Chapitre 17
PDV Rébecca Devalois
Pourquoi mon crâne me faisait un mal de chien ? Les yeux toujours clos, je voulus vérifier ce qui n'allait pas avec ma tête, mais je ne pouvais pas bouger. Un tintement de chaînes qui s'entrechoquaient me parvint aux oreilles. Je voulus ouvrir mes paupières, en vain. Elles étaient tellement lourdes. Après plusieurs tentatives, je réussis à les ouvrir mais je devais lutter pour les garder ouverts. J'étais toujours dans l'entrepôt. Les murs et le sol en béton étaient identiques mais c'étaient surtout les différents sigles sur les murs qui ne pouvaient pas m'induire en erreur. Je finis par trouver pour quelle raison je ne pouvais pas bouger, j'étais suspendu par les mains avec des chaînes. J'essayais de me souvenir de ce qu'il s'était passé. Je me rappelais être entrée avec Wyatt dans la pièce, être jetée au sol puis je revis Ezra en face de moi. J'eus soudainement en flash de ce qu'il s'était produit par la suite. Ezra m'avait assommé avec la crosse de son arme.
Je parcourus la salle du regard, il n'y avait ni Maggie, ni Ezra. Je remarquais subitement la présence d'un homme menotté à une chaise non loin de moi. La tête baissée, il semblait inconscient. Je tentais par tous les moyens de faire revenir cet inconnu à lui. Je m'efforçais également de me défaire de ces foutues chaînes de merde mais il n'y avait pas moyen, elles étaient fortement maintenues par un cadenas. Après maints échecs, il revint à lui. Il releva la tête et ce fut à cet instant que je le reconnus, c'était Wyatt. Son visage était salement amoché, son frère n'y était pas allé de main morte.
« Wyatt ? m'inquiétais-je. Est-ce que ça va ? »
Je n'eus aucune réponse à mes questions. Il semblait ne pas m'avoir entendu et n'avait certainement pas encore remarqué ma présence. Il était complètement désorienté et paraissait chercher des réponses à ses propres questions. Il leva les yeux vers moi et prit enfin conscience de ma présence.
« Rébecca ! fit-il d'une voix pâteuse.
— Qu'est-ce qui s'est passé Wyatt ?
— Après t'avoir assommé, je ne sais pas ce qui s'est passé mais Ezra est devenu littéralement fou de rage d'un coup ! Il s'est mis à me frapper ! Je n'ai rien pu faire ! Je suis vraiment désolé Becca !
— Tu n'y es pour rien Wyatt ! Il a dû se douter qu'on lui tendait un piège ! »
Tout à coup, une porte s'ouvrit à la volée. Ezra fit son apparition dans la pièce avec son éternel sourire diabolique plaqué sur le visage. Une femme entra à sa suite. Il s'agissait d'une jeune femme d'une vingtaine d'années, à peine plus jeune que Nathalie je dirais, brune aux yeux marron. Je ne l'avais vu que par l'intermédiaire d'une photo que Rick m'avait montré mais je la reconnus immédiatement. Il s'agissait de Maggie. À la voir, elle ne semblait pas avoir passé du temps en captivité, au contraire. Je ne fus pas seulement intriguée par son apparence mais également par ce qu'elle dégageait : de la satisfaction. Je fus davantage désemparée lorsqu'elle alla se lover dans les bras d'Ezra et qu'elle prit possession de ses lèvres pour l'embrasser passionnément. Je compris à cet instant précis qu'elle nous avait tous mené en bateau et Rick le premier. Lorsqu'il apprendra qu'il avait été dupé, il sera complètement dévasté. Rick pouvait être un gros dur mais sous sa carapace c'était un homme gentil, affectueux et sensible. Je tournais mon regard vers le second prisonnier qui se trouvait à mes côtés afin de savoir s'il était au courant, mais il ne comprenait absolument pas ce qu'il se passait sous ses yeux. Remarquant très probablement nos airs ahuris, Ezra se dirigea dans ma direction certainement dans l'optique d'en découdre avec moi. Or, je décidais de l'ignorer complètement et de poser l'ultime question que je devais poser à Maggie.
« Pourquoi ?
— À cause de toi, bien sûr ! répliqua-t-elle. Pour quelle autre raison sinon ?
— Pourquoi l'avoir impliqué là-dedans ?
— Tu ne me reconnais pas ? Pas vrai ? me demanda-t-elle, contournant Ezra et s'approchant de moi afin que je puisse mieux la détailler. »
Je secouais la tête négativement. J'avais beau cherché dans tous les recoins de ma mémoire, je ne l'y trouvais pas.
« Et comme ça ? »
Elle porta sa main à ses cheveux et tira dessus, enlevant une perruque brune. Puis elle enleva de ses yeux ce qui semblait être des lentilles. Sous tout ce faux-semblant apparu une magnifique jeune femme rousse aux yeux verts. Je le savais désormais. Je me rappelais enfin.
« Héléna ! murmurais-je, interloquée.
— Je vois que madame a retrouvé la mémoire ! Des remords peut-être ?
— Bien sûr que j'en ai ! lui assurais-je, étonnée qu'elle puisse penser le contraire. Si je pouvais je reviendrais en arrière pour vous sauver tous les deux !
— Ça ne changera rien au fait que mon père est mort et que tu es la seule fautive ! s'emporta-t-elle, sortant l'arme qu'elle avait à l'arrière de son jean. »
Elle me menaçait avec le pistolet, déversant sur moi toute la haine qu'elle avait accumulée durant toutes ses années.
« Il m'avait demandé de te sauver ! chuchotais-je, meurtrie par toutes ces décisions prises sous la contrainte il y a tant d'années.
— Qu'est-ce que tu as dit ? se rapprocha-t-elle vivement de moi, me pointant toujours avec l'arme.
— Ton père m'avait demandé de te sauver ! répétais-je plus fort, plantant mon regard peiné dans le sien. Ça a été ces dernières paroles avant qu'il ne se jette dans la gueule du loup ! Je n'ai rien pu faire ! Je n'ai pas pu le retenir ! Il avait fait son choix ! »
Nous étions toutes les deux autant dévastées l'une que l'autre par ses révélations. Nous fûmes soudainement interrompus par la sonnerie du téléphone d'Ezra. Agacé, il s'isola dans la pièce adjacente pour répondre, nous laissant Wyatt et moi seule avec Héléna. Dès que cette dernière s'éloigna de nous et eut le dos tourné, Wyatt m'interpella faiblement de sorte que je sois la seule à l'entendre. Dans ses yeux brillait un air victorieux. Cet air j'avais appris à le connaître il y a quelques années auparavant lorsqu'il m'apprenait ces petits tours de passe-passe. Sous mes yeux interloqués il me montra ses mains déliées détenant ses menottes ouvertes. À chaque fois qu'il y arrivait, c'est-à-dire tout le temps, je ne pouvais m'empêcher d'être systématiquement impressionnée. Je n'ai jamais connu une personne aussi douée que lui pour crocheter les serrures. Je l'avais même déjà vu le faire les yeux fermés. Un plan se mit soudainement en place dans ma tête. Un plan foireux, comme d'habitude, mais dans notre situation actuelle, tous les plans, même pourris, étaient bons à prendre. J'exposais rapidement mon plan à Wyatt puis je le mis à exécution.
J'appelais Héléna, prétextant le souhait de lui révéler certaines choses à propos de son père. Je savais que ce sujet allait éveiller ses intérêts. Telle une hypnotiseuse, je l'envoûtais et l'attirais à moi avec mes mots. Une fois qu'elle fut assez proche de moi, je lui exprimais des excuses. Et comme une proie se rendant compte malheureusement trop tard qu'elle se trouvait prise au piège, j'enroulais mes jambes autour de son cou et exerçais une forte pression. Elle lâcha son arme qui alla s'écraser sur le sol et se mit à se débattre. Elle cherchait par tous les moyens à se défaire de mon emprise. Ses yeux sortaient de ses orbites, son visage devenait de plus en plus rouge à chaque seconde qui passait et des bruits de suffocations sortaient de sa gorge. En quelques secondes elle perdit connaissance. Wyatt vint me défaire de ses chaînes qui me maintenaient prisonnière. Je le remerciais et lui demandais d'aller prévenir les renforts. Durant ce temps j'en profitais pour attacher les mains d'Héléna avec les menottes. Je m'apprêtais à prendre l'arme tombée plus tôt mais je ne fis malheureusement pas attention à ce qu'il se passait dans mon dos. Ezra était revenu. Ce dernier m'asséna un coup de crosse à l'arrière de la tête. La douleur m'inonda instantanément, me forçant à porter les mains à l'endroit de l'impact. Tout autour de moi était devenu flou et tangué. J'avais l'impression qu'un orchestre avait élu domicile à l'intérieur de mon crâne et que chaque musicien s'efforçait à jouer horriblement faux, c'était affreux. J'étais complètement sonné par le coup, je n'arrivais plus à suivre et à comprendre ce qu'il se passait. Je sentis qu'on me tirait vers le haut, m'aidant à me remettre sur mes pieds. Puis je fus tout à coup plaquée contre le torse de quelqu'un. Mes idées se mirent peu à peu en place et je me rendis compte du merdier dans lequel j'étais empêtrée jusqu'au cou. Ezra me retenait en otage, un flingue braqué sur ma tempe. Des cris fusaient dans tous les sens. D'un côté il y avait Steve qui ordonnait à Ezra de me relâcher sur-le-champ et de se rendre. D'un autre Wyatt suppliait son frère d'arrêter tout ça. Et enfin, il y avait Ezra qui beuglait à tout-va qu'il n'hésitera pas à me descendre si on ne nous laissait pas sortir de cet endroit. Toutes les armes étaient dirigées dans notre direction. Bizarrement, à cet instant précis, j'étais la seule personne à être la plus calme.
« Laissez-nous passer ! leur demandais-je. Ça va aller ! les rassurais-je.
— Vous feriez mieux de l'écouter ! Et ne vous avisez pas de nous suivre ! les avertit-il. »
Toute l'équipe nous laissa le champ libre. Steve fut le dernier à s'écarter. Je croisais son regard inquiet. Je lui assurais que tout allait bien se passer et qu'on se retrouverait plus vite qu'il ne le pensait. M'empoignant fermement par le bras, Ezra me traîna dans une multitude de couloirs, m'emmenant le plus loin possible de mes amis et me rapprochant davantage d'une mort certaine. Le groupe nous suivit à bonne distance, s'arrêtant au pas de la porte de sortie de l'entrepôt. Mon bourreau nous conduisit au véhicule le plus proche. Il me força à prendre place du côté conducteur et, lui, s'installa du côté passager, continuant à me menacer avec son arme. Je mis le contact et regardais encore une dernière fois l'homme que j'aimais dans le rétroviseur intérieur avant de démarrer.
« Où est-ce qu'on va ? demandais-je à mon passager.
— Je t'indiquerais la route au fur-et-à-mesure ! grogna-t-il.
— Quoi que tu fasses, ils finiront par te retrouver, Ezra ! le prévins-je.
— Ferme ta putain de gueule et conduis ! s'énerva-t-il. »
À un peu plus de cinq cents mètres après notre départ, je pus apercevoir au loin devant nous la voiture de Matt criblé de balles. Elle était vraiment dans un état déplorable, absolument irrécupérable, bonne pour la casse. J'espérais que mon frère n'allait pas m'en vouloir trop longtemps. Lorsqu'on la dépassa, je remarquai soudainement que Ezra semblait ailleurs. C'était une occasion en or pour moi, je devais la saisir coûte que coûte. C'était soit je saisissais ma chance et j'avais une infime possibilité de m'en sortir, soit j'abandonnais et je finissais avec une balle dans la tête. Alors je profitais de l'inattention de mon ravisseur pour tenter de renverser la situation. Dans un geste brusque, je braquais violemment le volant. Ezra sortit instantanément de sa rêverie et essaya de reprendre la main. Je lui administrais un coup de coupe en plein dans le visage pour l'en empêcher, ce qui eut pour effet de l'étourdir. Il était désormais trop tard pour qu'il puisse faire quoi que ce soit. La voiture se rapprocha dangereusement des arbres. Je me préparais pour la future collision qui ne tarda pas à se produire. On s'encastra brutalement contre un arbre. Le choc fut plus important que ce à quoi je m'attendais. Les airbags se déclenchèrent en quelques millisecondes, à peine le temps d'un battement de cils. Ma tête heurta ce dernier puis ce fut le trou noir.
Je revins à moi quelques instants plus tard. Je ne savais pas du tout combien de temps s'était écoulé depuis ma perte de connaissance. Je fis un rapide état des lieux de mes blessures. Comme je devais m'y attendre, l'une de mes plaies par balles, celle à l'abdomen, avait fini par se rouvrir. Mon arcade sourcilière s'était mise à saigner de nouveau et mes côtes me faisaient un mal de chien. Ce n'était pas la forme mais ça aurait pu être pire. En tournant la tête du côté passager, je m'aperçus que le siège était vide et la portière, grande ouverte. Soudainement je fus prise de panique à l'idée que Ezra ait pu s'enfuir. J'appuyais de toutes mes forces sur mon airbag pour le dégonfler plus rapidement, je détachais ma ceinture de sécurité puis j'ouvris la portière. Je sortis de l'habitacle avec beaucoup de difficultés à cause de mes nombreuses blessures. Dans un premier temps, je remarquais la fumée qui sortait du capot, puis je sondais les alentours à la recherche d'Ezra. Fort heureusement, ce dernier n'était pas allé bien loin et il était tout aussi mal en point que moi. Il s'apprêtait à prendre la fuite mais c'était sans compter sur mon intervention. Je courus à sa poursuite et lui rentrais dedans, nous déséquilibrant tous les deux. On tomba lourdement sur le sol en terre rouge. Il se releva le premier. Je lui agrippais l'une de ses jambes et tirais dessus de toutes mes forces, le faisant tomber à nouveau. Je me plaçais à califourchon sur lui et lui décochais une bonne droite, puis une seconde. J'étais enragée, je n'arrivais plus à m'arrêter. J'étais sur le point de le frapper à nouveau au visage lorsque, subitement, il réussit à prendre le dessus et échangea nos positions. J'essayais de me protéger avec mes bras mais ce n'était plus possible, il était beaucoup plus fort que moi. Je n'arrivais plus à encaisser. Il me mit rapidement K.O. Allongée sur le sol, à demi consciente, ma vue était trouble, je ne distinguais plus que des formes. J'aperçus la silhouette d'Ezra se relever difficilement et se diriger vers la voiture où il prit un objet. C'est uniquement lorsqu'il revint auprès de moi, que je compris qu'il avait récupéré son arme et la pointait sur moi. Je me préparais mentalement à ce qui allait suivre. Mes pensées se tournèrent vers Steve, cet homme qui m'avait redonné goût à la vie, qui avait réussi à faire chavirer mon cœur. Le cliquetis de la sécurité qu'on enlève se fit entendre.
« Je suis vraiment désolée Steve, je n'y suis pas arrivé ! pensais-je. »
Des larmes silencieuses coulèrent sur mes joues. Tout à coup, j'entendis des cris.
« Ezra !!!!!! »
Je savais exactement à qui ils appartenaient mais c'était malheureusement trop tard. Le seul avantage qu’il y avait dans cette tragédie, était que j'allais enfin pouvoir retrouver toute ma famille. Puis ce fut le moment tant redouté. Ce qui devait se produire, se produisit enfin.
PAN.
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