Chapitre 13

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  De retour au pick-up, Zoey s’efforça de rassembler tout ce qui lui passait sous la main pour transformer son siège passager en un espace un tant soit peu confortable. Owen quant à lui attrapa son matériel de siphonnage, avant de se tourner vers Zoey.

— Je vais chercher un peu d’essence et faire un tour à l’église avant qu’il ne fasse nuit noire. Je fais vite.

Zoey acquiesça et sans un mot de plus, Owen s’éloigna, sa silhouette se perdant entre les voitures du quartier.

L’odeur de métal et d’huile flottait dans l’air alors qu’il s’agenouillait près d’une première voiture. Avec des gestes habiles, il inséra le tuyau dans le réservoir et commença à aspirer, laissant le carburant s’écouler dans le jerrycan. Il travaillait rapidement, ses sens constamment en alerte. Le moindre bruit le faisait s’arrêter pour observer les alentours, qui ne révélaient pourtant jamais rien.

De son côté, après une longue bataille avec son duvet, Zoey était enfin installée. Souhaitant occuper son esprit avant de s’endormir, elle attrapa le sac qu'Owen avait laissé sur son siège. Elle le fouilla, à la recherche du livre qu’il avait trouvé lors d’un de leurs nombreux arrêts. En le sortant, elle aperçut qu’une enveloppe, lui semblant familière, s’était faufilée entre deux pages. Sans vraiment réfléchir, elle l’ouvrit à nouveau. Ses yeux parcoururent les mots déjà connus, mais quelque chose d’autre attira son attention cette fois. Un détail qui n’y était pas auparavant.

La case de la signature. Elle n’était plus vide.

Owen avait signé.

Zoey resta figée, le cœur battant, tandis qu’un mélange de choc et de joie montait en elle. Elle porta une main tremblante à ses lèvres, un sourire hésitant commençant à se dessiner. Il l’avait fait. Il avait signé.

Il ne voulait pas partir.

L’adolescente se défit de son lit -presque- douillet et sortit du pick-up. Convaincue qu’Owen se trouvait déjà à l’église, essayant maladroitement de prier comme il l’avait fait auparavant, elle se mit en route pour le rejoindre. Mais à peine eut-elle tourné au coin de la rue qu’elle aperçut une scène qui glaça son sang.


Owen n’était pas seul. Un homme, grand, robuste et alcoolisé, l’avait attrapé par le col. Une arme à feu à la main, sa voix rauque résonnant dans l’air calme de la nuit.

— Qu’est-ce que tu fais ici ?!

Owen, effrayé mais calme, leva les mains pour montrer sa bonne foi.

— J’essaie de survivre, comme tout le monde…

Mais l’homme n’en avait que faire, il le menaçait de plus belle avec son arme. Zoey sentit son cœur s’emballer. Elle fit demi-tour en courant jusqu’au pick-up pour y récupérer son arc et son carquois qu’elle enfila sur son dos. Sans perdre une seconde, elle retourna sur place, son souffle court, mais portée par l’adrénaline.

— Lâche-le ! hurla Zoey en arrivant sur la scène, l’arc bandé et une flèche prête à être décochée.

L’homme se figea, son regard passant d’Owen à Zoey.

— T’es qui, toi ? lança-t-il, consterné.

— Zoey, non…, murmura Owen dont l’inquiétude marquait le visage.

L’homme poussa violemment Owen contre la voiture derrière lui, l’arme toujours pointée sur lui mais l’attention portée sur Zoey.

— Baisse ton arme ou je t’envoie une flèche en pleine tête.

Owen jeta un coup d’œil à Zoey, surpris mais secrètement fier de sa détermination. Cette dernière, tremblante, ne se démonta pas.

— Laisse-nous tranquille.

— Et vous, dégagez d’ici ! gronda l’homme, en changeant de cible.

Pointant désormais son arme vers Zoey, elle se figea. La seconde d’après vira au drame.

Owen se jeta sur son agresseur qui, surpris, se tourna vers lui. Zoey eut à peine le temps de lancer une flèche que l’homme tira. Un cri de douleur lui sortit de la bouche quand la flèche se planta dans son épaule, tandis que Owen s’écroulait contre une voiture.

— OWEN !

L’homme semblant apeuré, arracha la flèche de son épaule et partit en courant dans la direction opposée. Zoey se précipita vers Owen, inquiète. Ses yeux grands ouverts laissaient transparaitre la douleur qu’il n’arrivait pas à exprimer.

— Non, non, non…Owen ! C’est pas vrai…

— Zoey, souffla Owen, sa voix à peine audible. La trousse de secours... dans le pick-up.

Il pressa sa main ensanglantée contre son flanc, le visage devenant doucement pâle. Zoey, debout devant lui, tremblait de la tête aux pieds.

— Zoey, répéta-t-il plus fermement. Dépêche-toi.

Sa voix la sortit de sa torpeur. Elle hocha la tête frénétiquement et partit en courant vers le pick-up, trébuchant sur le sol irrégulier dans sa précipitation. Les battements frénétiques de son cœur résonnaient dans ses oreilles alors qu’elle ouvrait la porte du véhicule. Elle chercha sous les sièges, ses mains tremblantes fouillant le contenu jusqu’à ce qu’elle sente la trousse de secours. L’attrapant à la hâte, elle se retourna et sprinta vers Owen.

À son retour, il était affalé contre la voiture, son visage livide.

— Owen, tiens bon ! supplia-t-elle en s’agenouillant à ses côtés.

Elle ouvrit la trousse et sortit toutes les compresses et de l’antiseptique.

— Ça va piquer, murmura-t-elle comme pour elle-même.

Ses mains hésitèrent alors qu’elle approchait la compresse de la plaie.

— Il faut… vite arrêter le saignement Zoey. Fais-le, murmura Owen.

Inspirant profondément, elle pressa la blessure. Owen retenu un cri, sa respiration se hachant sous la douleur.

— Désolée, désolée ! s’excusa-t-elle, les larmes coulant librement sur son visage.

Mais alors qu’elle appuya plus fortement, Owen ferma les yeux et sa tête tomba mollement sur le côté.

— Owen ?! cria Zoey, paniquée. Non, Papa s’il te plait, réponds-moi ! Papa !

Elle le secoua. Pas de réponse.

Tout se bousculait dans sa tête, et ses larmes perlaient tellement que sa vue se brouillait. Elle entendit alors du bruit venant de derrière, par reflexe elle lâcha le pansement et se jeta sur son arc qu’elle arma à une vitesse lumière.

— Wow stop, implora l’inconnu en levant les mains. J’habite à côté, j’ai tout vu. Je viens vous aider.

L’arc tremblait tout autant que Zoey. L’homme d’une trentaine d’année qui se tenait devant elle avait l’air de bonne foi. Elle baissa son arc, laissant ce dernier s’approcher.

— Il faut vite arrêter le saignement. On va l’emmener chez moi, ma femme pourra l’aider, expliqua-t-il à Zoey avant de tapoter la joue d’Owen. Eh, mon vieux, tu m’entends ?

Owen ouvrit difficilement les yeux, essayant de prononcer quelque chose, avant de les refermer immédiatement. L’inconnu attrapa toutes les compresses qu’il plaqua sur la blessure avant de se relever pour porter Owen dans ses bras.

— Prends tout ça avec toi et suis-moi !

Zoey, complètement dévorée par la peur, s’exécuta. La seconde d’après, elle se retrouva à la porte de la maison voisine, accueillit par une femme aux cheveux roux, le ventre bien arrondit par un heureux évènement.

— J’ai préparé la table, allonge le là-bas, ordonna-t-elle.

— Il est blessé sur le flanc droit, je n’avais pas de quoi stopper le saignement.

La femme enfila une paire de gants avant d’observer la blessure.

— Eh merde, la balle n’est pas ressortie… Ok, hm, je crois que je dois la retirer.

— Tu crois ?

— Je ne sais pas, je n’ai jamais eu à gérer une plaie par balle je te rappelle ! répliqua-t-elle, tendue.

Elle prit une grande respiration, réfléchissant aux prochaines étapes, tout en comprimant fortement la plaie.

— Je dois la retirer, c’est évident, décida-t-elle. Regarde dans la pochette, il doit y avoir une pince ou quelque chose qui y ressemble.

Le conjoint trouva l’instrument qu’il désinfecta vulgairement avant de lui tendre. Elle trifouilla la blessure avec assurance, concentrée sur ses gestes et épaulée par son homme.

— Ça y est, je l’ai ! Je vais pouvoir nettoyer et recoudre.

Zoey, restée sur le côté, pensait être un plein cauchemar et qu’elle se réveillerait dans une poignée de secondes dans le pick-up. Elle posa les yeux sur ses mains ensanglantées puis sur le visage d’Owen qui ne réagissait même plus à la douleur.

— Il va mourir, sanglota-t-elle soudain, sa peur de l’abandon éclatant en un cri désespéré.

— Non, il ne va pas mourir, répondit calmement la femme, sans cesser son travail.

Zoey secoua la tête, les larmes roulant sur ses joues.

— Il va partir comme maman. Comme tout le monde. Et je serai toute seule. Je ne veux pas être seule...

Elle s’effondra sur ses genoux, incapable de retenir les sanglots qui la secouaient. L’homme s’accroupit près d’elle, posant une main rassurante sur son épaule.

— Il n’est pas mort, il dort simplement parce la douleur est trop importante. Crois-moi, ça va aller, d’accord ? Comment tu t’appelles ?

— Zoey, réussit-elle à articuler.

— Ok, moi c’est Matt et ma femme, Rachel. Elle prend soin de lui, ça va aller.

Elle hocha faiblement la tête et essuya ses yeux, mais resta immobile, tremblante.


Il fallut une bonne demi-heure pour stabiliser Owen. Rachel couvrit la plaie, désormais recousue, de pansements propres et noua des bandages autour de son abdomen.

— Il doit se reposer maintenant, dit-elle en collant la dernière bande.

Ils transportèrent Owen sur un canapé, et Matt plaça une couverture sur lui. Zoey s’assit à ses côtés, refusant de s’éloigner.

— Tu devrais dormir, dit la femme avec douceur.

— Non, murmura Zoey, obstinée.

Elle serra la main d’Owen dans la sienne, priant silencieusement pour qu’il se réveille.

Les heures passèrent, Zoey ne sut retenir le sommeil. Ce n’est qu’au petit matin qu’Owen ouvrit les yeux, le soleil éclairant son visage. Il cligna plusieurs fois, cherchant à comprendre où il était et son regard se posa sur Zoey. Il serra sa main qu’elle tenait encore, rassuré de la voir seine et sauve.

— Comment est-ce que tu m’as appelé ? murmura-t-il, un faible sourire aux lèvres.

La jeune fille ouvrit instantanément les yeux en sentant la pression sur sa main et en entendant ces quelques mots.

— Owen ! s’écria Zoey, son visage s’illuminant de soulagement.

Elle se jeta à son cou, ses larmes mouillant son épaule.

— Je croyais... Je croyais que tu allais m’abandonner, sanglota-t-elle.

— Jamais, répondit-il, sa voix rauque.

Zoey se recula légèrement, les yeux rougis par l’émotion.

— Je te déteste, tu le sais ça ?

— Toutes les adolescentes détestent leur père, non ?

Elle laissa un sourire se dessiner sur son visage, comprenant ce à quoi il faisait référence.

— Merci d’avoir signé.

— Merci de m’avoir sauvé.

— Oh, ce n’est pas moi.

Owen inspira profondément, rassemblant ses forces pour se redresser un peu. La douleur le fit grimacer. Il releva son t-shirt, le pansement était imbibé de sang.

— Où est-ce qu’on est ? Qui m’a soigné ?

— Tu saignes encore ? s’inquiéta Zoey, se redressant. Ne bouge pas, je vais aller chercher Matt et Rachel, tu verras, ils sont très gentils.

— Non, attends.

— Mais tu saignes, ils m’ont dit que je pouvais les appeler en cas de besoin.

— Ne les dérange pas, il faut juste refaire le pansement. Je peux le faire moi-même. Aide-moi simplement à trouver un nouveau bandage.

Zoey récupéra alors le sac de secours que Rachel avait laissé sur la table et l’apporta à Owen. Ensemble, ils changèrent les compresses et la bande souillées pour tout remettre au propre.

— Comme neuf !

— J’ai vraiment cru que tu allais mourir…

Owen attrapa la main de Zoey qu’il entoura des siennes.

— Je suis là et je vais bien. Tu peux arrêter de t’inquiéter.

— Je ne sais pas comment j’aurais fait sans eux, on a vraiment eu de la chance…

— Je ne manquerais pas de les remercier.

Zoey sourit avant de débarrasser la trousse de soins.

— Tu devrais te reposer, tu as le visage encore pâle… affirma-t-elle. Tu fais peur à voir.

La remarque fit rire Owen, rire qui se transforma très vite en geignement douloureux. Il avait, en effet, besoin de quelques heures de repos supplémentaire.

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