Chapitre 8 : Khiara

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  Zorian arriva dans la salle de réception pour prendre son petit déjeuner et fut surpris d’y voir Sa Majesté qui l’y attendait déjà.

« Je pensais que vous vous reposeriez, Votre Majesté. Vous n’êtes revenue qu’hier et vous voilà déjà debout !

  • Nous avons à vous parler, fit Kaldrys en lui faisant signe de s’asseoir.
  • De la régence du trône, n’est-ce pas ? Vous voulez toujours gouverner.
  • Pensez-vous encore que nous en sommes incapable ? »

Le conseiller sourit et répondit avec une fierté non dissimulée :

« Jamais je ne vous en ai cru incapable, Majesté. Mais la loi est la loi, et je ne suis pas homme à la bafouer, même pour vous. Toutefois, je dois avouer avoir longuement réfléchi en votre absence et… face à votre entêtement, je n’ai qu’une réponse à vous donner : je vous aiderai autant que faire se peut à changer cette loi.

  • Vraiment ? fit-il, sceptique.
  • Vous êtes allée jusqu’à faire la guerre pour nous démontrer que nous avions tous tort de vous voir comme un être inférieur. Nous aurions pu vous perdre et avec vous, Ymirgas, parce que nous n’avons pas voulu voir que vous étiez la digne fille de votre père. Son sang coule dans vos veines, et à travers lui, sa sagesse et sa bienveillance.
  • Vous ne dites pas tout cela pour nous amadouer et nous annoncer que vous allez nous obliger à nous marier ? demanda Kaldrys en plissant les yeux dans sa direction.
  • Je vous promets que non. Vous vous marierez lorsque vous l’aurez décidé.
  • Le conseil est-il de votre avis ?
  • Je ne sais pas, réunissons-le et demandons-le-lui ! En tout cas, vous avez mon soutien. »

Sa Majesté aurait aimé sauter de joie, mais ce n’était pas un comportement digne d’une reine. Il se contenta d’adresser un sourire rayonnant à Zorian et le remercia sincèrement.

Après le repas, Zorian envoya des valets quérir les conseillers, puis ils se rendirent tous deux dans la salle où ils se réunissaient.

« Par tous les dieux ! râla le général Locastre en entrant, que nous vaut une réunion si matinale ?

  • Asseyez-vous, nous vous dirons tout lorsque tous seront arrivés, répondit Zorian, cela nous évitera de répéter.
  • Voilà bien des mystères !
  • Le mystère vous effraie-t-il, général ? le taquina Kaldrys.
  • Sa Majesté est de fort belle humeur, remarqua-t-il.
  • Nous avons gagné la guerre, il y a de quoi ! »

Les autres membres du conseil arrivèrent peu après et s’installèrent à leur place habituelle. Surpris par la présence de Sa Majesté, ils lui jetèrent des regards interrogateurs.

« Si vous le permettez, Majesté, je vais faire part de votre requête au conseil » fit Zorian.

Kaldrys acquiesça, songeant qu’elle serait mieux acceptée venant de lui. Le conseiller dévoila alors sa demande et les réactions ne se firent pas attendre :

« Impensable ! lança Romain Guédar en secouant la tête de désapprobation. Ce serait du jamais vu, et que ferait une femme à la tête d’un royaume ?

  • C’est déjà le cas ! Nous gouvernons depuis quatre ans » protesta Kaldrys, ahuri.

Zorian lui fit signe de rester calme, et bien que Sa Majesté eût la ferme envie d’étriper le noble, une voix vint l’interrompre :

« Je crois que nous devrions y songer sérieusement, Sa Majesté a démontré de nombreuses aptitudes pour gouverner, fit la voix du général Locastre. Elle est jeune et c’est une femme, en revanche aucune de ces deux choses ne l’a empêché d’aller défendre Ymirgas. Nous aurions tort de la sous-estimer. Je vais être honnête, Majesté, je ne vous imaginais pas faire la guerre et encore moins y survivre, davantage après que vous ayez décidé de n’en faire qu’à votre tête. Mais vous êtes toujours en vie et nous avons gagné la guerre, grâce à vous. N’est-ce pas la preuve que nous avions tort de vous voir comme une enfant ? En ce qui me concerne, ma reine, mon soutien vous est acquis. »

Kaldrys lui adressa un signe de tête en guise de remerciement. Les paroles prononcées par le général semblaient faire réfléchir, mais rien n’était gagné.

« Certes, certes, fit pensivement Messire Guédar, mais Drasyl aurait-il voulu voir sa fille lui succéder ? Je le connaissais bien…

  • Comme nous tous, gronda le général en lui tournant des yeux sévères, alors ne vous targuez pas d’avoir eu le privilège d’une amitié avec lui.
  • Il n’aurait pas voulu la voir prendre sa place, ce n’est pas un rôle de femme.
  • C’est faux ! Mon père a instauré la paix pour que nous n’ayons pas à le faire lorsque nous monterions sur le trône, répliqua Kaldrys.
  • Votre père vous aurez mariée et n’ayant pas d’héritier mâle, le trône serait revenu à un oncle, un cousin, un neveu. Un homme de votre famille » grogna le noble en lui jetant un regard dur.

Le désespoir s’empara brusquement du souverain. Allait-il perdre le trône en faveur d’un autre à cause de son entêtement à refuser de se dévoiler ? Puis il songea que s’il y avait eu un autre héritier mâle en vie, Khiara n’aurait jamais été nommée reine régente.

« Il n’y a personne d’autre qui puisse en hériter, mais nous marier permettrait à d’autres de s’élever, n’est-ce pas ? Nous croyons savoir que Cassian est votre neveu par alliance. Le voir accéder au trône serait un ravissement sans pareil pour vous et votre famille, sans compter les nombreux avantages que cela offrirait.

  • Votre Majesté…
  • Sa Majesté a raison, intervint Jérémy de Dol, Drasyl aurait voulu que sa fille unique hérite du trône, et celle-ci a prouvé qu’elle était l’égale d’un homme. Je n’y vois pas d’inconvénient. »

Les regards se tournèrent vers les autres membres du conseil qui se plièrent à l’avis du général et de Messire de Dol. Puis ils revinrent sur Messire Guédar ; après un profond soupir, celui-ci se résigna à donner son aval.

Zorian échangea un sourire avec sa souveraine, il était heureux de voir son bonheur. Et finalement, il prit conscience que Khiara avait toujours été la mieux désignée pour hériter d’Ymirgas. Elle avait appris auprès de son père qui avait été un bon souverain. Ses pensées et ses décisions seraient semblables aux siennes. Et il serait toujours là pour la conseiller au besoin.

Il lui promit de s’occuper du reste et la pria d’aller de se reposer.

« Bien, mais nous avons à vous parler, nous vous attendrons à la bibliothèque » lui chuchota Kaldrys avant de remercier le conseil et de quitter la pièce.

Tandis qu’il s’y rendait, il ressentit chaque pulsation de son cœur. Son sang bouillait dans ses veines et son souffle était court. Il n’en avait parlé à personne, mais avant de se révéler, il tenait à parler à cœur ouvert à la seule figure paternelle dont il avait pu profiter.

Faire les cents pas au milieu des livres ne l’aida pas à se calmer et il sursauta lorsqu’il entendit la voix de Thaniel derrière lui.

« Pardonnez-moi, je ne voulais pas vous effrayer, fit celui-ci, confus.

  • Ce n’est rien, nous étions plongés dans nos pensées. Nous pouvons bien te le dire… le conseil nous a accepté comme souveraine à part entière. Plus question d’être régente.
  • C’est formidable, Majesté ! Vous le méritez amplement !
  • Mais pas un mot aux autres !
  • Vous savez que vous pouvez me faire confiance, motus et bouches cousues ! fit le jeune homme avec un large sourire. Je suis si heureux que vous soyez revenue. Je n’ai pas eu l’occasion de vous le dire hier.
  • Eh bien c’est chose faite ! Merci de toujours manifester autant d’entrain à notre égard.
  • J’espère vous voir sourire davantage désormais. Vous n’êtes plus obligée de vous marier, n’est-ce pas ?
  • Cela viendra, mais non, nous n’y sommes plus obligée.
  • Tant mieux ! J’en suis ravi. Bien, je vous laisse à vos occupations. »

Il s’inclina brièvement puis fila aussi vite qu’il était arrivé, laissant Kaldrys avec un sourire. Un bref instant, il imagina lui dire la vérité, et peut-être le ferait-il. Le valet lui resterait fidèle et garderait son secret, il en était certain.

Zorian arriva peu après, de chaque trait de son visage émanait une béatitude non mesurée. Sa démarche sembla même plus légère qu’à l’habitude.

« Vous vouliez me parler, Majesté ?

  • Nous voulions… vous remercier, fit Kaldrys avec émotion. Nous n’avons pas toujours été d’accord, mais nous avons toujours pu compter sur vous. Et vous ne l’avez jamais dit mais, si nous ne sommes pas mariée aujourd’hui, c’est sans doute grâce à vous. Vous avez gagné du temps, n’est-ce pas ?
  • Je me disais que vous finiriez par le faire, lorsque vous seriez prête. Et par-dessus tout, je ne voulais pas vous obliger. Même si je soutiens toujours que cela mettrait Ymirgas en sécurité. »

Kaldrys s’approcha, à la surprise du conseiller qui comprit ce qu’il allait faire mais n’osa pas se dérober. Le jeune homme glissa ses bras autour de lui et l’étreignit, conscient que seul ce moment y était propice. Les yeux rougis, il fit avec trémolo dans la voix :

« Je vous remercie, Zorian, d’avoir été un père pour moi. Je vous promets que nous n’aurons plus à nous confronter désormais, même si j’aime à penser qu’un père et une fille se doivent d’en passer par là.

  • Majesté, je… je n’ai jamais eu la prétention de remplacer votre père…
  • N’en rougissez pas, c’est tout à votre honneur, le coupa-t-il. Vous avez une place particulière dans notre cœur, peu importe si nous ne sommes pas liés par le sang.
  • Majesté, vous… Je... » bégaya-t-il alors que des larmes envahissaient déjà ses yeux.

Zorian hésita ; il ne comptait plus les fois où il avait voulu prendre Khiara dans ses bras pour la réconforter sans jamais se l’autoriser. Mais l’initiative étant venue d’elle, l’occasion fut trop belle pour être refusée. Il lui rendit son étreinte pendant de longues secondes, songeant combien il aimait la jeune femme.

« Vous me surprendrez toujours, finit-il par dire, le cœur léger. Je vous remercie de m’avoir dit tout cela. Vous pourrez toujours compter sur moi, je vais organiser votre couronnement, une seconde fois, et je ne laisserai personne se mettre en travers de votre chemin. »

Ils échangèrent un regard complice, puis Zorian prit congé. Et Sa Majesté aurait juré l’avoir entendu chantonner sur un air joyeux, tandis que ses pas s’éloignaient.

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