chapitre 1 : Tosca
Assise au premier rang, le visage caché derrière mes lunettes de soleil, les larmes ruisselant sur mon visage. Une main sur mon ventre, je peinais à croire que le père de mon enfant, celui que je portais et dont je n’avais pas pu lui révéler l’existence. Dans l’église, les frères de Flavio avaient chacun parlé de ce dernier, mort à la suite d’une fusillade dans son club. Deux autres membres du clan avaient été tué pour tenter de le sauver. Des mères pleuraient leurs fils, des femmes pleuraient leurs maris, des enfants pleuraient leurs pères.
Je reniflai dans un geste disgracieux, quand une main me tendit un mouchoir. Je le saisis et hochai discrètement la tête, remerciant mon beau-père. Ce fut le moment de bénir le cercueil de Flavio, je me levai la première et m’approchai du cercueil avant de poser un baiser dessus lui adressant un « Adieu » silencieux.
Eprouvant le besoin de prendre l’air, je quittai l’église et une fois dehors, je m’adossai au mur en pierres de la bâtisse avant de souffler. Une main se glissa dans ma nuque et on m’attira contre un torse musclé. Ma joue collée contre le doux tissu de la chemise, je humai le parfum viril qui s’en dégageait avant de me laisser aller à cette étreinte silencieuse.
Eprouvée par cette longue cérémonie, je pris le parti de m’éloigner dans le cimetière et de me rapprocher des voitures quand je fis face à mon père. Ce dernier était accompagné de mes frères et de ma mère. Mon frère Massimo, s’approcha de moi et me souhaita ses condoléances avant de poser un long baiser sur mon front. Mon autre frère, Sandro, lui, garda ses distances, soutenant sa femme qui était enceinte et malgré la situation, elle rayonnait.
- Navré de t’importuner, mais je tenais à te parler, coupa mon père.
- Je viens d’enterrer mon mari, ça ne peut pas attendre.
- Hélas, je crains que non. Nous partons ce soir, le monde ne s’arrête pas de tourner parce qu’il y a un mort.
- Père ! grogna Massimo.
- Laisses tomber, je ne veux pas faire perdre un temps précieux à père. Je t’écoute.
- Aux vues de la situation et en temps normal face à cette situation, j’aurais consenti à ce que tu rentres avec nous, à la maison, mais tu portes l’enfant d’un mort et il me sera très difficile de trouver un nouvel époux dans ta situation, lâcha mon père.
L’uppercut fut violent, je savais déjà qu’à ses yeux, je n’avais pas grande valeur, mais de savoir qu’il me jetait parce que j’étais enceinte de mon défunt mari, cela manqua de me faire défaillir. Prise de nausée, je dus prendre une grande inspiration, pour ne pas gerber sur ses pompes en cuir, ce qui en soit ne m’aurait nullement dérangé. Prête à répliquer, je fus coupée dans mon élan.
- Umberto Marcolini, je viens à peine d’enterrer mon fils que tu songes déjà à remplacer le lit encore chaud de ce dernier auprès de ta fille. Ta décence est légendaire à ce que je vois ! cingla Cameron Vicenzini, le parrain des parrains.
- Don Vicenzini, loin de moi de vous manquer de respect, à vous ou à votre fils. Je voulais juste prévenir ma fille, car nous avons un avion ce soir pour rentrer à Chicago.
- Tosca porte mon petit-fils ou ma petite-fille, en conséquence, je subviendrai à tous ses besoins. Elle fait partie de ma famille. C’est une Vicenzini et à moins qu’elle n’en décide autrement, je ne vois aucun souci à ce qu’elle reste parmi nous. En tout cas, je vais prier pour ces demoiselles, car s’il arrivait malheur à tes fils, je ne veux pas savoir ce qu’il adviendrait d’elles. Tosca , la journée a été longue, je vais te faire raccompagner chez moi, je refuse que tu restes seule dans ton état. Magnolia s’occupera de toi, et ma mère sera présente en cas de besoin.
- Merci, répondis-je dans un souffle.
Cameron fit signe à deux de ses hommes et rapidement leur demanda de me ramener chez lui. Sans un mot, ni un au revoir pour ma famille, je m’éloignais. Guidée, jusqu’à une voiture, les hommes de Cameron me firent monter dans une berline et une fois la porte de la voiture fermée, je soufflai et me permis de retirer mes lunettes de soleil avant de m’essuyer le visage. Mes yeux étaient gonflés d’avoir pleuré, mon nez, lui avait rougi à force de me moucher et de l’essuyer.
Bercée par les chaos de la route, il ne me fallut pas longtemps pour sombrer dans les bras de Morphée, surtout après avoir veillée durant les quatre derniers jours, entre l’enterrement et l’enquête des fédéraux.
Assise sur le lit de la chambre d’amis, là où Cameron m’avait assigné à résidence. Sombre, impersonnelle, je ne me sentais pas très bien, un peu nauséeuse, trop pour manger sans craindre d’aller le vomir une demi-heure plus tard. Magnolia avait déposé un plateau, et bien que ce dernier soit très appétissant, je n’eus pas le cœur d’y toucher. Je regardai l’heure et réalisai qu’il était plus de dix-huit heures et que j’avais dormi plus de deux heures et cela sans faire de cauchemar.
Je me levai du lit et trouvai mes valises, posées sur le banc, au pied du lit. Je les ouvris et y trouvai toutes sortes de vêtements. Fouillant dans ces dernières, je trouvais un caleçon noir, puis un top en coton. Décidant de m’offrir un moment de détente, je me rendis dans la salle de bain et allumai l’eau de la douche avant de me déshabiller. Je passai aux toilettes pour soulager ma vessie avant de me rendre sous la douche. L’eau chaude me fit un bien fou, levant la tête vers le jet, ce dernier effaça mes larmes, celles qui coulaient sans prévenir. Je me lavai et sentis mes muscles se détendre peu à peu sous les jets de la douche.
Une fois lavée, je m’enroulai dans une serviette moelleuse et m’approchai du miroir. Je soupirai longuement en apercevant mon reflet à travers ce dernier. Je m’égouttai les cheveux avec une serviette avant de me sécher. Après cela, je m’habillai, enfilant une culotte en coton et ma brassière. Désirant appliquer l’huile que m’avait conseillé une amie pour éviter les vergetures, je me rendis à ma valise. Fouillant à l’intérieur, je la trouvai et m’approchai du miroir en pied.
Mon ventre était encore plat, à peine gonflé, comme si j’avais seulement trop mangé. Mes seins, eux avaient une taille de bonnet et surtout étaient devenus hypersensibles. Je m’apprêtai à mettre de l’huile dans ma main quand deux coups furent donnés sur la porte. Je sursautai avant de la voir s’ouvrir sur le maître de ces lieux.
- Je te dérange ? me demanda mon beau-père.
- Euh... Non, mais je vais aller enfiler un peignoir ! dis-je brusquement tout en me cachant de lui et de son regard qui n’avait pas quitté mon corps à moitié nu.
- Je voulais juste savoir comment tu allais.
- Je... dis-je en me figeant net. Il me manque, répondis-je en pleurant.
- A moi aussi, répondit-il tout en s’approchant de moi.
Le peignoir dans ma main, le flacon dans l’autre. Cameron tendit sa main et effleura ma joue avant de soupirer. Il posa un baiser sur mon front avant de s’éloigner. Je profitai qu’il me tourne le dos pour reprendre mes esprits et enfiler ce peignoir. Ce dernier s’approcha de la petite table et vis que je n’avais pas touché au plateau de Magnolia.
- Tu dois manger, Tosca !
- Je n’ai pas faim.
- Sauf que tu n’es plus toute seule, tu es enceinte et tu dois penser à ce bébé. Flavio serait furieux s’il vous arrivait quoi que ce soit à tous les deux.
- Il ne sait pas pour le bébé. Je comptais lui dire ce week-end pour nos deux ans de mariage.
- Je suis désolé, Tosca . Mais cela ne change rien au fait que tu dois manger. Ne me force pas à venir te nourrir moi-même, me menaça-t-il. Suis-je claire ?
- Oui, répondis-je dans un souffle.
- Bien, je dois sortir, ce soir. Si quand je reviens tu n’as pas mangé ce qu’il y a sur ce plateau, je te donnerai moi-même à manger et n’essaie pas de tricher, je le saurai, me dit-il tout en me sondant longuement. Avant de partir, tu dois savoir que j’ai discuté avec tes parents et j’ai dit à ton père que je prendrais soin de toi aussi longtemps que tu voudras rester à la maison. Magnolia a déjà fait rapatrier tes affaires à la maison. Si tu veux récupérer autre chose, nous pourrons nous rendre à la villa.
- Vous n’allez pas me mettre dehors ?
- Non, tu es un membre à part entière de ma famille ! Tu as honoré mon fils, tu lui as été fidèle et loyale. Tu as honoré ma famille et tu es sur le point de l’agrandir, donc pour cela, je te remercie. Quant à ton père, il semblait extrêmement soulagé de ne pas avoir à s’occuper à nouveau de toi.
- Et moi donc, je suis soulagée de ne pas avoir à retourner chez eux. Ils n’auraient pas hésité à me tenir pour responsable de tous leurs malheurs.
- Je me doute. Je te laisse et n’oublie pas, mange !
- Je vais essayer.
- Tosca ...
- Je ne vais pas me forcer, je risque d’être encore plus malade que je ne le suis déjà, répondis-je.
- Tu es malade ?
- J’ai dû mal à garder mes repas, j’ai des compléments alimentaires car je suis en manque de fer. C’est comme ça que j’ai découvert pour ma grossesse.
- Je vais organiser un rendez-vous avec mon médecin et te trouver un vrai médecin pour te suivre durant cette grossesse.
- Vous n’êtes pas obligé de le faire, je peux le faire.
- Non, toi, tu dois te reposer et penser à ton bébé.
- Je suis enceinte, pas handicapée, répliquai-je.
- En effet, et irresponsable, également. Tu peux dire quand tu as fait un vrai repas et une vraie nuit de sommeil ?
Je déglutis en réalisant qu’il avait raison, une larme roula sur ma joue. Cameron soupira et s’approcha de moi. Sa main sur ma joue, il saisit mon menton et m’incita à le regarder.
- J’ai perdu mon fils, tu as perdu ton mari, nous sommes tous les deux malheureux, mais lui, il n’y est pour rien et c’est à lui que nous devons penser, à présent, dit-il en posa sa main sur mon ventre. Je refuse de le perdre, lui aussi et si pour ça je dois te nourrir moi-même, et te forcer à dormir, je le ferai sans remord. Si tu veux me faire la guerre pour oublier ton chagrin, fais-le, mais tu risques de ne pas apprécier l’homme que je suis. Tu ignores tout de moi, Tosca , souffla-t-il avant de s’éloigner.
Il quitta la chambre et referma la porte derrière lui. Je soufflai et allai m’asseoir sur le lit avant de poser mes mains sur mon ventre tout en frissonnant rien qu’en me ressassant les paroles de mon beau-père. Je levai la tête et fixai le plateau avant prendre le morceau de pain. Je le coupai en morceaux et le portai à ma bouche avant de goûter à la salade de fruits. Mon estomac me remercia, et je pris le temps de manger petits morceaux par petits morceaux, sans me forcer, ni me goinfrer.
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