Thorian avait embrassé son épouse avec douceur et donné le signal du départ. Une dizaine de cavaliers le suivaient. Il aurait fallu bien des augures de mauvais sang pour le dissuader de partir et cette expédition prenait l'allure d'une belle promenade dans les collines, à travers bois et campagne. Et au retour, il offrirait à sa belle la satisfaction de pouvoir retrouver le plaisir interrompu par l'évasion des prisonniers. Ses indicateurs l'avaient bien renseigné et ils devaient récupérer les deux frères au plus tard dans les trois jours.

Ailleurs, des chevaux écumants pulvérisaient les pierres du fer de leurs sabots faisant jaillir des étincelles dans une course effrénée, menés par une volonté sansf faille.

Les deux musiciens avançaient en silence, isolés dans leur bulle de pensées, communiant avec cette nature qui leur était mère. Enguerrand imaginait ce que serait son futur avec Juliette. Arkan demandait à l'univers de lui rendre l'énergie qui lui manquait et de lui permettre de continuer son existence dans la sérénité et l'amour.
Ils décidèrent d'avancer jusqu'à Cubières-sur-Cinoble où on leur ferait bon accueil et d'y passer la nuit.

La Rumeur se réjouissait :

— On ne fait pas toujours comme on veut ! Pas vrai ?

L'embuscade était bien organisée, le danger caché dans la mer de chênes verts fondit sur cette proie qu'il attendait dans l'ombre du jour déclinant. Les frères se défendirent avec un acharnement plein de rage et ce n'est qu'après avoir perdu deux hommes que Thorian put se réjouir de la réussite de l'action. Les malchanceux furent enterrés le long du chemin sous un monceau de pierres, la terre étant sœur de la roche dans cette contrée.

De nouveau captifs, les frères marchaient, chacun encordé derrière un cavalier.

Mais ce succès ne fut que de courte durée, une vague de violence silencieuse s'abattit sur la colonne avançant sans méfiance. Profitant du chaos, les prisonniers avaient plongé dans le labyrinthe de végétation et pris la fuite.
Les rescapés de l'expédition au nombre de trois découvrirent leur chef sans vie, une flèche dans le côté ayant mis fin à son existence. Ils hésitèrent longtemps avant de se décider à le charger sur sa monture et de prendre le chemin du Repaire. Chacun craignait la colère de Saphira...

Ils avaient bien raison car un seul d'entre eux échappa à sa rage.

Et il court encore...