Le roi des morts. (Partie Quatre)
La brindille coincée dans un amas d’os entremêlés et gigotants, le petit squelette se démena comme un beau diable pour s’y hisser, s’agrippant aux côtes et aux fémurs ; non loin, le roi titanesque mugissait, battait des bras et se tordait l’échine, sa hanche le quittant pour d’autres horizons.
Le colérique, sur son radeau de fortune, déséquilibré par la force du courant, regarda celui qui fut son Némésis disparaître avec sa couronne de bois de cerf. Quelle perte tragique fut-elle. Soudain, un rugissement à en faire trembler le monde tonna, marquant la naissance d’une montagne d’opale. Du centre du maelström s’éleva la forme craquelée d’un crâne épais, démesuré ; une abomination émergea, bestiale, avec une gueule si imposante qu’elle pût engloutir les cieux ; ses crocs cannelés firent face au plafond, avalant la cascade ; un humérus gigantesque souleva le drap d’or, laissant apparaître sa cage thoracique, décrivit une course brutale et emporta dans un vacarme assourdissant, une explosion ineffable, les restes de la voûte lointaine.
Le petit squelette s’accrocha désespérément à son radeau bousculé par les énormes vagues, éclaboussé, ses os jaunes meurtris par cet intense battage. Il piailla avec ses congénères, s’accrochant à ce vestige de vie qu’ils leur restaient. L’abomination reporta son attention sous elle, ses orbites caves contemplant les innombrables victimes de la tour du jugement, dont elle était la glorieuse représentation.
L’antique Exécuteur.
Le petit squelette retrouva sa stabilité et parvint à se remettre debout, face à cette créature d’un autre âge, vénérée, non comme un roi, mais comme un dieu. Il cala ses pieds entre des côtes fêlées, raffermit sa prise sur sa brindille, débloqua sa mandibule, dressa le bras avec un sifflement aigu de menace, pointant cette arme inflexible sur l’énormité dont les yeux inexistants fixaient ce défi, la mâchoire pendante, dégoulinante de sable.
Nulle existence – aussi divine fut-elle – ne parviendrait à effaroucher un petit squelette possédé par l’énergie de l’avarice, suintant du désir de posséder cette puissance ancestrale, et, surtout, ces cornes si hautes et si grandes qu’elles disparaissaient dans l’effondrement des sommets brisés, auréolés des débris et des champilucioles déracinés.
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