Chapitre 9

8 minutes de lecture

PDV Rébecca Devalois


Mes révélations en avaient ébranlé plus d'un, tout le monde accusait le choc dans un silence pesant. Ne supportant plus cette atmosphère, je sortis du bâtiment, les larmes aux yeux. À l'extérieur, je fus vite rattrapé par Steve qui m'agrippa le poignet et me fit faire volte-face ; ses yeux me renvoyant son inquiétude de plein fouet. Cet homme incroyable sécha mes larmes et s'empara de ma bouche pour m'embrasser tendrement, me faisant oublier tous mes problèmes pendant un court instant. Je me blottis dans le creux de son cou et lui m'entoura de ses bras tatoués. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentis en sécurité. Nous n'avions échangé aucun mot, et à cet instant, nous n'en avions nul besoin. Il me prit par la main et nous retournâmes à notre enquête. Jonah était toujours en ligne, toutefois, il était en compagnie d'une jeune femme blonde que je connaissais plutôt bien.


« Kyra Barton ? fis-je, étonnée, mais heureuse de revoir un visage familier bienveillant.

Becca ! me répondit l'intéressée, toute souriante. Je suis contente de te voir !

J'ai demandé à Kyra... l'agent Barton, de se joindre à l'enquête ! se reprit rapidement Jonah, ne passant pas inaperçue aux yeux de tous. On peut lui faire confiance ! affirma-t-il. Notre jet décolle dans 30 minutes ! On se retrouve à l'aéroport d'Honolulu dans un peu plus de 6 heures ! Rébecca ! s'adressa-t-il soudainement à moi. Ne fais rien de stupide avant qu'on arrive, s'il te plaît !

On y veillera ! approuvèrent Matt et Steve, à l'unisson. »


J'avais remarqué le rapprochement qu'il y avait entre Jonah et Kyra, à leur arrivé, aucun des deux n'échapperait à mon petit interrogatoire. La communication finit, leurs visages furent remplacés par un minuteur géant. Ce minuteur représentant le décompte des heures qu'ils nous restaient avant de retrouver les corps de Maggie et Rick à la morgue, et d'avoir un autre tueur professionnel à mes trousses. Mais le seul corps que je désirais voir sur une table d'autopsie était celui d'Ezra De Martino et cette fois-ci, je le conduirais à la morgue moi-même s'il le fallait. Je voulais lui coller une balle dans le cœur comme il avait fait avec ma Cassidy. Je voulais que tout ça se termine une bonne fois pour toutes. Il nous restait 61 heures et 58 minutes exactement.


« Lorsque je travaillais pour Ezra... commençais-je, me forçant, à contrecœur, à me remémorer mes quatre années passées avec ce monstre sans nom. On “voyageait” dans le monde entier ! Durant ces quatre années, j'ai dû exécuter plus de personnes que je n'en ai eu à le faire pour les États-Unis ! Pour chaque contrat, je disposais d'une semaine pour enquêter sur mon sujet, noter ses moindres faits et gestes et maquiller le meurtre en accident ou en mort naturelle selon ce qu'Ezra avait choisi !

Sérieusement ? demanda Mark, écœuré.

Oui, sérieusement ! acquiesçais-je, meurtrie par mes actes passés. Mais tout ça pour vous dire qu'Ezra m'accompagnait partout ! Et il ne se déplaçait jamais sans une dizaine de ses hommes et ma fille ! Sans compter toutes les armes et la came qu'il projetait d'écouler au passage ! Donc il nous fallait un endroit plutôt grand et au calme pour ne pas risquer d'éveiller la curiosité d'un voisin un peu trop indiscret !

Donc, il faut chercher des habitations ou des entrepôts à l'abri des regards, qui n'éveilleraient pas les soupçons ! conclut l'agent Junior Reigns tout en affichant une carte de l'île et en y entrant nos critères de recherche. Il y en a une centaine !

Il ne reste qu'une semaine au même endroit ! Tu peux enlever les lieux occupés depuis plus longtemps ! indiquais-je.

27 bâtiments ! Il en reste encore beaucoup trop ! constata Danny, dépité.

Je me rappelle bien un autre détail mais je ne pense pas que ça va nous mener quelque part ! dis-je après avoir pris le temps de ressasser tout ce dont je me souvenais. Même s'il gardait ma fille en otage, il a toujours veillé à ce qu'elle soit en sécurité et qu'elle ne manquait de rien ! Il avait pris l'habitude, une fois par semaine, d'envoyer un de ces gorilles commander dans un resto italien pour nous tous ! Ma fille adorait ça ! Il payait toujours en cash ! Pour un nombre de personnes aussi important, ça va se remarquer facilement ! précisais-je.

En effet, ça va peut-être nous mener nulle part ! reconnut Steve. Mais au point où on en est, on va quand même étudier cette piste ! Il y a une bonne vingtaine de restaurants italiens sur l'île ! remarqua-t-il. Danny, tu vois avec Duke pour avoir une dizaine de policiers ! Je vous laisse vous répartir les restos ! Je vais rester ici pour plus de sécurité !

D'accord ! acquiesça l'intéressé, avant que je ne les interrompis.

Steve ! Je sais que ce n'est pas du tout le moment, mais j'aimerais aller rendre visite à ma mère !

T'es sûr ? demandèrent Matt et Nathalie, tous deux confus de ma soudaine requête.

Oui ! Je ne suis pas forcément prête, mais étant donné la situation parfaitement mortelle dans laquelle on se trouve et vu la vitesse à laquelle s'aggrave sa maladie, je ne peux plus me permettre de repousser l'échéance en permanence !

D'accord ! Ça me va ! accepta le beau commandant un peu trop, surprenant toute l'assemblée. Mais à une condition ! déclara-t-il. Je t'accompagne ! Il est hors de question que tu sortes seule ! Et ce n'est pas négociable ! termina-t-il. En attendant, vous trois, vous ne bougez pas d'ici ! avertit-il Rick, Mark et Nathalie. Je vais demander que deux agents de police soient postés devant le bâtiment ! »


Tout le monde savait désormais ce qui leur restait à faire. Comme convenu, les trois personnes concernées restèrent au QG et le reste de l'équipe du 5-0 se partagea les lieux en différentes zones pour plus d'efficacité. Quant à Steve, il me conduisit au centre ho'omana'o sur Kihi Street. Une fois sortie de la voiture et la portière refermée, je n'étais plus aussi sûre de vouloir y aller. J'étais clouée sur place, soudainement rongée par l'appréhension. Steve remarqua ma détresse. Il s'approcha de moi et me prit dans ses bras dans une étreinte rassurante, me confiant que tout allait bien se passer, qu'il resterait avec moi quoi qu'il arrive. Depuis notre rencontre, je ne cessais de me demander ce qu'il pouvait bien me trouver, moi, une femme dont le destin avait pris un malin plaisir à briser. Nous n'étions pas ensemble, nous n'avions même pas pris le temps d'évoquer une seule seconde ce que nous étions l'un pour l'autre depuis notre premier baiser. Toutefois, il était si attentionné envers moi et je me sentais en sécurité avec lui. Il avait le don de faire disparaître mes peurs d'un simple contact, d'apaiser mes blessures voire même de m'aider à les refermer. Il avait entrelacé nos doigts et m'avait soutenue, à coup de mots doux, jusqu'à l'accueil du centre. Une jeune infirmière d'une trentaine d'années, très souriante, nous accueillit chaleureusement. Aucun son ne sortit de ma gorge lorsque, assise derrière son bureau, elle me demanda ce que je désirais. Ce que je voulais vraiment ? Prendre mes jambes à mon cou, m'enfuir le plus loin d'ici. Une large main vint se poser sur le bas de mon dos, me faisant ressentir un léger frissonnement dans tout le corps et accélérer les battements de mon cœur. Je portais mon regard vers ses yeux bleus, ce contact à la fois physique et visuel me procurant le courage nécessaire dont j'avais besoin pour affronter ma mère et sa maladie : l'Alzheimer.


« Bonjour ! Je suis venue rendre visite à Victoria Devalois ! Je suis sa fille, Rébecca Devalois ! finis-je par répondre à la jeune infirmière rousse.

C'est la première fois que vous venez ? me demanda cette dernière d'une douce voix.

Oui ! affirmais-je. Je suis rentrée il y a peu !

Je vais prévenir son médecin pour voir si elle peut vous recevoir ! »


L'appel ne dura que quelques secondes durant lesquelles Steve exerçait de petits cercles sur le dos de ma main, ce qui m'apaisait. L'infirmière, répondant au nom d'Astrid, nous indiqua le chemin à suivre pour arriver au bureau du médecin de ma mère, le docteur Hyacinth LeBlanc. Une sublime femme métissée aux yeux couleurs vert émeraude vint nous accueillir. Le bureau était décoré dans un style moderne épuré. Plusieurs tableaux d'artistes en tout genre que je ne connaissais probablement pas, ornés les murs blancs, accompagnant ainsi les différents diplômes obtenus par cette femme. L'étagère noire se trouvant sur notre droite était remplie de bouquins de médecine sur la mémoire ou l'Alzheimer, de magazines, de bibelots et de photos avec le personnel et les résidents du centre. Steve et moi nous assîmes chacun sur une chaise en face du bureau. Steve avait gardé nos doigts entrelacés, et intérieurement, je l'en remerciais car sans lui je serais partie depuis belle lurette. De sa voix mélodieuse, le docteur LeBlanc nous parla en détail de l'état de sa patiente. La maladie de ma mère était à un stade plutôt avancé. J'avais raconté au médecin que j'étais dans la Navy depuis mes dix-huit ans et que j'étais rentrée il y a seulement trois jours. Elle ne chercha pas à cacher la grande possibilité que ma propre mère pouvait ne pas se souvenir de moi. Sa franchise me plaisait, elle ne cherchait pas midi à quatorze heures. Après notre entretien, elle se leva pour faire le tour de son grand bureau qui était couvert de dossiers éparpillé par-ci, par-là et nous fit visiter le centre. Il était vraiment grand, spacieux et absolument magnifique. Elle finit par nous laisser dans les jardins où se trouvaient plusieurs patients. Une femme attira mon attention, blonde, yeux bleus, habillé très élégamment. Elle dénotait un peu par rapport aux autres résidents, ma mère faisait cet effet-là. Lorsque ces yeux se posèrent sur moi, je crus y percevoir de la surprise.


« Ma chérie ! s'exclama ma mère, apparemment heureuse de me voir. Tu es rentrée ?

Oui ! répondis-je les larmes aux yeux.

Tu as finalement changé d'avis ? me demanda-t-elle à moitié rassuré.

À quel propos ?

Au sujet de l'armée, voyons ! Je sais que ce que je t'ai annoncé la semaine dernière, t'a profondément blessé ! J'aurais dû te le dire depuis longtemps qu'Andrew était ton père, mais je n'y arrivais pas ! Je suis vraiment désolée ma chérie ! »


Je compris instantanément que j'existais toujours dans la mémoire de ma mère. Me concernant, ces souvenirs étaient restés comme figés dans le temps. À mon retour, ils avaient repris exactement au même moment où ils s'étaient arrêtés. Elle pensait que j'avais dix-huit ans et que je n'étais pas partie. Finalement, je devais peut-être le prendre comme une sorte de seconde chance et enfin lui accorder mon pardon.

« Ne pleure pas maman ! lui dis-je la consolant dans mes bras. Moi aussi je suis désolée d'être partie sans donner de nouvelles ! J'avais besoin de réfléchir ! Je ne t'en veux plus maman ! lui annonçais-je, le sourire aux lèvres. »


Un poids énorme s'était comme envolé de mes épaules. J'avais l'impression d'avoir enfin été libéré des chaînes qui me retenaient prisonnière. Même si je savais qu'avec sa maladie, ma mère oublierait certainement cette conversation la seconde où je serais partie, j'étais toute de même soulagée et heureuse d'enfin passé du temps avec elle. Je passais encore quelques instants en sa compagnie, Steve s'étant éloigné pour me laisser profiter de ces retrouvailles éphémères. Puis vint le moment où les visites furent terminées, Steve et moi devions retourner au QG. Il avait passé un bras autour de mes épaules et moi autour de sa taille. Nous marchions jusqu'à la voiture, comme tous les autres couples.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Plume23 ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0