quoi il s'était attendu en la touchant, mais il lui semblait avoir loupé quelque chose, aussi simple que le mot impossible à retrouver qu'on a sur le bout de la langue...

Il referma les doigts avec précaution sur son trésor, et s'éloigna les mains dans les poches, à pas lents.