Chapitre 1
Je m'éveille, douleur et nuit d'encre. Des sons, des murmures, des bruits de pas autour de moi. Surtout, un maelstrom insoutenable d'odeurs qui s'amalgament en un bloc gazeux infâme occupant toute ma bouche. Mes oreilles doivent produire des émanations toxiques. J'ai cette impression qu'on a composté tout ce qui est pourri sur terre, animaux, humains, plantes en décomposition et cadavres de mouettes, méduses échouées et restants de clams frites, et que ce tout attend, bien stocké, dans l'antichambre de mon palais.
J'essaie de m'actionner le mâche-patate, j'ai besoin d'eau, ça presse. Des doigts se posent sur mes lèvres pour me signifier que je ne dois pas les ouvrir. Je me rends compte que ma main droite repose inerte ; je ne peux ni la bouger, ni activer ses capteurs sensoriels. Je lève la gauche pour toucher mon visage, on m'empoigne l'avant-bras, on le repose sur quelque chose d'aussi froid et rêche qu'un drap d'hôpital. J'y suis. Les implants.
Je n'ai plus soif, je veux seulement dégueuler. Ma bouche ne s'ouvre pas. Activation du duodénum. Salivation. Relâchement des sphincters œsophagiens et de l'œsophage. Vomissements imminents. Quoi ?
- Elle vomit ! Code blanc !
Ma gorge expulse un magma de douleur et d'effroi. Je pleurerais si mes paupières s'ouvraient. Acide gastrique 72,4 pour cent, bile 27,3 pour cent, matière organique indéterminée 0,2 pour cent. Niveau de douleur 76,8 pour cent. Dose recommandée de dihydrocodéine : 50 mg par voie intramusculaire.
- Madame, aidez-nous. Donnez-nous la posologie !
- Arrête ! Elle ne doit pas parler. Donne-lui du 100 mg. Et installe un soluté.
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