Chapitre 6.7

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Les pas des chevaux résonnèrent dans la cour du palais. Deux hommes descendirent de leurs montures et rejoignirent à la hâte le capitaine de la garde royale Roch Tellir, attendant sur les marches de l’entrée.

Cassian Porel, suivi de son écuyer se précipitèrent à sa suite afin de rejoindre au plus vite Sa Majesté et le conseil.

Dans la salle de réunion, on attendait leur arrivée avec impatience. Un message les avait précédés tôt dans la matinée, indiquant qu’ils étaient en possession des informations tant attendues.

« Votre Majesté, mes seigneurs, salua brièvement le fils du duc Porel, veuillez pardonner ma tenue négligée, j’ai enfourché mon cheval dès que le pigeon est arrivé. »

Il tendit immédiatement une petite bande de papier à la reine qu’elle lut tout haut :

« Présence de l’ennemi à Sircas, environ deux milles homme dont deux cent en armures noires. Chevaux en nombre important. Aucun blason. »

D’un rapide coup d’œil, elle constata le même étonnement chez chacun des conseillers.

« Deux milles hommes ? Il n’imagine pas pouvoir gagner avec si peu quand même ? fit Kaldrys en fronçant les sourcils.

  • L’armée de son père en contient dix milles, Votre Majesté, l’informa le vieux général. Si comme vous le pensez, il assurera un soutien à son fils, cela fera douze milles têtes à faire tomber.
  • Combien avons-nous d’hommes prêts à se battre ?
  • Huit milles. Autant dire que la victoire n’est pas assurée. Même si, pour ma part, nos hommes valent bien deux fois les leurs.
  • Que proposez-vous ?
  • Nous ne pouvons évidemment pas les laisser fouler nos terres et massacrer le peuple. Nous devons nous battre ! Ils seront plus nombreux, mais ce ne serait pas la première fois que nous gagnerions face à un ennemi en surnombre. Et cela pèsera lourd dans l’esprit des soldats ! Une armée qui n’a jamais été défaite a de quoi faire trembler le plus brave d’entre eux.
  • Et nous connaissons bien mieux le terrain, ajouta Sa Majesté, cela nous donnera assurément l’avantage. Reste à savoir où se trouve l’armée du roi Jakarter.
  • Partons d’ici trois jours. Il nous faudra un mois pour nous rendre là-bas avec l’armée. D’autres informations nous parviendrons d’ici là. Nous aviserons. »

Fronçant les sourcils et la bouche tordue par un rictus contrarié, le général Locastre posa subitement un regard lourd sur sa souveraine.

« Êtes-vous certaine de vouloir y aller, Majesté ?

  • Absolument ! Nous cacher au palais laisserait penser que nous ne croyons pas en notre victoire. Le moral des hommes serait en berne et l’ennemi rirait de nous.
  • Vous avez probablement raison » concéda-t-il.

Il convint avec les autres de la marche à suivre, délégant à chacun un travail spécifique avant le départ de l’armée. Avant de prendre congé pour s’occuper de ses propres tâches, il conseilla à Kaldrys de se reposer. Le voyage jusqu’à Sircas serait long, et la peur viendrait rapidement semer doute, regret et crainte dans l’esprit.

Kaldrys remarqua le regard du jeune Cassian sur lui ; manifestement, il voulait lui parler. Il attendit que les conseillers sortissent puis se rapprocha. Le jeune homme lui adressa un sourire maladroit et amorça la conversation :

« Vous allez donc partir pour la guerre…

  • En effet ! Il est temps qu’une femme y laisse sa trace. Ne croyez-vous pas ?
  • A dire vrai, je doute que toutes en soient capables. Mais manifestement, vous l’êtes.
  • Donnez-leur la même formation militaire que les hommes, et vous serez surpris !
  • On ne peut demander à une femme de supporter les horreurs de la guerre, s’insurgea le jeune homme.
  • Et que sommes-nous, d’après vous ? Cessez de croire qu’elles sont de petites choses fragiles dont l’humeur peut être terni par un ongle cassé ou une robe mal ajustée.
  • Veuillez me pardonner, rit-il en songeant que la jeune reine n’était effectivement pas le genre de femme à se laisser attrister par des choses si futiles, vous avez raison.
  • Ne vouliez-vous pas nous demander quelque chose ? » s’enquit Kaldrys en voyant que Cassian restait planté devant lui.

Il remarqua une silhouette près de la porte qui écoutait leur conversation et devina aisément qu’elle appartenait à Zorian.

« Qu’arrivera-t-il si vous ne revenez pas de cette guerre ? Vous n’êtes… pas mariée.

  • Et vous pensez qu’il est encore temps d’y remédier. Avec vous peut-être ?
  • Il n’a pas tort, intervint Zorian en s’avançant. S’il vous arrivait quelque chose…
  • Vous ne perdrez pas votre reine, le coupa Kaldrys avec assurance. Vous l’aurez encore sur le dos de nombreuses années.
  • Votre certitude fait plaisir à voir, Majesté, mais…
  • Zorian, vous nous connaissez depuis toujours. Vous aurions-nous laisser penser que nous laissions au hasard le loisir de régler nos affaires ?
  • Non, Majesté, tout comme votre père, vous planifiez tout à l’avance, peu importe si les autres ne comprennent pas tout de suite vos idées » fit celui-ci avec un sourire.

Agacé, Kaldrys lui rendit tout de même son sourire. Il savait que pour lui, la comparaison avec le roi Drasyl était un compliment.

« J’aimerais parfois entrer dans votre tête, Majesté, avoua Zorian avec un air amusé qu’il réservait à de rares moments comme celui-là. Toutefois, vous avez toute ma confiance. Je crois en vous, vous nous reviendrez saine et sauve. Et peut-être alors accepterez-vous enfin de vous marier ?

  • Cela finira bien par arriver, admit Kaldrys, et alors vous regretterez de ne plus nous poser la question.
  • J’en suis certain. »

Ils échangèrent un regard complice qui fit sentir Cassian Porel totalement exclu de la conversation. Aussi se râcla-t-il la gorge pour montrer qu’il était toujours présent et enchaîna :

« Votre Majesté, j’ai une faveur à vous demander. Je voudrais partir à la guerre avec vous, mais mon père s’y oppose. Il tient à ce que ce rôle lui revienne, étant plus âgé. Il espère ainsi sauvegarder l’avenir de notre famille. Je l’aime et je ne veux pas froisser son honneur, mais… il est vieux, je suis bien mieux placé pour aller me battre.

  • Si vous êtes certains de votre choix…
  • Je le suis.
  • En ce cas, nous lui confirons la défense. Si nous venions à perdre la bataille, il faudrait quelqu’un pour arrêter le prince Dameric. Il s’offusquera peut-être, en premier lieu, avant de songer au devoir qui lui incombe. Et votre père était un proche ami du roi Drasyl, ce sera un honneur de l’avoir comme gardien de notre héritage. Nous allons de ce pas lui écrire.
  • Merci, Votre Majesté. Vous m’enlevez le poids que j’avais sur le cœur.
  • Souhaitez-vous séjourner au palais jusqu’à notre départ ? Ou préférez-vous rentrer chez vous et passer le temps qu’il nous reste avec votre famille ?
  • Je vais rentrer. Ces instants me seront aussi précieux que pour eux lorsque je serai sur le champ de bataille. »

Il s’inclina, le visage paré d’un sourire reconnaissant puis sortit.

Kaldrys remarqua immédiatement la lueur de fierté dans le regard du conseiller et attendit qu’il parlât.

« Permettez-moi un peu de familiarité, Votre Majesté… Je suis très fier de vous, de la personne que vous êtes devenue. Nous sommes parfois en désaccord mais sachez que cela n’a jamais entamé l’affection que j’ai pour vous. Revenez-moi saine et sauve et je vous promets que je soutiendrai votre accession au trône. C’est tout ce que je vous demande. »

L’homme était ému et bien qu’il lutta pour ne pas verser de larmes, ses yeux rougissaient déjà. Un nœud dans la gorge, Kaldrys posa une main réconfortante sur son bras, puis se ravisa et le prit dans ses bras. Zorian parut surpris une courte seconde, avant de lui rendre son étreinte.

A cet instant, Kaldrys fut rongé par l’envie de lui dire la vérité à son sujet. Il voulait que l’homme sût enfin combien il comptait pour lui. Mais la peur d’un rejet scella ses lèvres. Et personne ne devait jamais savoir sous peine d’anéantir tous les efforts pour permettre à Khiara d’accéder pleinement au trône.

« Nous vous rendrons encore plus fier » promit-il simplement en le serrant un peu plus fort, espérant ainsi lui transmettre ses sentiments.

Une image s’invita sans crier gare dans son esprit : celle du regard sévère de son père. Un court instant, il lui sembla même que l’homme se trouva dans la pièce, à l’observer d’un œil réprobateur. Il eut la sensation qu’il allait l’entendre crier, dévoiler son secret et montrer à Zorian ô combien le jeune homme dans ses bras était un menteur. Un frisson lui parcourut la colonne vertébrale et l’obligea à jeter un rapide coup d’œil autour de lui.

Rien.

Va au diable, sale monstre !

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