chapitre 5: Un verre cassé

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Stef avait ses habitudes aux Ambassadeurs, un café-brasserie au chic discret où il appelait les serveurs par leurs prénoms et se sentait à l’aise au milieu d’une clientèle échappée d’un ministère voisin. Perdue dans ses pensées, Debbie bouscula un garçon, et un bruit de verre brisé attira les regards sur eux.

— Je suis désolée… Je… Je rembourserai.

— Laissez mademoiselle ! C’est juste une bière.

Stef posa la main sur son épaule.

— T’as même de la chance. Il y avait deux verres et tu n’en as fait tomber qu’un… Debbie… Qu’est-ce qui t’arrive ? Tu pleures ?

Elle haussa les épaules et s’essuya nerveusement le nez avant de s’asseoir. Elle retrouva son calme et regarda fixement l’extérieur.

— Franchement, ça ne vaut pas le coup de se mettre dans des états pareils.

— Laisse tomber. Je ne sais pas ce qui m’a pris. Ta fille t’a téléphoné pour ton anniv’ ?

— Comme tous les ans. Il fait très beau à Montréal. Elle m’a aussi envoyé un superbe diaporama de l’automne dans les Laurentides. J’ai même eu droit à un mot aimable de sa mère.

Le garçon apporta un thé et une vodka orange. Debbie s’empara du cocktail tandis que Stef soulevait délicatement la tasse avec ses gros doigts. Il but une gorgée de Darjeeling avec la distinction d’un lord anglais. Debbie vida la moitié de son verre.

— Toujours fidèle aux boissons forte, ma puce ?

— Rassure-toi ! Je ne bois que dans les lieux publics, accompagnée de gens honorables et je me saoule uniquement dans les boîtes à partouzes.

Elle s’essuya la bouche avec sa manche.

— Je repense à ce que tu m’as dit à propos de sa manière de jouer. Il a peut-être bidouillé son instrument pour obtenir un son différent, comme on fait avec une trompette bouchée.

— Bidouiller un saxo ténor ? Tu connais beaucoup de violonistes qui trafiqueraient un Stradivarius ? Non, ma puce, c’est le musicien qui donne de l’âme à l’instrument et pas le contraire. Je vais te raconter un truc : Mezz buvait rarement de l’alcool pourtant je me rappelle d’un soir où il était bien allumé, comme tout le monde d’ailleurs. On a échangé nos saxos en se jurant une amitié éternelle comme le font tous les cons bourrés. J’ai joué avec le sien et je n’ai rien remarqué d’anormal à part deux ou trois éraflures sur le métal, comme de vieilles cicatrices.

— Je me demande si ce n’est pas la femme qui est la cause de tout.

Il but une nouvelle gorgée, pensif.

— C’est bien possible, il en est ainsi depuis le Paradis Terrestre.

— Tu l’as rencontrée, cette mystérieuse Déborah ?

— Jamais. Mais on ressentait toujours sa présence, je ne sais pas trop comment t’expliquer. Faut que je te fasse une confidence, ma puce. Cette histoire me travaille depuis longtemps et j’aimerais bien que tu éclaires ma lanterne

— Pour ça, j’ai besoin de quelques allumettes.

— Finis ton breuvage des dieux, après on retourne au bureau et on s’y remet.

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