Chapitre 3

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   La maison était silencieuse lorsque Owen y entra, bien après Kathleen et Zoey. L'endroit était un exemple de modernité épurée, baignée de lumière naturelle la journée et décorée dans des tons clairs. L'entrée, petite et discrète, simplement composée d'une étagère murale et d'un banc en pierre où se déchausser, offrait immédiatement une vue sur un élégant escalier en bois clair, aux rampes en métal noir.
À gauche, la cuisine s'ouvrait sur l'espace, lumineuse et minimaliste, avec des armoires blanches sans poignées et un plan de travail en pierre beige. Un îlot central en bois naturel servait de point de rassemblement, décoré de quelques plantes en pot qui apportaient une touche de vie.

À droite, on accédait directement à la salle à manger, une pièce à l'ambiance chaleureuse. Une grande table en bois brut trônait au centre, entourée de chaises confortables en tissu beige et surplombée d'un lustre en verre soufflé. Le salon, juste à côté, restait ouvert sur la pièce, avec un grand canapé gris clair, quelques coussins dans des tons de bleu et de vert pastel, et une table basse rappelant celle de la salle à manger. Un tapis crème délimitait l'espace, ajoutant un peu de confort à cette décoration élégante et sans superflu.

L'ensemble, moderne mais accueillant, respirait la sérénité, les couleurs claires, les plantes vertes et les matériaux naturels créant une atmosphère paisible, parfaite pour se détendre. Malgré ça, la fin de journée avait laissé une tension palpable dans l'air, et chaque pas qu'il faisait résonnait lourdement.

Owen déposa ses affaires dans l'entrée et se dirigea vers la cuisine, où il trouva Kathleen aux fourneaux, l'air pensif. Zoey, quant à elle, était déjà montée à la douche avant de dîner. Kathleen leva les yeux vers lui, et bien qu'elle ne dise rien, son regard en disait long. Owen prit une profonde inspiration et s'avança face à elle, de l'autre côté du plan de travail, conscient que cette conversation ne serait pas facile.

— Je suis désolé, commença-t-il doucement

— Ne te fatigue pas Owen, je sais. Le coupa-t-elle. Je sais que tu n'as pas vu le temps passer et que ton retard n'était pas volontaire. Je sais. Et c'est parce que je sais que je t'ai appelé, en vain.

Owen cautionna sans répondre, une pointe de frustration commençant à l'envahir.

— Je ne sais pas pour quelle raison, mais Zoey t'en veut plus que jamais. Elle m'a dit mot pour mot que ça ne faisait que confirmer ce qu'elle pensait.

— Et qu'est-ce qu'elle pense ?

— Owen, souffla-t-elle avec une once de culpabilité, elle est –

— Non, dit moi... Qu'est-ce qu'elle pense ?

— Que nous ne comptons pas, que tu n'as d'yeux que pour ton travail, avoua Kate après hésitation.

Owen serra le poing, tentant de garder son calme. S'énerver maintenant était la pire chose à faire même si sa colère était, pour lui, justifiée.

— C'est complètement faux et tu le sais !

Kathleen lâcha ses ustensiles avant de s'essuyer les mains et de s'approcher de son conjoint. Elle posa une main rassurante sur la sienne, son regard désormais empreint de douceur malgré sa déception.

— Ce n'est pas juste, Kate. J'ai essayé de m'intéresser à ce qu'elle aime, j'ai assisté à certains de ses entraînements, je lui ai même proposé de l'accompagner pour acheter du matériel de basket. Mais à chaque fois, elle me repousse. Je ne peux pas forcer une relation si elle n'en veut pas.

Kathleen se mordilla la lèvre, réfléchissant à ses mots.

— Zoey est à un âge difficile. Elle se sent incomprise, et je pense qu'elle interprète ta distance comme un manque d'intérêt. Même si tu fais des efforts, peut-être qu'elle ne le voit pas de cette façon.

Owen se passa une main sur le visage, fatigué de ces années de bataille qu'il considérait à sens unique.

— Alors, qu'est-ce que je suis censé faire ? Chaque fois que j'essaie de m'impliquer, elle me repousse et à la moindre erreur, elle déverse toute sa colère sur moi. Je ne veux pas abandonner, mais je ne peux pas non plus continuer à me heurter à un mur.

Sur ces mots, il attrapa les assiettes et couverts posés sur le plan de travail et les emmena dans la pièce d'à côté pour y dresser la table. Le silence était retombé bien que le doute ancré en lui grondait. Il avait longtemps cru pouvoir être une figure paternelle pour Zoey, mais il se rendait compte maintenant que le chemin vers cette relation était voué à l'échec, l'adolescence étant bien plus complexe qu'il ne l'avait imaginé. Et cette complexité, il n'était pas sûr de savoir comment la traverser.

La table prête, le dîner servit, Zoey descendit enfin pour manger. Un calme toujours aussi pesant planait au-dessus de leur tête, attendant que quelqu'un ouvre la bouche pour laisser s'abattre la foudre. Oppressé par ses pensées, c'est Owen qui brisa la glace.

— Zoey, -

— Non, lança-t-elle froidement.

— Zoey, ça suffit... souffla Kathleen, voulant éviter une énième dispute à table.

— Non ! Je n'ai pas envie d'en parler. Je n'ai pas envie de LUI parler.

— Je ne t'en laisse pas le choix Zoey, tout ça ne peut plus durer, ajouta fermement Owen.

— Ecoute au moins ce qu'il a à te dire.

— Qu'est-ce que ça va changer ? marmonna Zoey, en laissant tomber ses couverts sur la table.

— Tout ! répliqua-t-il. Tout peut changer !

— Non. T'es pas mon père, Owen, et ça, tu ne peux pas le changer.

Ces mots heurtèrent Owen de plein fouet. Mais il prit une profonde inspiration, refusant de laisser la douleur dominer leur semblant d'échange. L'adolescente se leva et sortit de la pièce pour se réfugier à l'étage.

— Zoey, attends ! Appela Kathleen qui observait la scène avec inquiétude.

Zoey s'arrêta à mi-chemin des escaliers, mais ne se retourna pas. Ses épaules étaient raides, signe qu'elle se préparait déjà à une confrontation. Debout, lui aussi, Owen ne comptait pas en rester là. Il ne voulait pas laisser passer cette opportunité de crever l'abcès une bonne fois pour toutes.

— Je sais que tu es en colère contre moi, commença Owen, cherchant ses mots. Mais j'ai besoin qu'on parle tous les deux.

Elle resta immobile un instant, puis se retourna lentement pour faire face à Owen, les bras croisés, son expression fermée.

— Qu'est-ce que tu veux me dire, Owen ? Que tu regrettes de ne pas être venu plus tôt ? Que tu vas te rattraper la prochaine fois ? On sait tous les deux que c'est faux. Tu auras toujours une bonne excuse ! Le tir à l'arc, le club, Harper... Tout passera toujours avant moi, avant nous, tout !

Owen fit un pas vers elle, ses mains tremblantes de frustration et de tristesse tandis que Kathleen se tenait en retrait, observant la scène, son visage trahissant sa douleur de voir la distance entre Owen et sa fille. Elle savait qu'elle devait les laisser parler, mais chaque mot lui était une épreuve.

— Ce n'est pas vrai, répondit Owen, son ton plus pressant. J'essaie vraiment de te montrer que je suis là pour toi, je veux faire partie de ta vie, mais c'est comme si tu ne me laissais même pas essayer.

Zoey baissa les yeux vers lui, un mélange de colère et de blessures dans son regard.

— Vraiment ? Tu veux faire partie de ma vie ? Mais tout ce qui compte pour toi, c'est ton fichu tir à l'arc. Peut-être que tu veux être un père, mais tu ne veux pas être le mien et tu ne le seras jamais.

Ces derniers mots frappèrent Owen comme un coup de poignard. Il tenta de répliquer, mais les mots semblaient pris dans sa gorge. C'était comme si tout ce qu'il avait essayé de construire avec Zoey s'effondrait devant lui.

— Tu n'as aucune idée de ce que je ressens, continua Zoey, ses yeux brillant de larmes qu'elle refusait de laisser couler. Tu ne fais que ce que tu crois être bien, mais tu ne me demandes jamais ce que moi je veux. Et là, je veux que tu me laisses tranquille.

Kathleen s'approcha alors, posant une main réconfortante sur l'épaule d'Owen.

— Zoey, tu ne peux pas dire une chose pareille. Dit-elle fermement, mais sa fille secoua la tête.

— Laisse tomber, maman. Je suis fatiguée, je vais me coucher.

Zoey monta rapidement les escaliers, laissant Owen et Kathleen seuls dans la salle à manger. Le silence qui s'installa après son départ était lourd de tout ce qui avait été dit, de tout ce qui n'avait pas été compris. Owen se tourna vers Kate, son visage marqué par la douleur.

— Je ne sais plus quoi faire, murmura-t-il, la voix brisée.

Elle le prit sans ses bras, ne pouvant rien faire de plus à cet instant. Owen s'y réfugia, à bout d'énergie face à la situation. Il avait l'impression d'avoir atteint un point de non-retour, responsable du vol en éclat de sa famille.

   Les deux jours qui suivirent furent marqués par une tension palpable dans la maison. Le silence entre Owen et Zoey, habituellement ponctué par des échanges cordiaux, était désormais pesant, presque assourdissant. Kathleen, quant à elle, tentait de maintenir un équilibre fragile, oscillant entre l'inquiétude pour sa fille et la volonté de soutenir Owen.

Le premier jour :

Le matin suivant la dispute, Owen se réveilla avec un nœud à l'estomac. La nuit avait été courte, son sommeil hanté par les mots tranchants de Zoey. Il descendit dans la cuisine où Kathleen préparait le petit-déjeuner. Zoey n'était pas encore là, et Owen en profita pour glisser un regard interrogateur à Kathleen.

— Elle est encore dans sa chambre, dit-elle en devinant ses pensées.

Owen hocha la tête, mais le silence qui s'installa ensuite lui semblait lourd de significations. Il voulait dire quelque chose, s'excuser encore, mais les mots restaient coincés dans sa gorge.

Zoey finit par descendre, prête pour le lycée, mais elle ignora Owen en entrant dans la cuisine. Kathleen l'observa, un soupir silencieux lui échappant.

— Bonjour ma puce, lança-t-elle doucement, tentant de détendre l'atmosphère.

Zoey répondit par un bref « bonjour », mais son regard évita l'archer. Elle avala rapidement son petit-déjeuner, et avant même qu'il ait pu dire quoi que ce soit, elle s'éclipsa vers la porte.

— Zoey, attends ! tenta Owen.

— Je vais être en retard, répondit-elle simplement sans se retourner.

Il n'y eut aucune discussion, aucune confrontation. Juste un éloignement progressif et douloureux. Owen la regarda partir, se sentant plus impuissant que jamais, isolé, incapable de trouver les bons mots pour briser la glace.

Le deuxième jour :

Le deuxième jour ne fut guère différent, mais une tension supplémentaire s'ajouta lorsque Zoey rentra de l'école plus tôt que prévu, visiblement bouleversée. Owen, qui travaillait à la maison ce jour-là, l'accueillit inquiet.

— Tout va bien, Zoey ? demanda-t-il doucement en observant son visage fermé.

— Ça va, répondit-elle rapidement, évitant son regard.

Owen fronça les sourcils. Il sentait que quelque chose n'allait pas et hésitait à s'aventurer dans cette conversation. Il le fit tout de même, guidé par son instinct.

— Malgré la situation, je suis là pour t'écouter tu sais.

— Je t'ai dit que ça va !

Elle monta les escaliers avant qu'il ne puisse insister davantage, son sac de cours traînant derrière elle. Owen resta planté là un moment, le cœur lourd. Il savait que forcer la conversation n'allait rien arranger, mais la voir ainsi, bouleversée et fermée, le préoccupait. Il retourna à ses occupations, essayant de replonger dans son travail, mais ses pensées restaient fixées sur Zoey.

Une vingtaine de minutes plus tard, le bruit des pas de Zoey descendant les escaliers le ramena à la réalité. Cette fois, elle portait son sac de basket sur l'épaule, prête pour son entraînement.

— Tu vas déjà au club ? demanda Owen, en la regardant se diriger vers la porte.

— Oui.

Owen se leva, désireux de comprendre ce qui n'allait pas et la raison pour laquelle elle se rendait déjà à l'entraînement.

— Je pensais t'y emmener, mais ce n'est que dans une heure.

— Non, c'est bon, soupira la jeune fille. La mère de Michaela doit passer me chercher.

Owen acquiesça, déçu, mais essaya de ne pas le montrer.

— D'accord...

Le silence s'installa, un peu gênant. Zoey sembla hésiter, comme si quelque chose la troublait encore, mais elle ne dit rien et se tourna vers la porte.

— Zoey, je vois bien que ça ne va pas, ajouta Owen, sa voix douce mais pleine d'espoir. Si jamais tu veux en parler, je suis là.

Elle ne répondit pas, ouvrit la porte, puis se figea un instant avant de jeter un coup d'œil rapide à Owen.

— Owen, j'ai juste passé une mauvaise journée, ça ira ! A ce soir.

Puis elle sortit, laissant Owen seul, dans le calme de la maison. Il regarda la porte se refermer, son cœur partagé entre l'espoir et la frustration. Il savait que leur relation prendrait du temps à se réparer, mais il espérait que, petit à petit, Zoey finirait par comprendre son intérêt pour elle et pourquoi pas un jour, lui parler de ses mauvaises journées avant de les oublier.

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