Le bourreau se plaça derrière son patient, se concentra un bref instant et asséna le premier coup. Arkan se raidit. D'un mouvement sec du poignet, Barral arracha les hameçons, profondément accrochés, déchirant la peau de sa victime puis recommença... Le prisonnier se tordait sous les assauts de la violence, étouffant les plaintes jusqu'à ce que ses cris parcourent librement les sous-sols. Les deux hommes tressaillirent.

— Il n'a pas de chance, ton ami.

— Tu ne peux pas savoir à quel point c'est vrai...

— Et quand ils n eauront fini avec lui, ils vont s'occuper de toi...

— Oui.

— Pauvres...

Enguerrand avait répondu d'une voix assourdie par l'angoisse. Plus loin, un autre captif se boucha les oreilles en gémissant. Son corps se rappelait ses propres hurlements, ses supplications. Ses nuits résonnaient encore de leur écho. Soudain les cris cessèrent et il se mit à pleurer.

Quand Arkan reprit conscience, après avoir reçu au visage un broc d'eau froide, il vit d'abord la sciure teintée de rouge. Il frissonna et releva prudemment la tête. Razel avait reposé le récipient. Barral se rapprocha en demandant :

— Alors, joli cœur, tu as repris tes esprits ?

— Si un jour je peux, je te couperais en morceaux et je les donnerais aux chiens !

— Ce n'est pas pour bientôt, s'exclama joyeusement Saphira en quittant les genoux accueillants de sa Bête.

De nouveau, elle le gifla à la volée, joie sauvage.

— Je n'aime pas que tu nous parles sur ce ton !

Arkan se calma, mais ses yeux luisaient d'une rage égale à son impuissance. Si elle avait su ses pensées à cet instant précis, peut-être Saphira l'aurait-elle immédiatement mis à mort. Mais elle n'en avait que le reflet...

Elle examina son dos déchiré, lacéré, bleui. Elle le savait, la douleur était affreuse. Il grelottait malgré le feu de ses blessures, les poings serrés, haletant. Elle lui chantonna à l'oreille :

— Tu tiens vraiment à poursuivre ?

Il répondit dans un souffle :

— Avec plaisir.

Barral reprit le fouet et se plaça face à son client en disant :

— Ton arrière n'est qu'une désolation ! Je ne vois plus ce que je fais. Je vais poursuivre de ce côté et, comme tu vas vite t'en rendre compte, il est bien plus difficile de résister quand on voit venir les coups. Mais avant de commencer, je veux te poser une question.

Son regard glacé fouillait celui de sa victime. Arkan sentit monter la panique. Une larme roula sur sa joue tuméfiée.

(Forces-Bonnes, aidez-moi)

— Sais-tu depuis combien de temps tu es ici ?

Combien de temps ? Les coups, les pauses, la peur, la souffrance. Combien de temps déjà ? Combien de temps encore ? Et ce froid, jusque dans ses os...

(Forces-bonnes, aidez-moi !)

Le temps... Il ne savait pas depuis combien de temps. Des heures ? Des jours ? Il avait perdu connaissance, plusieurs fois. La lumière du soleil n'arrivait pas ici. Il était seul, livré à la folie de Saphira, à l'avidité de Thorian, au savoir faire de Barral. Personne ne savait qu'il était là. Il ne lui restait qu'à attendre la mort. Une seconde larme roula jusqu'à son menton et vint s’abîmer dans la sciure.

Combien de temps ?

— Il y a trente six heures que tu es ici et que nous te travaillons au corps. Alors, explique moi ce que tu attends pour commencer à nous faire quelques confidences ?

— Je ne suis pas pressé.

Réponse au mépris désespéré.

— C'est ta volonté, et je la respecte. Nous allons donc continuer. Tu es résistant et tu vas agoniser très longtemps.

Saphira le dévorait des yeux. La suite fut un enfer, alternant questions et violences et souffrances. Ils voulaient tout savoir !

Ils voulaient tout !

Ils voulaient !

Tout !