Chapitre 5.4

5 minutes de lecture

Il fallut une semaine à Khiara pour recouvrer la santé. Une semaine où Kaldrys alterna entre peur, angoisse, frustration et quelques instants de quiétude lors des visites de Sélène. Celle-ci avait toujours trouvé les mots pour le rassurer, l’apaiser – veillant à garder ses sentiments dans une petite boîte. Bien qu’elle doutait que le calme restât après son départ.

Lorsqu’arriva enfin la nuit où ils devaient échanger de nouveau leurs places, Khiara descendit les marches conduisant à sa geôle avec détermination. Il n’était pas question que son frère l’enfermât de nouveau sans qu’elle sût quand il l’en sortirait.

Elle poussa la porte et tomba sur le regard affligé de Kaldrys. On aurait dit qu’il portait le poids du monde sur ses épaules. Si elle avait eu quelconque rancœur contre lui pour l’avoir enfermée ici, celle-ci retomba aussitôt. Dès qu’il se leva, elle fondit sur lui pour le prendre dans ses bras.

« Je n’ignore pas comme cela a été dur pour toi de rester ici. Je te remercie de l’avoir fait, fit-elle doucement.

  • Je n’allais pas te laisser mourir, tu étais si mal en point. »

Elle le repoussa contre le lit et s’asseya à côté, prenant sa main dans la sienne. Kaldrys se douta qu’elle voulait lui dire quelque chose et tourna immédiatement son regard vers Sélène pour voir si elle en connaissait le sujet. La jeune femme lui adressa un sourire maladroit, signe qu’elle savait et que cela allait sans doute lui déplaire.

« Il faut qu’on parle ! fit Khiara. Il faut que tu me dises si tu as un plan, il faut que je sache quand je ressortirai d’ici.

  • Quand je serai certain que tu ne risques rien et quand on te laissera gouverner.
  • Donc entre quelques années à… jamais ? Je ne resterai pas ici un an de plus.
  • Et si quelqu’un te tuait ? la gronda-t-il tristement. J’ai échappé à plusieurs assassinats en quelques mois, et j’ai eu de la chance !
  • Et toi alors ? Ce n’est pas grave qu’on attente à ta vie ? rétorqua-t-elle, un nœud dans la gorge. Je te connais, je sais comment tu penses. Ta vie ne vaut pas rien.
  • Je n’ai jamais dit cela, fit-il en détournant le regard.
  • Tu ne l’as pas dit, certes, mais tu agis comme si c’était le cas.
  • Je n’existe pas, t’en rappelles-tu ? soupira-t-il, contrarié. Personne ne me pleurera, je n’aurais pas de tombe où se recueillir. Je ne serai dans les souvenirs de personne. Si je meurs, qu’arrivera-t-il ? Tu sortiras d’ici et tu reprendras ta place. La reine Khiara sera toujours là.
  • Kaldrys ! dit-elle, choquée de ce qu’elle entendait. Et nous alors ? On ne compte pas ? Sélène et moi t’aimons toutes les deux. »

Il haussa simplement les épaules puis reprit sur un ton irrité :

« Je ne peux pas te dire quand, je l’ignore ! Je ne peux que te promettre de faire au mieux pour te sortir d’ici au plus vite. Nous finirons par découvrir qui se cache derrière ces assassins.

  • D’accord, se résout-elle à contrecœur. Mais j’exige de sortir de cet endroit de temps en temps. Je tourne en rond ici ! J’ai de la chance de ne pas avoir perdu la tête ! Et tu m’avais laissé sans explication, j’ai tout imaginé, tu sais !
  • J’y suis resté seize ans, et jamais personne ne s’est soucié de mon bien-être ! grogna Kaldrys.
  • Si, moi ! Mais j’étais une enfant, je ne pouvais rien faire d’autre que te rendre visite. Père avait décidé…
  • Il ne fallait surtout pas désobéir à ce cher père que tu aimais tant !
  • Oui, je l’aimais ! Malgré tout, je l’aimais ! »

Voyant le ton monter, Sélène pensa qu’il n’en sortirait rien de bon. Elle voulut les interrompre, mais la voix de Khiara s’éleva de nouveau :

« Et toi aussi, tu l’aimais ! Tu dessinais pour lui, tu apprenais des chansons idiotes que tu voulais lui chanter, tu voulais lui montrer ce que tu savais faire parce que tu voulais qu’il soit fier de toi ! Exactement comme moi ! »

Kaldrys ne répondit rien. Le nœud dans sa gorge était bien trop serré. Il aurait voulu oublier ces vaines tentatives qui ne lui avaient valu qu’une seule réponse : les poings de son père.
Consciente de son trouble, Khiara passa un bras autour de ses épaules et le serra.

« Pardon, je ne voulais pas te rappeler tout cela. Je sais comment ça se finissait et tu ne le méritais pas, se radoucit-elle avant de déposer un baiser sur sa tempe. Je ne peux pas effacer ce qu’il s’est passé, cela ne veut pas dire que je n’en ai rien eu à faire. Alors ne m’en veux pas d’avoir été une petite fille qui ne pouvait s’opposer à la folie de son père. Aujourd’hui, s’il était encore en vie, je te jure que je ne le laisserai pas faire. Je l’aurai forcé à reconnaître sa sottise.

  • Tu n’aurais pas pu, il était persuadé que j’étais le Mal » répondit-il sur ton affecté.

Un sourire apparut soudain sur les lèvres de Khiara, puis elle donna un coup de coude à son frère :

« Il avait sûrement raison, on ne peut pas être aussi beau et ne pas avoir de dessein diabolique !

  • Dit-elle alors qu’elle me ressemble comme deux gouttes d’eau. »

Kaldrys esquissa la même expression que sa sœur, la regardant avec un soudain amusement. Il songea que certaines choses ne changeaient pas : Khiara avait toujours essayé de le faire rire, et ce, depuis le premier jour où ils s’étaient rencontrés.

« Je te promets que tu resteras ici seulement le temps qu’on élimine ceux qui te menacent. Pas un jour de plus, lâcha-t-il en serrant sa main dans la sienne.

  • Seras-tu prêt à te révéler ce jour-là ? Même si tu dois endosser le rôle de souverain ? »

Il acquiesça d’un signe de tête, mais Khiara le vit tourner les yeux une courte seconde. Il mentait. Elle garda toutefois le silence, comprenant qu’imaginer ce jour lui donnait probablement des sueurs froides. Il gouvernait actuellement par un coup du sort, mais jamais il n’en avait eu l’ambition.

« Et tu sortiras de temps en temps…

  • En journée, dans le salon, fermé à double tours, le coupa-t-elle tout de suite. Si tu crains qu’on tombe sur moi par accident, laisse-moi une robe à disposition, on me prendra pour toi !
  • Bien, faisons cela, maugréa-t-il à contrecœur.
  • Et pense à me rendre visite ! Je suis ta sœur quand même !
  • Deux Khiara dans la même pièce, je suis certain que personne ne se doutera de quoi que ce soit !
  • Tu préfères descendre ici ? »

Kaldrys fit la moue, ce qui fit rire sa sœur. Sélène les regarda tour à tour : l’une affichant un large sourire vainqueur, l’autre feignant l’exaspération. Une sœur et un frère, en somme, rit-elle dans le secret de son esprit. Elle croisa un court instant les prunelles bleutées du souverain. Il cherchait manifestement à savoir ce qu’elle pensait de lui.

En guide de réponse, elle lui adressa un sourire tendre qui retomba aussitôt que Khiara tourna la tête vers elle. Leur complicité, peu importait ce qu’elle lui avait dit, ne pouvait s’effacer en un claquement de doigts. Et ni l’un ni l’autre ne le souhaitait véritablement.

Après avoir enfilés les vêtements de sa sœur, Kaldrys la prit longuement dans ses bras puis déposa un baiser sur sa joue, promettant qu’il tiendrait parole.

Puis il remonta avec Sélène, pour enfin reprendre sa place.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Charlie V. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0