La fluorite blanche favoriserait les capacités extra sensorielles ; une plus grande sensibilité et interaction avec les énergies subtiles.

°°°

Léana réalise que Micah est parti lorsque la porte d’entrée claque devant elle. Le bruit sec la sort de son monologue intérieur et un rire soulagé secoue son corps fatigué.

Une Maîtrise de Glace.

Magnifique.

Elle passe une main dans ses cheveux. Il te prend pour une Humaine. Ses lèvres se serrent en un petit sourire gêné. La règle est simple : lorsqu’un Enkidien confie le secret de sa Maîtrise à un Humain, il la perd dès que cet Humain trahit la confidence. Micah lui fait donc assez confiance pour risquer de perdre sa Maîtrise. Léana lâche un soupir. Était-il vraiment décidé à lui prouver qu’ils pouvaient être amis ou juste…complètement fou ?

Heureusement que cette règle ne s’applique pas entre Enkidiens. Si elle le voulait, elle pourrait révéler à Kaïs que Micah était l’un des leurs sans que l’intéressé ne perde sa capacité. Hmpf. Vu l’instinct presque animal du blond, elle ne serait pas étonnée qu’il lui réponde un truc comme : T’as d’la merde dans les yeux, tronche de cake ? C’était évident bordel ! Elle grimace à l’idée. Nope. On va éviter de précipiter l’heure de ma mort.

La crainte d’une explosion de la part de Kaïs n’est pas la raison principale du silence de la jeune femme. À l’intérieur de sa cage thoracique, une douce chaleur s’est diffusée. Elle se sent… fière. Fière d’être jugée digne de porter un si lourd secret. L’inquiétude du garçon à son sujet était peut-être réelle… Doucement. Ne nous précipitons pas.

Une brume s’enroule autour de son poignet droit, laissant apparaître sa loutre d’Eau. L’animal se concentre, ses petites moustaches frétillent puis elle expire un souffle de givre, ponctué de quelques flocons de neige. Très content de lui, le petit mammifère lève ses yeux bleutés vers sa maîtresse et s’infiltre sous la paume de cette dernière pour voler des caresses. Son méfait accompli, elle lui fait un clin d’œil avant de se dissoudre en minuscules gouttelettes brillantes. Tss, t'es mignonne.

Soudain, des exclamations éclatent dans la cuisine :

— Tu ne peux pas le forcer à te le dire ! Tu ne ferais que le mettre dans une position pire encore ! s’exclame brutalement Iris.

Un cri de rage retentit et Kaïs ouvre violemment la porte avant de se précipiter à l’étage. Lorsqu’il passe à côté d’elle, Léana ne peut s’empêcher de reculer. Sa colère est si palpable qu’elle la sent s’insinuer sous sa peau. Elle baisse la tête pour éviter de croiser son regard et qu’il se rende compte qu’elle n’a aucun mot à lui offrir pour le réconforter.

Léana ose seulement tourner la tête vers la cuisine lorsqu’elle entend la porte de la chambre de Kaïs claquer. Elle regarde Iris s’assoir en soupirant dans son fauteuil. Oh Kaïs… Elle marche jusqu’à la vieille dame et, ne sachant pas trop quoi dire, elle fait un effort pour la prendre contre elle.

Quand les bras de la vieille dame se referment sur elle, Léana se contient pour ne pas immédiatement s’écarter. Des flashs d’étaux musculeux explosent derrière ses yeux, un murmure terrifiant lui susurre qu’elle devrait arrêter de faire la victime et des doigts puissants agrippent l’arrière de son crâne.

Essayant de garder son calme du mieux qu’elle le peut, elle finit par doucement se détacher de l’étreinte de la grand-mère. Elle cache sa respiration troublée derrière un sourire chaleureux mais les yeux orangés d’Iris se plissent immédiatement. Elle sait.

— Il se fait tard, jeune fille, murmure gentiment vieille dame, son expression s’illuminant. Tu devrais aller te coucher, tu as école demain.

Un petit rire s’échappe des lèvres de l’intéressée qui hoche la tête. Léana salue sa tutrice avant de monter à l’étage. Elle se brosse rapidement les dents, invoque sa Maîtrise de l’Eau pour se laver et son chaton de Feu vient faire s’évaporer les gouttelettes restantes sur sa peau. Jaloux de la loutre, il en profite pour lui aussi voler quelques caresses puis décampe en boudant quand sa maîtresse le chasse, agacée par son insistance.

Jetant un coup d’œil à la porte de la chambre de Kaïs, elle inspire courageusement et ouvre le battant adjacent. Sa chambre d’avant. Tout va bien. Qu’importe ce qu’il s’est passé. C’est juste une chambre. Lorsqu’elle allume la lumière, rien n’a changé. Ses peluches sont encore assises dans leur fauteuil, le vernis de son bureau a gardé sa splendeur et son grand lit est resté paré de son habituel plaid vert.

Le cœur au bord des lèvres, elle tire le drap puis s’allonge sous le tissu. Elle calme sa respiration, se répétant encore que tout va bien, qu’elle a seulement besoin de dormir.

Elle éteint la lumière.

Dans le noir, ses sens restants s’amplifient naturellement. Son nez se retrousse à cause de la poussière, elle sent ses muscles se contracter et elle entend son souffle trembler. Un liquide métallique se déverse dans sa bouche ; elle s’est mordu la lèvre si fort que celle-ci s’est fendue.

Ce n’est pas grave.

Ce n’est rien.

Tu es en sécurité.

Elle se tourne sur le côté, tremblante d’angoisse. Dors. Je t’en supplie, dors. Elle déglutit avec peine lorsque le drap sur sa peau imite des mains qu’elle a voulu oublier.

Ce n’est pas ta faute.

Le grincement du lit lui rappelle le rire de celui qui lui susurrait à l’oreille qu’elle était la femme de sa vie.

Tu lui avais dit oui. Il n’a pas pu comprendre que tu avais changé d’avis, cinq minutes plus tard.

L’oreiller qu’elle enfonce sur son crâne pour étouffer ce rire écœurant retrace la violence avec laquelle ses poignets ont été collés au matelas, la souffrance qu’elle a endurée, la honte qu’elle a ressenti.

Tu le voulais, tu ne peux pas te sentir victime.

Alors qu’elle se recroqueville sur elle-même, ses larmes tachent l’étoffe, tachent sa peau rougie par l’étreinte, tachent son âme meurtrie par un acte qu’elle ne sait pas définir.

Le lendemain matin, lorsque Léana lève les yeux vers le miroir de la salle de bain, son visage bouffi par les larmes lui rend un regard épuisé.

Échec.

 Elle se passe un peu d’eau froide sur la peau, espérant faire dégonfler ses paupières.

Échec.

 Elle ne peut plus compter sur sa chevelure pour cacher la misère. Ses petites mèches se battent en duel sur son front plissé par la fatigue. Va falloir y aller Léa, tu ne peux pas te cacher. Pendant un instant, elle envisage sérieusement la fenêtre de la chambre pour s’échapper par le jardin afin de ne pas avoir à expliquer son regard rougi.

— Léana ? Tu viens ?

Échec critique.

OoO

  Devant son omelette matinale, Kaïs jette un énième coup d’œil à Léana qui a à peine touché son bol de céréales. Il sait qu’elle va mal, il le ressent tellement fort. Mais, comme avec Micah, il ne peut rien faire pour elle. Si ce n’est être là pour elle. Bordel. Les pathétiques conseils de la vieille peau résonnent encore dans sa tête. Que de la merde, putain.

Ses poings se serrent et l’un d’eux s’abat violemment sur la table sans qu’il ne s’en rende compte. Sa frustration l’aveugle tellement qu’il ne remarque pas les deux femmes le regarder d’un air inquiet. Tch.

Le visage plissé par cette rage qui gronde dans son ventre, il se lève et, pendant un instant, il arrive à desserrer sa mâchoire :

— Je vais me doucher.

Il n’attend pas leurs réponses avant de sortir de la pièce.

T’es qu’un lâche, putain de merde.