HANTISE MAGNIFIQUE

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Brusque réveil, mauvais rêve, sensation de dégoût. Arkan se sentait souillé et se leva en soupirant. Le feu ronflait. Les flammes montaient droit. Debout devant la cheminée, il tentait de maîtriser ses émotions. Après tout, ce n'était qu'un rêve ! Mais il avait l'air tellement réel...

Saphira le hantait, l'obsédait. De rage, il envoya un coup de poing dans la poutre de la cheminée en jurant à mi-voix. Il voyait son visage de cristal froid sourdre des pierres du mur comme une source. Gémissant, désemparé, désespérant de pouvoir l'oublier, il se mit dos au feu, près, très près, et s'y maintint malgré la chaleur mordante, poings serrés.
Enguerrand l'ayant entendu dans son sommeil s'était levé et le trouva tétanisé, le visage baigné de larmes.
— Mais qu'est-ce que tu fais ?

— Je me bats.

— Tu as de nouveau rêvé de Saphira...

— C'est pire que ça ! J'ai rêvé que nous faisions l'amour. Et ça avait l'air tellement vrai que ça me rend malade. Il n'y a ni jour, ni aucune nuit où je ne la vois ! J'en peux plus, elle me ronge comme une mauvaise maladie, acheva-t-il en tremblant.

Enguerrand passa la main sur les épaules de son frère, geste de réconfort. Arkan tressaillit. Sa peau était brûlante. A ce moment là, Enguerrand comprit à quel point il était perturbé, et à quel point il avait besoin d'aide. Il prit dans ses bras ce compagnon égaré aux abords de la folie et murmura à son oreille :
— Arrête, ça ne sert à rien !

— Ça me sert à ne pas devenir fou !

Il s'était dégagé brusquement et de nouveau, il frappa du poing sur la poutre puis se cacha le visage dans les mains, secoué de sanglots. Quand il se fut calmé, Enguerrand le prit aux épaules, plongeant ses yeux dans les siens et poursuivit :

— Meurtrir ton corps ne fera pas disparaître tes illusions. Je t'en prie, ne la laisse pas obtenir ce que tu lui as refusé avec tant d'énergie. Ne lui jette pas ton âme en pâture !

— Mais comment je faire ?...

— Je ne sais pas. Mais on va trouver une solution.

Enguerrand le fit asseoir et, d'autorité, lui rafraîchit le dos avec un linge mouillé, jusqu'à ce que la chaleur diminue et qu'il soupire de soulagement. Il le sermonna alors sans ménagement.

— Ne refais jamais ça ! Des hommes ont risqué leur vie pour te sortir de chez Saphira. Respecte leur courage !

Son frère le regarda avec tristesse. De profonds cernes noirs marquaient son visage pâle aux joues creusées.

— Si seulement je pouvais dormir...

— Essaie de penser à l'autre femme, celle aux yeux si doux. Peut-être que si tu l'invoques elle réapparaîtra. Peut-être qu'elle peut t'aider.

— Et peut-être qu'elle n'était qu'un rêve...

— Essaie !

D'un instant à l'autre, d'une femme à l'autre, au fil de ses pensées, Arkan passait des cimes aux abîmes.
Son frère sentait qu'il y avait un espoir dans cette inconnue. Il voulait sauver son ami et s'il devait user de magies, il le ferait !
Ils s'étaient recouchés dans la lueur bienveillante du feu. Vidé de ses forces, Arkan avait enfin plongé dans un sommeil de plomb, impénétrable. Enguerrand resta longtemps les yeux grands ouverts, laissant son esprit aller à la recherche d'une idée pour sortir le musicien de sa prison mentale. Mais toutes ses réflexions le menaient à la mort de Saphira.

Il finit par se tourner sur le côté en soupirant : " affaire conclue " et s'endormit aussitôt.

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