Chapitre 5.3

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« Sélène ! Sélène !»

Celle-ci se réveilla en sursaut et découvrit le sourire amusé de Sa Majesté. Le corps en alerte, elle se leva d’un bond :

« Par tous les dieux, je me suis endormie ! Quelle heure est-il ?

  • Tout va bien, il est encore tôt, la rassura Kaldrys.
  • Comment le savez-vous ? On ne voit pas le soleil se levait ici.
  • Je le sais, c’est tout. »

Elle se trouva un peu stupide, davantage encore de s’être endormie dans le lit du souverain. Puis elle le regarda d’un drôle d’air, comprenant que c’était lui qui l’y avait placé.

« Vous n’auriez pas dû me laisser dormir.

  • Tu étais fatiguée, quoi de plus normal ? Et puis, je t’ai réveillée, non ? »

Elle ne put qu’en convenir, doutant cependant de l’heure. Il lui fallait remonter pour s’assurer que personne n’était encore debout. Elle ramassa le plateau vide puis sentit le regard du jeune homme sur elle.

« Je reviendrai vite, promit-elle. En attendant, pourquoi ne pas songer à ces leçons que vous vouliez donner à vos gens ? »

Cela devrait vous empêcher de penser à ce que vous subissiez dans cette pièce.

Une douce chaleur envahit son cœur lorsqu’il acquiesça d’un signe de tête, semblant motivé par cette perspective. Sélène avait hâte de le voir enseigner pour la première fois. Il lui fallait cependant encore rassembler des volontaires et convaincre les autres. Et il était hors-de-question qu’elle laissât qui que ce soit refuser. Ce projet était trop important pour le souverain.

Elle fut étonnée de voir qu’il avait raison, le soleil n’était pas encore levé. Elle en conclut qu’il était encore tôt, mais n’alla pas se recoucher. Elle préféra aller voir comment évoluer l’état de Khiara.

Celle-ci dormait à poings fermés ; après examen, son front semblait encore un peu plus chaud que la normale. Un petit sifflement se faisait entendre au rythme de sa respiration. Sélène en conclut qu’il lui faudrait une inhalation pour la soulager et descendit dans les cuisines pour faire chauffer de l’eau.

Adossée à une table, elle regarda fixement la casserole sans vraiment la voir ; ses pensées l’avaient déjà ramenée auprès de Kaldrys. Ils s’étaient rapprochés, c’était indéniable. Le regard qu’il posait sur elle avait changé et… le sien également. Mais son sentiment de légèreté retomba brusquement. Que pouvait-elle espérer avec lui ? Bien qu’ils eussent échangé quelques regards langoureux et maladroits, ni l’un ni l’autre n’oseraient jamais faire le premier pas. La bienséance ne leur permettait aucun avenir ensemble. Et aucun souverain n’aurait pu aller contre. Laisser le trône à sa sœur de l’exempterait pas de son rang non plus.

Un long soupir franchit ses lèvres.

Elle décida de laisser ces pensées loin de son esprit. Y donnait de l’attention ne ferait que la faire espérer et souffrir.

Une fois l’eau prête, elle y jeta quelques plantes dont on vantait les mérites – de la menthe poivré et du thym – et versa le tout dans un bol.

Lorsqu’elle passa la porte de la chambre royale, le visage fatigué mais souriant de Khiara se tourna vers elle.

« C’est exactement ce qu’il me fallait, fit celle-ci d’une voix nasillarde en se redressant. Merci pour ta prévenance, Sélène. »

Dès qu’elle se fut rapprochée, elle l’interrogea sur son frère, inquiète qu’il puisse mal supporter d’être enfermé.

« Il allait mieux quand je l’ai laissé, mais je doute que rester dans cette pièce soit bénéfique. Il semblait…

  • Fragile ? Oui, sans doute. Je suis tout de même étonnée qu’il « aille mieux » aussi vite. Que lui as-tu dis pour le calmer ? »

Sélène sourit, les joues rouges et le regard fuyant.

« Je vois, répondit simplement Khiara en lui jetant un regard réjoui.

  • Ce n’est pas ce que vous croyez ! se défendit aussitôt la femme de chambre. Je l’ai rassuré, c’est tout !
  • Je vois, insista-t-elle sur le même ton en glissant son nez au-dessus du bol.
  • Votre Altesse, j’ignore ce que vous imaginez mais…
  • Je disais l’autre jour que mon frère t’appréciait. Et je vois que tu l’apprécies aussi, la coupa-t-elle. Ta compagnie lui fait assurément du bien, cependant, rappelle-toi qu’il y a une limite à ne pas franchir. Cela vous évitera de souffrir à tous les deux.
  • Ce n’est rien de tel, lui assura Sélène dont le teint prenait une nouvelle nuance de rouge.
  • Je ne dis pas cela pour vous contrarier, mais tous seraient contre vous si vous tombiez amoureux. Qu’il le veuille ou non, Kaldrys devra gouverner.
  • Il veut vous laisser le trône, Votre Altesse.
  • Personne ne le laissera faire. Et je doute qu’il puisse réellement faire changer les choses. »

Elle inspira profondément la vapeur, appréciant les quelques secondes où son nez se retrouvait dégagé. Puis une quinte de toux la saisit et Sélène lui tendit un mouchoir.

« Cela ne veut pas dire que vous ne pouvez pas être liées, poursuivit-elle après s’être moucher. Je suis certain qu’il a toujours rêvé d’avoir une amie.

  • Je n’imaginais rien d’autre » mentit Sélène en essayant de masquer sa tristesse.

Elle avait raison, il ne devait rien se passer entre eux. Elle loua Khiara de l’avoir remise dans le droit chemin. Sa relation avec Kaldrys n’était spéciale que parce qu’il avait besoin d’elle ! De plus, elle avait sans doute imaginé l’intérêt du jeune homme. Un roi, s’intéresser à elle ? Il avait simplement voulu montrer sa reconnaissance en lui proposant cette balade à cheval. Il avait simplement été gentil en la laissant dormir près de lui.

Quelle idiote ! Tu es trop fleur bleue, ma pauvre fille ! Il va falloir lire autre chose que des romances, ça te monte à la tête !

C’est tout à fait énervée qu’elle ressortit de la chambre pour aller chercher le petit-déjeuner de la princesse.

Le palais commençait à se réveiller, les cuisinières s’étaient mises à l’ouvrage et elle n’eut qu’à rajouter les œufs sur le plateau avant de l’emporter. Elle croisa deux valets dont l’un l’interpella pour lui demander des nouvelles de Sa Majesté tandis que l’autre poursuivit son chemin.

Du haut de ses vingt-deux ans, le jeune homme ressemblait toujours à un enfant malgré sa taille – deux têtes de plus que Sélène. Son visage juvénile était semblable à celui d’un garçonnet ; imberbe, les joues remplies de taches de rousseur et légèrement proéminentes qu’on avait envie de pincer et de grands yeux bleus et ronds. Ses cheveux courts en pagaille n’étaient jamais ordonnés, bien que Mme Crépel le lui ait reproché depuis son arrivé. Il s’appelait Thaniel, et ce fut la première fois qu’il lui parla.

Sélène comprit à son insistance que la souveraine comptait beaucoup pour lui. Elle sentit une raison derrière cette profonde affection mais n’osa pas le questionner.

Dès qu’il eut sa réponse, il la remercia et se dirigea dans les cuisines sans autre forme de politesse.

« Bon, tu ne t’en feras pas un ami, manifestement ! » songea-t-elle en remontant l’escalier.

Et pendant qu’elle se rendait à la chambre royale, son esprit retourna à sa contrariété, ce qui n’apaisa pas son humeur.

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