Arkan avait affronté Saphira, sans faillir, mais à présent, c'était contre lui-même qu'il devait se battre, contre la douleur, et l'épuisement qui lui brouillaient les idées. C'était une lutte de chaque seconde pour ne pas laisser sa bouche meurtrie prononcer les mots que son esprit voulait taire et qui se bousculaient.

(Forces-Bonnes, ôtez-moi la parole...)

Il répétait ce nouveau mantra, en boucle, contraignant son esprit à ne pas capituler. Il s'était mordu les lèvres si fort que le sang ruisselait le long de son menton et de son cou. Le sel de ses larmes brûlait ses chairs à vif. Mais il voyait la Lumière derrière le visage de la Femme. Il y était presque. Cela ne durerait plus très longtemps. Son corps tremblait et se cabrait, cherchant son souffle désespérément, la gorge en feu d'avoir hurlé.

— Il va t'échapper... avança Thorian à l'adresse du bourreau.

— Je ne pense pas. Il n'est pas vraiment au bout. Mais on va lui accorder une petite pause. Laissons- lui quatre heures. Après ça, j'abattrai son dernier rempart et vous pourrez piller son esprit à votre convenance.

— C'est parfait.

— Razzel, mettez-le au repos !

Ils l'avaient allongé sur le sol froid, tendu comme un arc il tenta de décoller son dos de la pierre mais Saphira, du pied, le plaqua rageusement sur les dalles puis elle se pencha vers lui, deux flacons de verre dans les mains.

— Je vais te laisser de quoi réfléchir...

Tout en parlant, elle lui avait versé quelques gouttes d'un liquide transparent sur le ventre. Instantanément, la douleur avait disparu. Le remède était puissant. Hors d'atteinte. Désespoir. Ne rien dire. Juste s'échapper. Le second flacon contenait une poudre blanche qu'elle dispersa sur son torse, en disant avec une moue gourmande :

— Juste un peu de sel, pour que tu penses à moi !

Quelques secondes plus tard, il fondit en larmes sous son regard moqueur.

— Forces-Bonnes, ôtez-moi la raison. J'ai si froid...

— Suis-moi, homme blessé, suis mes yeux noisette. Avance vers la Lumière. Saphira ne pourra pas t'atteindre ici. Viens !

— Femme Douce... je brûle. (Juste un murmure...)

— Reste près de moi, reste dans la Lumière.

— Femme Douce...