ARKAN CHEZ SAPHIRA. PREMIER ACTE, Tout homme a ses limites.

3 minutes de lecture

Sans-Part commençait à envisager le pire. Saphira était bien trop occupée pour l'écouter. Il pourrait bien moisir ici un certain temps... Chacun attendait la suite. Alors, transcendant sa condition de captif humilié, oubliant la douleur de sa blessure, Arkan ôta sa chemise tachée de sang, d'un mouvement lent et félin, presque lascif, et la déposa aux pieds de sa geôlière, comme une offrande, en disant :

— Tu vas briser mon corps, ma belle. Je te l'abandonne ; mon défi n'est pas là.

Saphira se grisait de la beauté de sa proie au visage doux mais volontaire, sa bouche sensuelle, ses yeux noirs comme sa chevelure. Du bout de ses doigts aux ongles argentés, elle lui caressa la gorge, là où palpite la vie.
Arkan tressaillit violemment, les joues en feu, l'esprit glacé. Il avait nettement senti le désir de cette femme lui brûler les entrailles et lui enserrer le cœur. Il s'arracha à la fascination de son regard, dégoûté, ne se souvenant pas avoir jamais eu aussi peur.
Autour de son cou brillait une chaîne d'or à laquelle était suspendue une colombe finement sculptée. Saphira examina le bijou, brisa la chaîne d'une brusque secousse et fit avidement disparaître le tout dans le décolleté de sa robe.

— Ce bijou que tu me voles ne te portera pas chance. Sois en certaine ! ragea Arkan.

Sa mère le portait quand on l'avait retrouvée morte et, avec ses armes, c'est tout ce qu'il lui restait d'elle.
Les deux acolytes immobilisèrent de nouveau le captif. Thorian lui tira brusquement les cheveux en arrière, exposant son visage crispé à la colère de sa femme. De nouveau, Arkan adressa à sa geôlière ce sourire narquois et enjôleur. Se sentant rougir, elle le gifla à la volée, donnant libre cours à sa fureur. Quand elle s'arrêta, les joues colorées par l'effort et le plaisir, elle détailla avec étonnement, le visage meurtri qui lui faisait face et son propre poing, tellement serré qu'elle eut du mal à le rouvrir. Elle s'était laissée emporter quelques instants, se reprit et dit, en secouant sa chevelure dense avec grâce :

— Il est à vous, messieurs.

— Tu vas briser mon corps, mais tu n'auras pas mon âme, assura-t-il, sur le ton de la confidence.

— Gardes, conduisez les autres en cellule ! conclut Thorian. Celui-ci, on va s'en occuper tout de suite. Il a une foule de choses à nous raconter. N'est-ce pas, Musicien ?

— Je n'ai rien pour toi, répondit Arkan d'une voix grinçante, en essuyant du revers de la main, le sang qui coulait à son front. Tu n'auras pas une miette !

Ils lui entravèrent les poignets dans le dos et le relevèrent tandis que Saphira ronronnait :

— On verra ça dans quelques heures...

Thorian hocha la tête et ajouta tranquillement :

— Elle a raison. Tu peux la croire. Tu ne seras pas le premier, ni le dernier à bavarder. Tout homme a ses limites.

Ainsi va la vie ! ... La Rumeur était railleuse.

Enguerrand et Sans-Part furent emmenés par un bref couloir et s'ils ne pouvaient voir ce qu'il se passait, ils entendaient les préparatifs. Les maîtres s'installèrent dans de confortables canapés ; un salon de luxe, dans la salle de torture. Une table basse et deux braseros complétaient l'aménagement de cette alcôve délimitée par de lourdes tentures. Ils y assistaient à certains interrogatoires particulièrement importants, ou venaient juste pour se distraire. Leurs goûts, en matière de détente, étaient d'ailleurs fort controversés et alimentaient une terreur sourde. Thorian désigna trois gardes auxquels le bourreau, resté, jusque là, en retrait, fournit une matraque, puis il donna ses directives:

— Fatiguez-le ! Que ça ne traîne pas des jours. Mais évitez les coups à la tête, je veux récupérer les trésors qui sont cachés à l'intérieur, précisa-t-il, en se frottant les mains comme un maquignon. Donc, j'attends de vous un travail soigné. Merci.

— Avec plaisir ! répondirent-ils ensemble.

Ils se placèrent autour du prisonnier. Ses bras, entravés ne lui permettaient ni protection, ni défense. Il tourna lentement sur lui-même, défiant du regard chacun de ces hommes et s'arrêta. En silence, il fit une brève prière :

— Forces Bonnes, aidez-moi !

La première volée de coups le renvoya à genoux, plié en deux, le souffle court.

— Allez ! Debout !

— Tu ne vas pas nous lâcher tout de suite ? !

— On commence tout juste !

Les encouragements fusaient. Il se releva et encaissa aussitôt la seconde vague qui le jeta au sol où les coups continuèrent de pleuvoir, le faisant se tordre de douleur, les dents serrées. Seconde pause. Il se remit debout de nouveau, péniblement. Mais cela ne faisait que commencer...

— Forces Bonnes, aidez-moi !

Annotations

Vous aimez lire MAZARIA ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0