Allez, on continue
« Le mot « mien » n’existait pas dans ma culture. On dit « nôtre. » C’est commun, ça nous appartient. Aujourd’hui, c’est « je, » « moi, » « mien. » On ne partage pas, on ne donne pas. On ne fait pas don de soi. Ça nous tue en tant qu’êtres humains, en tant que société, en tant que race. Par race, j’entends la race humaine. »
Stephen Goldsmith, aborigène Kaurna
Le gratuit existe déjà.
Regardez le nombre de personnes qui font du bénévolat, dans le culturel, dans le milieu sportif, dans le social, de l’assistance aux personnes âgées, handicapées, de la garde d’enfant, sans que cela soit prit en compte dans les statistiques sur l’emploi.
Des logiciels libres circulent sur le web, tels Libroffice, Gimp, Inkscape, Bender, Mozilla, Linux, et sont de très bonnes qualités face au géant Microsoft.
La culture libre envahit aussi la toile, avec entre autres : Wikipedia, Dogmazic, Youtube, Dailymotion, Deezer, Spotify, Wattpad, Scribay, Shortstories, Atramenta…
On assiste déjà depuis quelques années à l’apparition de zones de partage en libre-échange : grainothèque, trucothèque…
Des mouvements d’innovation sociale émergent : les Incroyables comestibles, les jardins partagés
Des cités mettent en place un service de transport en commun gratuit.
Vous allez me dire que la gratuité est juste en premier plan, une façade qui cache une autre circulation d’argent, parfois une simple paroi de verre, sous condition d’acceptation d’être envahi de publicité ou d’appel au don.
Oui, hélas, le système oblige les créateurs, sans cela, impossible de continuer, de survivre.
Oui, mais les nouvelles générations s’y habituent, à cette gratuité, et trouvent cela normal.
« Si ton corps était capitaliste, il te dirait : dis donc, on en parle de ton bras gauche, ou pas ? Parce que là, j’ai l’impression qu’il te sert… quoi, dix fois par jour ? Tu sais ce que cela me coûte, en nutriment ?…
On ampute ? »
Vérino n°199 : Système de santé et union nationale, Youtube, juin 2020
Des emplois disparaîtront, me direz-vous ?
Mais c’est déjà le cas !
Avec l’évolution des technologies, de la robotisation, de la numérisation, des métiers ont disparu ou sont sur le point de l’être.
Plus de sténos, de pompistes, de poinçonneurs dans le métro, d’opérateurs d’ascenseur, de crieurs de rue, de droguistes, de gardiens de phare, de propriétaires de vidéoclub, de technicien de labo photographique.
Et bientôt, plus de journalistes et de vendeurs de presse papier, de bibliothécaires, de bûcherons, de facteurs, d’hôtesses de l’air, de contrôleur aérien, de collecteurs d’impôt, de répartiteurs et de chauffeurs de taxi, d’agriculteurs, d’agents de voyage, les petites mains des professions juridiques, des métiers de la recherche, des banques et de la comptabilité, plus de secrétaires, de manutentionnaires, de cordonniers, d’horlogers, de ramoneurs, de caissiers ou d’employer du libre-service, de conducteurs de métro ou de train, de traducteur, de pharmacien, d’agent de production, de contractuels, de traders, de couteliers, de joailliers, de gouvernants…
Le plus risible : c’est nous, clients, parfois, qui les remplaçons. C’est nous qui travaillons.
Nous achetons nous-même, en quelques clics, nos billets de train, de bus, d’avion, nos nuitées et notre restauration, nous gérons notre courrier, nous jouons les banquiers, les financiers, les monteurs de meuble, les concepteurs d’intérieurs, les architectes, les administratifs…
En lisant ces listes, vous l’avez compris. Ceux qui vont perdre, ce seront les moins qualifiés, donc ceux qui avaient des emplois parfois, souvent, déjà mal rémunérés, et qui risquent d’avoir plus de difficulté pour se reconvertir.
Cela va d’office augmenter le nombre de chômeurs, de façon drastique, et élargir sérieusement et radicalement la fracture sociale, l’écart, déjà énorme, entre les plus riches et les plus pauvres.
Sauf changement radical !
« Le temps, c’est de l’argent » Benjamin Franklin
Ah ! Oui. Le temps.
Parlons-en, du temps.
Pause cigarette, pause toilette.
Pause café, pause manger.
Pause sieste, pause coup de fil urgent, pas urgent.
Pause je parle avec mes collègues.
Pause je me pause.
Pause je suis un être humain, pas un robot !
Tous ces temps sont calculés, minutés, limités, comptabilisés, décomptés, voire prohibés.
Car oui, vous comprenez, pendant que vous faites tout cela, vous ne produisez pas, donc vous ne rapportez pas ! Pensez donc à ces pauvres actionnaires !
Et le temps passé avec sa famille, ses amis, soi-même ?
Et le temps passé à s’amuser, jardiner, cuisiner, rêver, imaginer, créer ?
Et le temps passé à penser, au présent, au passé, au futur ?
Et le temps passé à méditer, se reposer, se retrouver, dormir ?
Le temps passé à vivre !
Vous l’estimez inutile ? Improductif ?
Réfléchissez. Qu’estimez-vous le plus précieux ?
Dans mon pays, une loi a organisé le temps : le don de temps de repos à un collègue dont l’enfant est gravement malade. Parce que, « oui monsieur, vous comprenez, ce n’est pas vous qui êtes malade. Vous devez retourner travailler ».
Cette loi, ce don, je trouve cela beau, un moment qui réconforte avec l’humain.
Mais je trouve cela triste. Ce don vient de votre égal, jamais de ceux qui ont largement plus les “moyens”.
Que vaut le temps passé avec un enfant qui vit ses premiers jours de vie ?
Que vaut le temps passé avec un proche malade, ou dont la mort est annoncée ?
Que vaut le temps du deuil, gâché par des tracasseries, des paperasseries, des inepties ?
Tout ce temps qui ne se produira qu’une fois, puis jamais, ce temps unique ?
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