Chapitre 23

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  Après une promenade dans la campagne, à travers le léger voile de neige que la nuit avait déposé, Jane et Swan étaient venues se réchauffer dans le salon, près de la cheminée, chez les Cooper. Elles riaient fort et interrompirent une promiscuité inédite entre Edward et Amber. La scène qu'elles avaient surprise donna lieu à des commentaires de la part des deux amies, d'abord par de longs regards appuyés lorsqu'elles étaient encore dans le salon, puis par des critiques justifiées quand elles eurent regagné la bibliothèque pour échanger sans être entendues.

  Mrs Cooper proposa à Edward, comme cela se produisait souvent depuis plusieurs semaines, de rester dîner le soir même. Comme toujours, il accepta avec toutes les civilités que cela supposait. Les domestiques dressèrent la table de la salle à manger et allumèrent un grand feu de bois qui éclairait la pièce d'une chaude lumière tamisée. La soirée s'annonçait très agréable. La neige avait fondu, le ciel n'était pas menaçant, Edward pouvait rester tout le temps qui lui conviendrait, sans être pressé de rentrer à cause de la neige. Jane ne fut évidemment pas conviée à rester dîner afin de ne pas insulter Edward, ainsi que l'avait voulu la maîtresse de maison. Un silence de plomb régnait durant le repas, on entendait l'entrechoc des cuillers sur les assiettes et les aspirations du potage de châtaignes dans la bouche de chacun. Swan ne désirait pas briser ce merveilleux silence, malheureusement il ne fut que de courte durée. Edward ôta brusquement sa serviette, se leva, parut hésiter un court instant, jeta un regard à Mrs Cooper puis mit un genou à terre.

  — Miss Amber, je vous ai montré chaque jour un peu plus toute l'affection que j'ai pour vous. Vous avez toujours su me renvoyer autant d'affection que je pouvais l'espérer. Je vous demande aujourd'hui, solennellement, de bien vouloir devenir ma femme. Je jure devant Dieu et votre famille que vous n'aurez jamais le ventre vide et que vous n'aurez jamais à vous plaindre de ce que la vie aura bien voulu vous donner.

  Amber fut incapable de prononcer le moindre mot, les yeux noyés de larmes, elle réussit tout juste à s'éventer avec les mains pour signifier son émotion. Edward attendit un bref instant une réponse avant de reprendre.

  — Je crois que cela veut dire oui ! s'exclama Edward, vainqueur. Mr Cooper, nous donnez-vous votre bénédiction ?

  — Bien entendu, je vous la donne sur-le-champ, nul besoin de nous entendre sur les conditions. Vous aurez ma fille pour la dot qu'il vous siéra.

Un grand sourire illuminait le visage du fiancé, il saisit sa promise par les hanches pour la soulever du sol et la faire tourner.

  — Vous serez ma reine ! Tous les chapeaux, rubans et gants que vous voudrez, vous aurez ! Vous choisirez vous-même la maison que nous habiterons ! Nous aurons de nombreux enfants ! Vous n'imaginez pas le bonheur que vous me faites !

  Amber pleura de plus belle sur l'épaule de son futur époux. Swan ne prit pas la peine de dissimuler sa déception, quoique cela n'importât à personne. Les époux Cooper étaient plus que satisfaits par ce dénouement. Quand les effusions furent quelque peu retombées, qu'Amber eut séché ses larmes, Edward s'excusa :

  — Il me faut annoncer la nouvelle à mes parents et à mes frères, sans plus attendre. Je dois leur narrer ma joie, ils doivent me féliciter. Pardonnez-moi, je ne puis rester plus longtemps.

  Il déposa un baiser sur le dos de la main d'Amber avant de partir comme il était venu.

  Le reste du repas fut consacré à vanter les mérites du jeune homme, à flatter la beauté d'Amber sans laquelle ce prodige ne serait jamais arrivé. Mrs Cooper imaginait, amusée, l'abattement que ressentirait Mrs Faraday en apprenant la nouvelle et cela ne faisait qu'ajouter à son bonheur.

  Swan tenta de raisonner son père sur l'engagement qu'il avait pris d'accorder la dot qui siérait à Edward. S'il demandait une somme déraisonnable ? Mr Cooper répondit calmement qu'Edward était un homme de bon sens et qu'il ne demanderait jamais plus que de raison. Ces détails furent réglés le lendemain et à cette occasion, le père de famille éprouva quelque remords à ne pas avoir écouté plus en avant son aînée. Edward demandait une dot qui correspondait, à peu de chose près, au montant maximum que Mr Cooper était prêt à consentir. En plus de cela, le jeune arrogant préjugea à haute voix que cela était tout à fait raisonnable et que, compte tenu de sa bonté, il serait naturel, qu'en cas de besoin, il vienne demander un surplus de temps à autre à Mr Cooper qu'il ne devrait pas lui refuser. Mr Cooper espérait toujours ne pas se tromper au sujet de son futur gendre et acceptait, un peu à contrecœur. Il aurait été malheureux de contredire Edward et que celui-ci décidât de rompre son engagement avec Amber pour une raison financière. Quoi qu'il en soit, cette demande ne représentait pas un grand sacrifice puisque Edward était issu d'une famille plus aisée que la leur, que rien ne laissait présumer qu'ils aient besoin de plus de fortune que celle dont ils disposaient déjà et que, en dernier lieu, Swan avait peu de chance de se marier, ce qui le rendait peu scrupuleux à sacrifier la dot de son aînée. Mr Cooper ne dit mot de cette conversation à personne, certainement pas à Swan. Cette dernière, si elle avait su un traître mot de cet entretien, aurait exhorté son père à refuser cet arrangement, non pas qu'elle eût en tête le mariage, mais elle aurait pu lui rappeler qu'il n'était pas assuré de survivre à sa femme ; et que dans l'éventualité où il serait le premier à décéder, mère et fille se retrouveraient sans le sou. Dans une sorte d'orgueil, Mr Cooper n'avait pas envisagé une minute qu'il ne puisse pas survivre à son épouse.

  Les arrangements financiers conclus, il ne restait plus qu'à trouver la robe, lancer les invitations et railler Swan car elle n'avait toujours pas de mari. Amber s'appliqua à chacune de ses tâches, mais elle mit en particulier du cœur à l'ouvrage pour la dernière. Elle se vantait jour et nuit d'épouser le plus bel, riche et généreux homme du pays. Elle ne manqua pas non plus de faire connaître toute l'étendue de sa chance à Miss Harper, qu'elle croyait jalouse, mais qui ne l'était aucunement. Les critiques des deux amies à l'égard de leur mariage enflèrent bien que Swan préférât au plus éviter le sujet.

  Le mariage fut célébré en grande pompe, l'on donna un grand banquet pour célébrer l'union d'Amber et d'Edward. Mrs Cooper fut inconsolable à l’idée de devoir se séparer de sa fille. Ils partirent en voyage en France puis, à leur retour, se mirent à chercher une maison pour s'établir. Il s'avéra qu'Edward laissa moins le choix à sa femme qu'il l'avait promis pour la bâtisse. Amber s'en accommoda, car la joie de son mariage ne l'avait toujours pas quittée. Ils s'installèrent dans une maison à quelques pas de celle des Faraday, de bon standing, quoiqu’un peu élevé au vu des revenus d'Edward. Il vint rapidement se présenter chez les Cooper pour demander un soutien financier pour qu'ils puissent meubler dignement leur résidence, ce que Mr Cooper ne fut pas en mesure de refuser. Cela leur permit de s'offrir le plus beau divan qu'il fut donné à Amber de voir et un lit à baldaquins de la taille la plus indécente qu'ils pussent trouver.

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