Écrit en écoutant : https://youtu.be/xecukJDAPcw

Dans la longue nuit de ses yeux morts, Rayan écoutait la lune aux notes rondes se faufiler entre les cimes jusqu'à sa cabane. Il n'en fermait plus la porte, il n'avait plus peur. Sa vie était un champ de fleurs et la folie des hommes n'y avait plus droit de cité.
Il sortit sous le ciel, s'étendit dans l'herbe et oublia.
Souffle, pas dans l'herbe chuchotant, pierre qui roule, sérénité. La présence était chaude, son énergie forte. Il devina la joie des dents qui avaient trouvé la chair. Il n'avait pas peur. Il était hors de porté, dans sa sphère, indésirable. Il n'était pas un repas.

— Homme, je te salue.

La voix dans son esprit était grave et profonde. Elle avait une douceur dense et épaisse. Rayan inspira profondément. Il sentit une odeur sauvage de terre et de feuilles, quelque chose qu'il avait connu en d'autres vies. Sa mémoire remontait à des temps immémoriaux.
Une truffe froide et humide souffla dans son cou, le pelage lui chatouilla la joue. Il n'avait pas peur, ce qui était là était paisible.
Le loup, son totem, son animal compagnon s'allongea le long de son corps en soupirant, lui insuffla sa chaleur, son énergie. Il entendait les battements de son cœur, puissants et réguliers. Ils fusionnèrent, retrouvant l'unité. La meute autour d'eux, la beauté de la bête multiple et une.
Les nuages passaient en courant dans son esprit, semant des graines de pensées et de plénitude comme il n'en avait jamais connues. Rayan retrouva la paix intérieure, ce lieu que nul ne pouvait détruire ni blesser. Il était l’œil de la bête, la pluie du sous-bois, rude sortilège. Il savait le chemin pour voir les temps et les âmes. Il était heureux...
Il s'assit, sensible à un mouvement muet. L'animal s'était éloigné et attendait son éveil. Dressé sur ses pattes puissantes, le museau levé vers l’œil du ciel, il lança l'appel, le salut, le chant à la nuit s'achevant par un cri bref et velours puis s'éloigna...

Rayan frissonna. Il fut, est et sera... loup.

Deviner, entendre, ressentir... son lot pour les temps à venir...