PROLOGUE

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  Avec une lenteur majestueuse, l'autocar déboucha sur la place, amorça un demi-tour impeccable et vint se ranger le long du trottoir, à hauteur du panneau d'arrêt, tout en ouvrant ses portes avec ce chuintement caractéristique du mécanisme à air comprimé. Deux ou trois passagers s'apprêtaient à descendre, Domingo leur emboîta le pas.

  En sortant du bus climatisé, la chaleur vous frappait comme un coup de poing. Cela vous asphyxiait presque. Au bout de quelques pas, vous étiez en nage.

  Domingo ôta son chapeau, afin de s'éponger le front et parcourut la place du regard. À l'autre bout, il y avait un café, quelques tables inoccupées en terrasse, des parasols. Il semblait désert. Pas d'autre bar ni d'autre commerce. Un léger souffle de vent agitait, comme nonchalamment, les feuillages des arbres situés à sa gauche, le long d'une allée qui s'ouvrait derrière un superbe kiosque à musique. Sur sa droite une rue inondée de soleil s'étirait en longueur vers l'horizon. Rien n'y bougeait, elle semblait assoupie. Quinze heures, ce devait être l'heure de la sieste. Il se dirigea vers le bar d'un pas décidé.

  L'intérieur lui parut sombre après la lumière crue du dehors, mais il y régnait une relative fraîcheur bien agréable. Derrière son comptoir, le patron qui paraissait aussi âgé que Domingo, plaisantait avec quelques clients. Quand il lui servit la bière qu'il avait commandée, Domingo lui demanda s'il était possible de téléphoner à un taxi.

  Il voulait se rendre chez sa fille au plus vite. Il s'assit et attendit en buvant son verre à petites gorgées, laissant son regard se perdre jusqu'au fond de la place, sur la cime des arbres qui la bordaient à cet endroit.

  En face, le chauffeur du bus était en train de manœuvrer pour se ranger sur son emplacement, deux cyclistes traversant la place l'apostrophèrent gaiement, dérangeant ainsi un groupe de pigeons et de moineaux qui picoraient le sol et s'envolèrent aussitôt, sur leur passage, dans un grand bruit d'ailes brassant l’air.

  — Le taxi va arriver d'ici deux minutes ! – lui dit le patron – il fait vraiment très chaud aujourd'hui, vous ne trouvez pas ?

  — En effet – répondit Domingo –, mais vous savez, j'ai connu bien plus chaud encore dans un endroit où il n'y avait ni café, ni bière fraîche... ni rien d'ailleurs.

  — Vraiment ! Et où donc ?

  — En Afrique.

  — En Afrique ? – interrogea le patron –, mais où ça ?

  Le taxi arrivait.N'ayant plus le temps d'alimenter la conversation, Domingo termina son verre et lança en quittant l'établissement :

  — en Algérie, près de la frontière marocaine, nous y avons construit une ligne de chemin de fer en plein désert pendant la guerre en 1941-42.

  En montant dans la voiture, il entendit un client dire au patron : "Dites, monsieur Talline, vous n'étiez pas par-là vous aussi pendant la guerre ? "

  Domingo s'assit confortablement tandis que le chauffeur refermait la portière. Il n'entendit pas la réponse du patron, mais la guerre était loin maintenant. Il allait revoir sa fille, ses petits enfants et son arrière-petit-fils qu'il ne connaissait pas encore. La vie qui continuait quoi... Alors qu'il terminait la sienne !

  Il se dit que s'il avait le temps, au retour, il s'arrêterait à nouveau dans ce café afin de terminer cette conversation. Comme le taxi tournait sur la place, il aperçut de nouveau le kiosque à musique à l’entrée du boulevard, trônant au milieu des platanes et, jetant un coup d’œil vers le café, il pût voir le patron qui suivait le taxi du regard depuis sa terrasse. Il lui adressa un signe de la main puis s’abîma dans la contemplation de la route devant lui.

JI 29/01/22

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