L'histoire que je vais vous raconter est une histoire vraie... Oh bien sûr j'ai quelque peu modifié la quatrième partie de l'histoire, comme il est de bon ton de le faire lorsque l'on souhaite capter l'attention de son auditoire. Il arrive pourtant que la réalité soit bien plus étrange que la fiction... Mais les choses étant ce qu'elles sont, j'ai appris à garder les secrets qui ne peuvent être dévoilés, et pour l'instant je ne peux pas pas vous révéler tous les éléments de cette aventure.

Je ne me souviens pas des jours qui ont précédé ma première communion et c'est très embêtant, parce que c'était l'institutrice de ma classe de primaire qui nous avait préparé à cet événement, et je me suis toujours demandé pourquoi, puisque je ne fréquentais pas une école religieuse. La seule chose dont je me souvienne avec précision c'est qu'elle nous avait demandé de faire la liste de nos pêchés sur une feuille de papier. Et pour tout vous dire j'étais très contrariée, parce que je n'avais rien à écrire. C'était la page blanche, la véritable horreur. Et cette situation était d'autant plus grave pour moi que je pensais que j'allais me faire disputer par la maîtresse. Et puis j'ai eu l'excellente idée de m'inspirer du journal de Mickey et de recopier les bêtises que faisaient Riri, Fifi et Loulou, les incorrigibles neveux de Donald. Et j'étais soulagée de pouvoir écrire que j'avais volé un pot de confiture qui était tout en haut du garde manger et que j'avais eu besoin de prendre une échelle, mais qu'en prenant l'échelle j'avais renversé un vase que ma mère venait d'acheter.

Vous imaginez bien que le curé n'a pas été dupe un seul instant, lorsque je lui ai énuméré la liste de tous ces invraisemblables pêchés que j'étais censée avoir commis. Mais ce n'est que des années plus tard que j'ai compris pourquoi il avait l'air si amusé, alors que j'avais répété et répété dans ma chambre pour être aussi convaincante que possible. Ce fut mon premier contact avec le monde du théâtre, mais nous y reviendrons un peu plus tard. Certes j'étais un peu désappointée que le curé n'ait pas eu l'air de croire un traitre mot de ce que je lui disais, mais ce qui m'avait vraiment peinée c'était de constater qu'une fois leurs pêchés pardonnés, toutes mes camarades de classe regagnaient leurs places avec un visage rayonnant et j'avais même la sensation que quelque chose de magique venait de se produire pour chacune d'entre elles. Et c'était d'autant plus un mystère pour moi que je n'avais absolument rien ressenti d'extraordinaire après avoir avalé l'hostie pour la première fois. Et j'étais terriblement déçue...

Quelques mois plus tard la directrice de l'école avait organisé une sortie à l'opéra et ce jour là restera gravé dans ma mémoire à tout jamais, car j'étais aux anges pendant toute la durée de la représentation. J'étais littéralement en transe, des frissons parcouraient tout mon corps et j'avais même les larmes aux yeux. Mais j'avais la sensation que j'étais la seule à être subjuguée par le spectacle, car lorsque j'ai jeté un coup d'oeil à la dérobée sur les autres élèves, elles semblaient mourir d'ennui et au moment de l'entracte j'ai pensé avec délice que je venais peut être de ressentir ce qu'elles avaient elles même ressenti à l'église. Et si j'étais fort étonnée d'être la seule à avoir aimé l'histoire, la musique, les décors, j'étais littéralement envoutée par la belle jeune femme qui jouait et qui chantait si bien et j'avais l'impression que j'avais eu accès à quelque chose d'exceptionnel, qu'une porte venait de s'ouvrir pour moi et j'étais très fière.

Si bien que le jour où l'institutrice a demandé à chacune d'entre nous quelle profession nous avions envie d'exercer plus tard, j'ai dit sans aucune hésitation que je voulais être comédienne, parce que je ne faisais pas encore la différence entre une comédienne et une chanteuse d'opéra. Mais les dés étaient déjà jetés et je ne le savais pas encore.

Fin de la première partie