Le roi des morts. (Partie Une)
Un souffle grave glissait dans ces profonds couloirs dévastés par le temps ; les pierres effritées se répandaient en amas sableux, les racines enchâssées dans les murs noirs, le clapotis des gouttes de l’averse qui faisait rage à l’extérieur ; dans les flaques vaseuses de ce sol lézardé et boueux se reflétait l’image d’une abomination.
Une créature, haute comme deux pommes, pencha sa boîte crânienne fissurée, jaunie, avec sa mandibule et ses dents de rongeurs abîmées, par-dessus les ondulations de l’eau trouble, contemplant cette horreur squelettique qui rappelait – vaguement – ce qui fût autrefois un homme minuscule ; aujourd’hui, vieil amalgame répugnant entassé d’os.
De ce reflet crasseux coincé entre deux dalles, il y vit un congénère difforme bloqué dans la crevasse. Le petit squelette souleva une brindille fière et solide, et martela la flaque avec l’énergie de la rage, car, dans celle-ci, son crâne présentait de si belles cornes qu’il en fut jaloux.
Le méfait accomplit, il reprit sa route dans un but inconnu, s’enfonçant dans le dédale obscur où virevoltaient des champicioles avec leurs chapeaux luminescents et leurs ailes de coléoptères arc-en-ciel, leurs mycéliums cherchant une terre fertile.
Longtemps, il arpenta ces lieux antiques jonchés d’os, s’arrêtant, fouillant les tas, soulevant les crânes, mais sans jamais trouver sa glorieuse tête cornue dont il rêvait depuis des âges. Il allait jusqu’à cabosser ses malheureux congénères qui le croisaient avec un piaillement de salutation distinguée, trouvant inacceptable qu’ils lui piaulent dessus.
Au loin, dans les vastes salles portant les fresques des âges perdus, relatant une histoire sombre et violente achevée dans le drame d’une existence disparue ; il rejoignit un groupe de minuscules squelettes assis sur leurs vieilles hanches, encerclant un géant au crâne de cerfs et aux bois si hauts qu’ils obnubilèrent le rêveur, sourd au chant funeste qu’ils grondaient en harmonie.
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