Mes cahiers à spirales
Bien avant 2019, j'écrivais déjà dans des carnets à spirales. Mais ils me suivent, et ils se multiplient.
Autrefois, il y a déjà longtemps, j'écrivais dans des cahiers basiques, à couvertures solides. Puis, j'ai commencé à prendre le train de façon régulière. Rien n'est plus pratique qu'un cahier à spirales lorsqu'on écrit sur ses genoux, un peu partout.
J'ai toujours noté mes idées dans des cahiers : des idées fugitives, sur lesquelles il me faudrait revenir plus tard; des ébauches de scénarios trop frêles pour être jetées en patûre à un traitement de texte. Parfois, lorsque je manque d'inspiration, je retourne puiser dans ces pages foisonnantes...
En 2013, j'ai acheté un cahier tout neuf – sans spirales – pour commencer à écrire Les Désillusionnistes. Il me fallait bien un cahier entier, pour élaborer la fiche descriptive et explicative de chaque personnage, pour étendre les collages que je réalisais en vue de prévoir la trame de chaque partie, pour consigner chacun des monstres rencontrés par Lola, etc. J'avais passé un temps fou à décorer la couverture – mon côté matérialiste. Aujourd'hui, ce cahier repose sagement sur une étagère, à côté de celui qui, un jour peut-être, abritera la suite...
J'ai entamé beaucoup d'autres cahiers, dédiés à des histoires que je n'ai jamais achevées : Memento Mori, La Saison écarlate, La Reine du jeu infernal, Dégénérescence, Mascarade,... J'ai utilisé un cahier plus modeste, offert par une amie, pour consigner mes idées de scènes ponctuelles pour Les Desseins du Sore.
Je n'arrivais plus à achever quoi que ce soit.
J'avais passé huit mois dans la tête de Lola, à combattre ses démons à ses côtés. Des nuits entières à écouter la même musique en boucle, en écrivant sans relâche. Je ne peux plus écouter "Pleasures Of Soho" de Sohodolls sans revivre l'avant-dernier chapitre...
Mon histoire achevée – l'histoire la plus importante que j'avais écrite jusque là – j'étais comme endeuillée. Rien n'est plus déroutant que de porter le deuil d'une fiction. Car le manque et le chagrin, eux, n'ont rien de fictif.
J'ai tenté d'écrire une suite – suite que j'avais prévue. Blocage. Alors, un préquel. Blocage. Aucune nouvelle histoire ne voulait se dérouler. Aucun renouveau.
Je pataugeais sur En fin de compte..., parce que Quelqu'un l'avait lu. Parce que tout me semblait faux, alors. La fin ne collait plus. Je poursuivais La Saison écarlate, par bribes, sur des coins de feuilles éparses, en attendant les transports. Je regardais les rails et, comme Scarlett, j'avais envie de crever. Je me disais que, si un coup de vent emportait ma feuille sur la voie des trains, je plongerais l'y chercher au péril de ma vie, sans aucune hésitation.
Il y a eu Quelqu'un d'autre. Une illusion, sans doute. Tandis que la personne qui prétendait m'aimer m'ignorait outrageusement, j'ai recommencé à écrire pour enfin me rendre heureuse.
Après deux ans de deuil littéraire, j'entamais SMOOTHIE.
En commençant à écrire l'univers de cette fiction foisonnante, j'ai consigné les fiches de mes personnages dans un cahier à spirales. Beaucoup d'autres ont suivi : celui où j'ai prévu les trames des arcs, celui où j'ai développés leurs détails, celui où se sont accumulés des fragments de dialogues balancés en vrac. En y repensant, il m'est aussi souvent arrivé d'écrire sur mon téléphone. J'ai fréquemment tapé les monologues de Luna ou Faustine sur mon petit écran tactile.
Mais, les cahiers à spirales, je les emporte partout avec moi. Toujours au moins un. Qu'il est rassurant d'avoir toujours à portée de main quelques pages vierges à souiller de récits délirants ! Bien sûr, d'autres carnets ont suivi: celui dans lequel je note mes rêves, celui où atterrissent toutes les bribes de récits étrangères à SMOOTHIE, même le petit carnet de bord à l'intention de mes études.
Ces carnets, en quelque sorte, sont devenus l'extension de mon propre cerveau...
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