Chapitre 2.3

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Le dernier prétendant, Cassian Porel, fils du duc et par définition ami de la famille royale, s’avança dès que la musique s’arrêta. Il s’inclina respectueusement et tendit sa main en direction de Sa Majesté.

« Allez, s’encouragea-t-elle, une dernière danse et nous pourrons prétexter être exténuée. Et Zorian pensera avoir eu ce qu’il voulait. »

Elle glissa sa main dans celle de Cassian et le brun la tira vers lui, l’invitant ainsi à s’approcher au plus près. Son parfum boisé révélait une nature douce que la délicatesse de son regard confirmait. Confiant, il s’autorisa quelques secondes à le plonger dans celui de Khiara qui ne parvint à retenir un sourire face à ce petit jeu de séduction.

« Puis-je me permettre un compliment, Votre Majesté ? demanda-t-il en baissant les yeux, faussement gêné.

  • Vous nous avez regardée patiemment danser avec les autres, attendant qu’ils dévoilent leurs plus belles flatteries pour décider d’une qui serait bien au-dessus des leurs, lui fit-elle, amusée.
  • Je l’avoue et ne suis pas surpris que vous l’ayez compris. L’effet s’en retrouvant amoindri, je garderai donc pour moi les mots que je vous réservais.
  • Vous ne cherchez pas vraiment à nous séduire, avisa-t-elle en plissant légèrement les yeux, vous connaissez votre valeur. Les souhaits de la reine n’ont aucun secret pour vous.
  • Vous voulez régner, et je le comprends. Il s’agit du royaume de Feu votre père.
  • Qu’en pensez-vous ?
  • Si vous me choisissez, Votre Majesté, je peux vous assurer que rien ne sera différent de son règne.
  • Vous ne nous laisseriez donc pas gouverner, conclut Khiara dont le visage se ferma.
  • Vous n’avez pas à endurer cela. Après tout ce que vous avez vécu, vous méritez une vie de douceur et de simplicité. Loin des préoccupations et des enjeux politique. Loin du poids de la couronne. »

Il accompagna sa tirade d’un sourire compatissant, mais celui-ci disparut lorsque Khiara se stoppa et lâcha sa main.

« Merci pour votre sollicitude, Cassian. Mais pour être tout à fait sincère avec vous, nous ne souhaitons pas renoncer au trône. S’il s’avérait que notre choix devait se porter sur vous, nous priions pour que vous réfléchissiez à la question.

  • Majesté, je vous jure dès cet instant de consacrer mes pensées à cette réflexion. »

Khiara le remercia d’un léger signe de tête, s’inclina et sortit du cercle de danseurs. Elle vit Zorian fondre sur elle tandis qu’elle se dirigeait vers une table pour demande à un valet de lui servir un verre de vin.

« Votre Majesté, tout va bien ? » s’enquit le conseiller.

Khiara attrapa le récipient qu’on lui tendait et l’avala d’un trait sous les yeux médusés de Zorian qui jeta un rapide coup d’œil pour s’assurer que personne ne l’avait vue. Avant même qu’il n’obtînt une réponse, le prince Dameric se joignit à eux :

« Majesté, puis-je espérer vous inviter pour une autre danse ?

  • Veuillez nous pardonner, mais nous allons prendre un peu de repos, répondit-elle en lui adressant un sourire faussement amical.
  • Plus tard au cours de la soirée dans ce cas ?
  • Sa Majesté en sera ravie, répondit Zorian en glissant vers elle un regard appuyé.
  • Bien. Dans ce cas, je vous dis à tout à l’heure. »

Une fois seule avec le vieil homme, Khiara laissa échapper un long soupir.

« Comptez-vous nous faire danser jusqu’à l’épuisement ? Pensez-vous que cela nous facilitera le choix ?

  • J’essaye de mettre toutes les chances de votre côté, Majesté. Votre père aurait été fier de vous, et je ne doute pas que tout comme moi, il aurait été en accord avec celui que vous choisirez. Je vous laisse à votre soirée, nous reparlerons de tout cela demain et si vous le désirez, je vous donnerai mon avis. »

Il s’inclina aussi respectueusement que possible puis se rapprocha d’un comte qu’il connaissait depuis de nombreuses années. La jeune reine se retourna vers son valet et lui tendit sa coupe.

A minuit, la plupart des invités étaient partis. Ceux qui venaient de plus loin – comme la majorité des prétendants – s’était vu accordé une chambre pour la nuit. A ce sujet, Sa Majesté avait été très clair : ils ne passeraient qu’une nuit au palais.
Tous vinrent d’ailleurs lui souhaiter une bonne nuit, puis elle s’éclipsa rapidement. Elle en avait supporté bien assez pour la soirée et le refuge que lui conférait sa chambre lui manquait.

Annabelle avait été immédiatement prévenue et la rejoignit pour l’aider à se défaire de sa robe.

« Sa Majesté a-t-elle trouvé l’élu de son cœur ? demanda-t-elle avec un rire sardonique.

  • Cesse immédiatement, la gronda celle-ci en lui lançant un regard noir, la situation est suffisamment pénible. »

Vexée, la femme de chambre tira brusquement sur les cordages qui maintenaient le buste de la robe.

« Est-ce trop te demander que de faire preuve d’un peu plus de délicatesse ? la réprimanda Khiara une seconde fois.

  • J’attends toujours la part de notre petit arrangement, fit celle-ci en écartant non sans peine le corset de Sa Majesté, ce qui tira un petit gémissement à celle-ci.
  • Pourquoi faut-il que tu sois toujours si pressée ? N’avons-nous pas été suffisamment généreuse avec toi ?
  • Généreuse ? répéta Annabelle avec un rire forcé, votre générosité vient seulement du fait que je connais votre secret et que je vous aide à le maintenir. Vous devriez vous montrer plus reconnaissante envers moi. Après tout, qu’auriez-vous fait si je ne vous avais pas aidée ?
  • Ce n’est pas par loyauté que tu nous as apporté ton aide. Tu auras ce que nous t’avons promis, pas plus. Et si cela devait ne plus te convenir, nous te conseillons de garder ta rancœur pour toi, car si tu devais nous trahir, tu le regretterais. Retourne dans ta chambre, nous nous débrouillerons seule. »

Annabelle lui jeta un regard haineux, une attitude de plus en plus récurrente ces derniers temps. Elle ne masquait plus son mépris pour sa souveraine ; connaître son secret lui permettait d’avoir un ascendant, et la femme de chambre ne se privait pas d’en faire usage. Elle quitta la pièce, certaine de pouvoir reprendre l’avantage d’ici peu.

Khiara s’asseya sur son lit en soupirant ; ce n’était pas la première fois que sa servante lui réclamait davantage. Si par le passé elle avait déjà cédé, aujourd’hui elle ne voulait plus s’y résoudre. Elle le savait, elle lui demanderait toujours plus. Hélas, elle ne pouvait faire sans elle, ne voulant risquer de mettre une autre femme de chambre dans la confidence. Elle se sentait piégée et ne savait comment se sortir de cette situation qu'elle voyait déjà mal finir.

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