Chapitre 5
PDV Rébecca Devalois
La porte finit par s'ouvrir sur un Steve décontracté, en jean et chemise ; se chamaillant probablement avec Danny. Dans cette tenue, il était encore plus sexy qu'à notre première rencontre, sa chemise laissant imaginer assez facilement la musculature qu'elle cachait. Lorsque nos regards se trouvèrent, il devint tout à coup muet. Dans mon cas, les mots avaient fui comme des lâches, me laissant également muette. Une bulle invisible nous englobait, faisant disparaître tout ce qu'il y avait autour de nous. C'était comme si le temps avait cessé d'avancer, nous permettant d'avoir plus de temps pour nous rencontrer au détour d'un regard ; nous laissant immobile sur le porche de la demeure. Cependant, cela ne dura que quelques instants, nous faisant rappeler à l'ordre par un Danny moqueur. Le rouge m'était monté aux joues et vu la gestuelle de Steve, je n'étais pas la seule. Je repris tant bien que mal mes esprits. Je rentrais et tendis la bouteille de vin comme si rien ne s'était passé. Bien que cet instant ait eu l'effet d'un grand bol d'air frais sur moi. Ça faisait une éternité que l'on ne m'avait pas regardée de cette manière, le dernier étant mon défunt mari, Marlon.
Nous rejoignîmes les deux autres invités à l'arrière de la grande demeure de Steve ; le jardin nous offrant une vue incroyable de la plage. Danny me présenta sa fille, Grace, une magnifique et adorable adolescente de 18 ans, brune aux yeux marrons glacés, le contraire de son père. On s'installa tous à la table où durant le repas, nous discutâmes de divers sujets. Danny me retraça un petit peu sa vie dans le New Jersey, ainsi que son divorce avec son ex-femme, Rachel. Il me parla également de son fils, Charlie. Grace me confia qu'elle adorait vivre à Hawaï, elle préférait même cette île au New Jersey. Quant à Steve, il me raconta un peu comment il en était arrivé à passer de Navy SEAL à Commandant d'une unité d'élite. Il m'expliqua qu'il était revenu pour diriger l'enquête sur la mort de son père et que c'était ce jour-là qu'il avait fait la connaissance de Danny. Puis se fut à mon tour. Je dévoilais quelques anecdotes de l'époque du lycée et d'autres à propos de Danny et mon frère. Steve et Danny en rajoutèrent avec les leurs, sur l'équipe et sur certaines de leurs affaires. Je remarquais automatiquement l'incroyable complicité qui les liait, c'était une amitié telle qu'on en faisait plus. Ce dîner était entièrement basé sur les anecdotes des uns et des autres et sur les rires. Depuis aussi loin que je me souvenais, je n'avais jamais passé une aussi bonne soirée. Rapidement, l'heure du départ de Danny et Grace arriva. Ils vinrent nous faire une accolade à Steve et moi. Avant qu'elle ne parte, je promis à Grace de l'emmener faire du shopping un de ces jours. Cette nouvelle eut l'air de l'enchanter étant donné l'énorme câlin auquel j'eus droit. Avant de m'en aller à mon tour, je décidais de donner un coup de main à Steve pour débarrasser, malgré les nombreux refus de sa part. La dernière assiette essuyait, je me retournais vers Steve pour lui tendre cette dernière et le trouvais finalement appuyé contre l'îlot central en granit, perdu dans ses pensées. Je pris place à ses côtés en m'asseyant sur l'îlot.
« À quoi peut bien penser cet homme à mes côtés ? pensais-je à voix haute afin d'attirer son attention, ce qui fonctionna à merveille.
— Je pensais à toi ! me révéla-t-il en toute sincérité.
— À moi ? répétais-je étonné.
— Pourquoi tu t'es engagée dans la Navy ? me demanda-t-il semblant chercher à en apprendre davantage sur moi.
— Il y a eu deux raisons ! La première est que mon père était aussi dans la Navy, il a toujours été un modèle pour moi, je l'admirais énormément ! Et je voulais servir mon pays, tout comme lui avait servi le sien ! confiais-je à ma nouvelle connaissance, la fierté se lisant sur mon visage et dans le ton de ma voix.
— Et l'autre raison ? chercha-t-il à savoir, son instinct de flic revenant au galop.
— C'est à cause de ma mère !
— Ta mère ? répéta-t-il, se tournant et s'accoudant à l'îlot de manière à ce que son regard interrogateur soit posé sur moi.
— Matt n'est pas encore au courant et je l'ai révélé à ma sœur il y a seulement quelques heures ! lui expliquais-je.
— Si tu ne veux pas me le dire, je comprendrai ! C'est ta vie privée et...
— Non ! Ça va ! l'arrêtais-je dans sa tirade, décidée à lui ouvrir un pan de ma vie. J'ai déjà perdu ma mère à cause de ce secret, et j'ai failli perdre ma petite sœur ! l'éclairais-je. Tu vois cet homme qui... qui a été mon modèle, qui m'a élevé et qui a pris son rôle de père très à cœur ! commençais-je à lui révéler la colère que j'éprouvais contre ma mère refaisant surface progressivement. Eh bien, en réalité ce n'est pas mon père ! lâchais-je l'information ironiquement, me touchant le nez, signe que ma colère avait augmentée d'un cran. Je l'ai appris le jour de mes dix-huit ans ! Je suis partie une semaine après ! Je n'arrivais pas à pardonner à ma mère, je ne pouvais plus la regarder dans les yeux ! Aujourd'hui encore, je n'ai toujours pas réussi à lui pardonner ! Et je ne sais pas si j'y arriverais un jour ! »
Il m'avait écouté sans m'interrompre. Ma jauge de frustration atteignant un score jamais atteint auparavant. Je devais faire peur à voir. Steve me fixait encore sans piper mot. Je devais certainement l'embêter avec tous mes problèmes. Ma frustration s'estompa aussitôt, m'excusant par la suite.
« Je suis désolée ! Je dois certainement être barbante avec tous mes problèmes ! Me confondis-je en excuses. D'ailleurs, je ne sais même pas pourquoi c'est à toi que j'en parle ! Lâchais-je désespérée. C'est peut-être le fait que tu as été un Navy SEAL toi aussi, ou peut être parce que même si on s'est rencontrés il n'y a pas 24 heures, je te fais totalement confiance et je t'apprécie énormément ! Et crois-moi, ça fait longtemps que je n'ai pas ressenti ces choses-là ! finis-je par lui avouer timidement.
— Tu n'es pas barbante ! Loin de là ! me stoppa-t-il, changeant de position pour se mettre en face de moi et poser ses mains sur mes genoux. Tu es intelligente, marrante, forte et courageuse ! énuméra-t-il. Mais certainement pas barbante ! Tes "problèmes" comme tu les appelles, ils me permettent d'apprendre à mieux te connaître ! Et c'est ce que je veux ! Je veux tout savoir de toi ! Ce que tu aimes, ce que tu détestes, tes peurs et toutes les autres choses qui vont avec ! Et comme tu l'as dit, on se connaît peut-être depuis même pas 24 heures mais lorsque je t'ai vu la première fois, j'ai eu le coup de foudre pour toi ! me confia-t-il passionnément en se rapprochant encore plus de moi. »
Lors du repas, j'avais bien remarqué ces petits coups d'œil dans ma direction et les rougeurs qui apparaissaient sur ses joues lorsque je surprenais ces regards, mais je pensais que c'était seulement parce que je lui faisais de l'effet. J'avais tort, c'était bien plus qu'une simple attirance entre nous. J'avais eu, moi aussi, un coup de foudre pour lui. J'étais émue par ses paroles et j'étais complètement sous son charme. Ses magnifiques yeux bleus encrés dans les miens.
Il tenta une approche et disposait ses mains de chaque côté de mes cuisses, les frôlant intentionnellement ; me procurant, par la même occasion, d'agréables décharges. Il était si proche de moi. Il avait fait le premier pas en m'ouvrant son cœur, je décidais donc de faire le second. Je comblais le peu d'espaces qui nous séparaient en prenant son visage entre mes mains et capturais ses lèvres divinement attirantes. Nos langues se cherchèrent, se rencontrèrent passionnément. Mon cœur battait la chamade, et mes mains, descendues sur son torse, pouvaient sentir le sien battre à cent à l'heure. Il m'attirait contre lui afin d'approfondir notre baiser, mes jambes s'enroulant automatiquement autour de sa taille. Il passait ses mains dans mes cheveux, les descendants lentement sur ma nuque. Des frissons enivrants parcouraient mon échine. Les mains de l'un explorant chaque parcelle de l'autre, nos gémissements de plaisir s'entremêlant. Tous les éléments étaient réunis pour que nous soyons au septième ciel. Son odeur envoûtante, son corps contre le mien, ses délicieuses caresses sur ma peau.
Nous fûmes brutalement interrompus dans l'évolution ardente de nos étreintes par un grand labrador curieux. Celui-ci avait fait une entrée fracassante dans la pièce. L'animal n'avait rien trouvé de mieux que de venir s'asseoir à quelques mètres de nous et nous regarder la tête penchée sur le côté avec des yeux de merlan frit. Le souffle court et les lèvres gonflées par des baisers passionnés, nous nous mîmes à rire par l'attitude d'Eddie, son chien. Je profitais de cette diversion pour descendre du meuble de cuisine, me recoiffais et remettre ma robe en place. Je remarquais soudainement que l'heure avait gravement défilé ; ma montre indiquant 1h25. J'avais assuré à Matt que je ne dépasserais pas minuit et demi, il devait certainement s'inquiéter. Je le regardais grattouiller Eddie puis revenir vers moi, entourer ses bras autour de ma taille, et reprendre là où on s'était arrêtés. Je le repoussais à contrecœur.
« Désolée, Steve ! Ce n'est pas que je n'en ai pas envie, au contraire ! Mais j'ai promis à Matt de ne pas rentrer trop tard et je suis déjà en retard ! grimaçais-je, mes lèvres souhaitant retrouver la chaleur de ses lèvres.
— Ok ! me répondit-il compréhensif. Je sais que ton frère est super protecteur avec ceux qu'il aime ! Je ne voudrais pas qu'il retourne toute l'île pour te retrouver ! plaisanta-t-il.
— Il en serait tout à fait capable ! ajoutais-je. »
On prit notre temps pour éterniser notre étreinte. Il finit néanmoins par me raccompagner sur le pas de la porte. Je me retournais et lui confiais :
« J'ai vraiment passé une excellente soirée avec vous trois ! Et encore plus avec toi ! »
Je déposais un baiser chaste sur ses lèvres et partis vers ma voiture, le laissant pantois sous le porche éclairé. Je me retournais vers lui, à mi-chemin de l'allée en pierre, avec un sourire béat. Il avait enfin repris ses esprits et avait répondu à mon sourire. Devant ma voiture, lorsque je trouvais enfin les clés de celle-ci, une main vint attraper mon épaule pour me retourner violemment et me plaquer contre le véhicule. Rick se tenait à quelques centimètres de mon visage, l'air féroce.
« À quoi tu joues exactement ? lui demandais-je craintive.
— À quoi je joue ? rétorqua-t-il hargneusement. Tu pensais vraiment que j'allais te laisser tranquille, juste parce qu'on a été ami dans le passé ? Mais ma pauvre ! me prit-il froidement en pitié. Le gentil petit Rick a cessé d'exister le jour où tu es partie ! Tu étais la seule personne qui m'empêchait de sombrer dans toutes ces merdes que je déteste ! me reprocha-t-il. — Tu peux encore tout arrêter ! lui proposais-je bouleversée.
— C'est trop tard pour moi ! riposta-t-il l'abattement remplaçant la colère.
— Il n'est jamais trop tard ! le contredis-je, essayant de le convaincre.
— J'ai merdé, je n'ai plus le choix ! me répondit-il en sortant de son dos une arme.
— Qu'est-ce que tu fous, Rick ? reculais-je de quelques pas, prise de panique.
— Je suis vraiment désolé ! répliqua-t-il en larmes. Comme je te l'ai dit, je n'ai pas le choix ! Si je te descends pas, ils tueront Maggie ! m'expliqua-t-il. »
Il pointa le canon de l'arme dans ma direction. Je fermais les yeux, consciente qu'il était sur le point d'appuyer sur la détente. Je ne lui en voulais pas, il voulait seulement sauver cette Maggie. Il n'était pas aussi mauvais qu'il le laissait prétendre. J'entendis le petit claquement que faisait la sécurité lorsqu'on l'enlevait. Le bruit assourdissant d'une détonation brisant le silence de la nuit la seconde d'après.
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