Chapitre 7.6

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L’armée d’Ymirgas était tenu en échec par celle de Vathia. Les hommes étaient épuisés et leurs ennemis étaient encore trop nombreux. L’armée argentée savourait déjà sa victoire sans savoir que son prince se trouvait en mauvaise posture.

Puis une information se répandit comme une trainée de poudre dans ses rangs : Nouvelle Aube prenait la fuite. Le doute s’installa mais il ne fut pas suffisant pour mettre en déroute l’armée et ne provoqua qu’une désorganisation temporaire.

Celle-ci permit aux chevaux d’une armée dont la bannière flottante ornée d’un bouclier et d’un camélia de s’introduire dans les rangs.

Peu après, le général Locastre reconnut l’homme qui les menait.

« Votre Altesse, nous ne vous attendions pas, lui fit-il remarquer, ahuri.

  • A quoi sert-il d’avoir des alliés s’ils ne prêtent pas main forte en temps de guerre, rit l’homme, et je devais un service à votre reine. Où est-elle ?
  • Elle semble être parvenue à faire fuir ces chiens de Nouvelle Aube, répondit-il en indiquant l’escouade du menton.
  • Je vais me rendre près d’elle de ce pas. L’armée de Vathia recule déjà, ils vont battre en retraite sous peu. »

Le cavalier élança sa monture, suivi de près par un homme. Il retrouva la souveraine au soin de son capitaine garrottant son épaule avec une simple bande de tissu. Ses yeux se portèrent sur son ancien rival, assis dans la boue, le teint livide.

« Beau ? Est-ce vous sous cette armure ? l’interrogea Kaldrys, surpris. Mais que faites-vous ici ?

  • Je réponds à la demande de votre lettre, bien sûr ! dit-il en dévoilant son visage en même temps que l’homme qui l’accompagnait. J’avais peur d’être en retard, mais il vaut mieux un retard qu’une absence, n’est-ce pas ?
  • Ma lettre ? Oh, euh… oui, nous avions craint qu’elle ne vous parvienne pas à temps, répondit maladroitement Kaldrys, comprenant que Sélène ou Khiara était derrière celle-ci.
  • Puis-je vous présenter mon compagnon ? Il avait hâte de vous rencontrer. Votre Majesté, voici Jesami Raeven. Jesami, voici Sa Majesté Khiara de Bénéfiel. »

L’homme s’inclina respectueusement tandis que Kaldrys le détaillait. Ses cheveux courts noir corbeau contrastait avec sa peau parfaitement pâle. Il ne douta pas que Beau aimait se perdre dans l’abysse de ses yeux sombres qu’entouraient de longs cils. Sa mâchoire carrée était recouverte d’une barbe courte qui le rendait absolument séduisant. Et son armure masquait à peine les muscles sculptés de son corps.

« Nous comprenons désormais pourquoi nous ne faisions pas le poids, plaisanta Kaldrys qui ne parvenait pas à quitter le jeune homme des yeux.

  • Vous m’honorez, Votre Majesté, fit Jesami avec une fausse modestie terriblement charmante.
  • Raeven, nous ne connaissons pas ce nom. D’où êtes-vous ?
  • Des forêts noirs d’Oryn, bien au-delà de la grande mer, Majesté. »

Il n’était pas de noble naissance, Kaldrys comprit que c’était pour cela que Beau avait caché sa relation avec lui. Il avait sûrement dû se confronter à sa famille tout récemment pour vivre pleinement son amour.

« Peut-être devrions-nous visiter cet endroit ?

  • Vous y seriez la bienvenue, évidemment.
  • Epargnez-moi vos mièvreries ! râla Dameric au bord de l’évanouissement.
  • Vous n’êtes pas en position de donner des ordres, le gronda froidement Kaldrys. Vous êtes notre prisonnier, vos hommes sont morts ou ce sont enfuis.
  • Que fait-on de lui, Majesté ? demanda le capitaine Tellir.
  • Mettez-le sur un cheval et emmenez-le voir un médecin. Son père pourrait payer cher pour le revoir, à moins qu’il ait terriblement honte de son échec.
  • Vous devriez aussi voir un médecin » s’inquiéta-t-il en montrant sa blessure du menton.

Sa Majesté acquiesça, ne sachant pas si elle était grave ou non. La douleur était supportable, mais le sang continuait à s’écouler de la plaie malgré le garrot.

« Nous allons nous occuper de Sa Majesté, capitaine, promit Beau en tirant son cheval près d’elle. Pouvez-vous monter seule ?

  • Oui, merci Altesse » fit Kaldrys en se hissant péniblement sur la monture.

Tandis qu’ils se dirigeaient tous les trois vers le camp – Beau était monté derrière son bien-aimé – le prince n’eut de cesse de faire ses louanges. Il était fortement impressionné qu’une femme ait décidé de faire la guerre.

« Nous avons tout de même été blessée, lui souligna Kaldrys.

  • Comme beaucoup. Et tant d’autres ont trouvé la mort.
  • Quelle chance que vous soyez venu à notre aide. Nous saurons nous souvenir de cela.
  • Vous avez déjà fait beaucoup pour moi, dit-il en posant une main sur celles de Jesami. Vous auriez pu faire un esclandre lors du bal, j’aurais couvert ma famille de honte, et mes parents ne me l’auraient sûrement jamais pardonné. Je craignais de vous offenser et vous avez réagi de la plus belle des manières.
  • Nous n’avons pas vu l’intérêt de condamner deux personnes à un destin peu enviable.
  • Pour ce que cela vaut, Majesté, vous avez tout mon soutien. Si je peux faire quelque chose pour vous aider, je vous en prie, dîtes-le moi !
  • Si je puis me permettre, intervint Jesami avec un sourire, une femme sur le champ de bataille n’a plus rien à prouver. Et elle est venue à bout du prince seule. Je doute qu’elle ait besoin de quiconque désormais.
  • Détrompez-vous, nous aurons besoin de tout le soutien possible. Les lois ont été établies par des hommes pour des hommes. Et seul des hommes peuvent les modifier.
  • Et les hommes peuvent être butés parfois, bien plus que les femmes, soupira-t-il.
  • Je sais que je n’ai pas besoin de vous le dire, mais, ne vous laissez pas faire Khiara. C’est votre trône et personne ne devrait vous l’enlever, l’encouragea Beau.
  • Merci, à tous les deux » fit Kaldrys, ému.

Il espéra de tout cœur qu’ils avaient raison. Le trône revenait à Khiara, et personne d’autre ne pouvait gouverner Ymirgas aussi bien qu’elle.

Tandis que son cheval avançait en direction du camp, il se retourna et constata que beaucoup d’hommes avaient péri. Il se surprit à ressentir de la joie à voir la guerre prendre fin aussi vite. Dameric battu, le reste de ses mercenaires avaient fui et comme prévu, l’armée de Vathia avait tourné les talons sans demander son reste grâce à l’intervention du royaume d'Eiyith.

Arrivé au campement, il fut pris en charge immédiatement par un médecin dans la tente royale. Celui-ci l’aida à retirer le haut de son armure et Kaldrys prit garde à ce que son manque de poitrine ne soit pas trop évident. Il réajusta discrètement son corset sous sa chemise. Et lorsque le médecin lui demanda de la retirer pour faciliter l’accès à sa blessure, il se rua sur une excuse :

« Ce ne serait pas très convenable alors que n’importe qui pourrait entrer. »

Ils convinrent ensemble de découper une partie du tissu et le médecin examinait la plaie sanguinolente lorsqu’entra le capitaine Tellir suivi de Cassian Porel. Ce dernier soupira de soulagement en voyant Sa Majesté saine et sauve.

« Pardonnez notre intrusion, Majesté, fit Roch Tellir, la mine grave. J’apporte une mauvaise nouvelle : Dameric Jakarter n’a pas survécu. Il a perdu connaissance en arrivant au camp et avant même qu’un médecin ne puisse le voir, il est décédé. Manifestement, vous aviez touché l’artère fémorale.

  • Nous pouvons dire adieu à notre rançon, fit Kaldrys avec un air faussement embêté.
  • Ce sont les aléas de la guerre, Votre Majesté, répondit Tellir en se retenant de rire.
  • Nous n’aurons plus à craindre ce prince perfide. Peut-être est-ce mieux ainsi. Son père avait besoin d’une punition.
  • Votre Majesté, comment vous sentez-vous ? s’inquiéta Cassian en s’approchant pour examiner le travail du médecin.
  • La plaie n’est pas trop profonde, sa vie n’est pas en danger, le rassura celui-ci. Cela ne saigne déjà presque plus, vous aurez une cicatrice, Majesté, mais ce sera tout. Je vais vous bander et j’irai ensuite où on a besoin de moi. »

Kaldrys regarda tour à tour les deux hommes, et voyant qu’ils restaient planter devant lui, leur signifia l’inconfort que lui procuraient leurs présences. Il était une femme ! et peu vêtue ! Le capitaine et Cassian sursautèrent et se regardèrent, les joues rouges, avant de se confondre en excuses et de sortir.

A peine le médecin avait-il fini que le général pénétra dans la tente à son tour. Son visage déconfit retrouva soudainement des couleurs. Il fut soulagé de voir la jeune reine en bonne santé, ayant imaginé le pire après qu’on lui eut rapporté qu’elle avait été blessée.

« Qu’en est-il de la situation, général ? l’aborda Kaldrys en enfilant un gambison pour se couvrir.

  • Il y a beaucoup de blessés et davantage sont morts. Il nous faudra plusieurs jours pour nous occuper de leurs dépouilles. Et nous avons fait des prisonniers, que voulez-vous que l’on fasse d’eux ?
  • Faites-les soigner s’ils sont blessés, après nos hommes, bien sûr. Christan Jakarter voudra sans nul doute les récupérer. Il ne voudra pas encourir la colère de son peuple. Y a-t-il des nobles parmi eux ?
  • Je vais aller me renseigner, Majesté. »

Il fit mine de vouloir sortir puis ajouta, penaud :

« Je vous dois des excuses, ma reine. Votre stratégie a merveilleusement fonctionné.

  • Nous avons eu de la chance, général. Rien ne s’est passé comme prévu, tempéra-t-il.
  • Certes, mais vous avez tué ce vil prince et les mercenaires s’en sont allés, comme vous l’aviez prédit. Et l’armée de Vathia a fui grâce à l’intervention de notre allié à qui vous avez demandé de l’aide. Je dois vous le dire maintenant, si Zorian vous a dit de ne pas le faire, c’est parce que votre père ne l’aurait pas fait. Ymirgas s’est toujours défendue seule, avec succès. Mais aujourd’hui, la victoire aurait pu nous échapper. Et je dois avouer avoir voulu faire la même chose, mais vous n’êtes pas votre père. Je crois, sans trop vouloir m’avancer, qu’il aurait perdu cette guerre s’il avait été à votre place. Je le connaissais bien, c’était un homme fier et entêté. Il aurait adopté la même stratégie que moi, et il aurait perdu.
  • N’en parlons plus, général. Nous sommes sortis vainqueurs, c’est tout ce qui compte. »

L’homme s’inclina bien plus respectueusement qu’il ne l’avait jamais fait. Kaldrys avait gagné son estime et celui-ci espéra de tout son cœur que son avis sur les femmes avait changé. Peut-être alors soutiendrait-il Khiara.

Il sourit ; sans elle, la guerre aurait sûrement pris un autre tournant. Il ignorait encore comment et quand elle avait envoyé cette lettre à Beau de Lavalière, mais cela les avait incontestablement sauvés et permis d’écourter la guerre.

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