JOURNAL DE GUILHEM, RÉUNION D'URGENCE
La fin d'après-midi a été riche d'émotions. Émeline est arrivée juste après une bonne averse. Elle a frappé puis est entrée suivie de Séréna-Alboreta, Zohra et Salomon. "Réunion de trava", a annoncé ce dernier. J'ai d'abord dit que je me sentais assez bien pour que ça se fasse dans la salle communale, mais j'ai dû admettre que j'étais trop faible pour pouvoir traverser le village. J'ai dû perdre pas mal de sang... J'étais un peu sonné.
Émeline est belle.
Je la trouve belle. Elle a quelque chose de décalé qui me plaît. Ses cheveux roux détachés ont bondi sur ses épaules quand elle a enlevé son chapeau de pêcheur kaki. Une robe vaporeuse bleu foncé à petites fleurs blanches s'arrêtant au dessous du genou, une veste de toile bleue ciel et des bottes de caoutchouc pour braver l'averse. Voilà comme elle a achevé de me stupéfier.
Donc ils se sont installés et j'ai dû me contraindre à réintégrer le sujet de la conversation quand Séréna-Alboreta m'a appelé doucement d'un air complice. Elle a vraiment de la magie, Séréna, c'est quelqu'un de bien...
— Alors voilà, Guilhem, on a besoin de te parler. Le paradis n'ayant visiblement pas encore éclos. Vu ce qu'il s'est passé, on doit revoir nos organisations.
— C'est clair.
— J'ai fait le tour des gens de chez moi, a poursuivi Zohra et tout le monde est du même avis. C'est à dire : on doit se regrouper. On sera plus forts.
— Je n'ai pas encore consulté tout le monde, poursuivit Salomon, mais nous sommes déjà une majorité à le penser.
— Donc voilà ce que je propose, ajouta Séréna-Alboreta, venez vous installer à Bugarach. Il y a assez de maisons disponibles. Ce village est bien organisé, il y a de l'eau en suffisance entre les ruisseaux et le lac et des terres cultivables.
— Vous pourriez finir de faire pousser et récolter ce que vous aviez planté chez nous, en faisant des aller-retours réguliers si vous le voulez, et vous installer définitivement ici à l'automne, avait précisé Émeline. Parles-en à tes collègues, nous, nous sommes déjà décidés, personne ne veut revivre ça. On va venir ici puisque le village est détruit.
Tout en affirmant leur décision, elle me regardait avec une flamme qui me cloua sur place, me réchauffa aussi après la tristesse de cette nuit de violence et les doutes sur l'avenir du monde et de nos petits groupes de survivants.
Elle soutenait le petit espoir que nous avions en l'avenir de son regard brûlant.
J'étais subjugué.
* * *
C'est une décision exceptionnellement unanime, les trois groupes seront réunis à Bugarach.
Et je suis amoureux pour la seconde fois de ma vie.
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