Blanche braises et rouges choses...
La complainte du vagin ?
Je fixe la tache sur le matelas. Fait chier ! Ou pas. Fait saigner !
Mes règles, depuis la première fois, je les ai sans m'en rendre compte. N'importe quand. N'importe où. C'est devenu ma hantise. Tous les quarante jours, je ressors du placard les pantalons appropriés : noirs, rouges, bariolés de motifs. Je chuchote aux copines : « Surveille mes arrières ! », si tant est que j'aie une connaissance suffisamment intime sous la main.
Plus d'une fois, en plein cours, je les ai senties couler entre mes lèvres. Plus d'une fois, j'ai serré les dents et j'ai tenté de les ravaler. Contraction du périnée. Une vraie discipline olympique !
Combien de fois j'ai noué mon sweat-shirt autour de ma taille, sous prétexte que j'avais chaud, juste pour dissimuler une honteuse tache rouge ? Pourquoi diable devrais-je donc avoir honte des aléas de mon cycle on-ne-peut-plus-naturel ? Parce qu'une souillure, ça fait tache.
Moi, la vue du sang ne m'a jamais dérangée. Une blessure, et je presse l'hématome jusqu'à tout faire gicler. Et, quand je saigne du nez, souvent je m'évanouis à force de contempler le flux vermeil qui s'égoutte. Ça ne tiendrait qu'à moi, mon liquide menstruel, je l'étalerais sur des draps blancs pour mieux l'admirer. Mais, ça fâcherait maman.
Mes règles, en général, je ne m'en plains pas. Quatre jours à avoir l'impression de me pisser dessus à longueur de temps , pour quarante jours de répit, voire plus, quand Dame Nature se montre clémente. Elles se pointent sans prévenir : ça, c'est l’inconvénient. Mais, quand je vois les autres filles se tordre de douleur, s'enterrer sous des piles de plaids et de bouillottes ou vomir leurs tripes jusque dans leur assiette, franchement, je dois admettre que je suis bien lotie.
Aujourd'hui, pourtant, ça me fait chier. Ça fait trois mois que je ne l'ai pas vue. Trois longs mois à rêver d'elle jusqu'à m'inonder l'entre-cuisse. Et, alors même qu'elle est en route pour me rejoindre après cette interminable abstinence, voilà que le Cardinal frappe à ma porte et renverse son vin sur mon couvre-lit ! À sa place, qui plus est. Là où elle dort, d'habitude, et où j'ai eu le malheur de m'égarer en plein songe.
Merde ! Merde ! Merde ! J'ai perdu mon sang-froid.
Elle arrive, toute pimpante, après trois heures de route et presque autant d'embouteillages. Elle transpire, et moi je pue l'envie et la soupe d'ovule !
— J'ai mes règles, je râle.
— Les miennes sont pas encore là...
Il aura suffi de quelques mois pour nous désynchroniser.
J'aime quand nos cycles concordent, quand on partage quelques jours durant la même excitation gênée, quelques orgasmes sanglants, en pariant sur qui débordera la première. J'aime le goût de viande saignante, entre ses lèvres trempées. Ça, je ne le dis à personne. J'attends de ne plus en rougir. Bien des romantiques s'offusqueraient, que j'ose l'adorer, elle, jusque dans ses flueurs – nos ébats aux allures vampiriques.
Tu seras ma Laura, et moi ta Carmilla.
Quand mon bas-ventre se vide, chaque mois, mes entrailles bouillonnent de la même exaltation. Je me vide, emplis-moi ! Difficile de l'expliquer. Difficile et malaisé. J'ai toujours honte de réclamer ; d'exprimer l'irrépressible envie de sentir sa main glisser dans mes abysses écarlates...
Pourquoi je suis comme ça ?
Parce que je suis une femme, profondément amoureuse de la féminité.
Est-ce que je suis un monstre ?
De ceux qui lèchent des œufs brouillés, rouillés, rougeauds – et n'enfanteront jamais.
(Un jour, je vous donnerai une très bonne recette de pop-corns...)
Réponse au défi :
https://www.atelierdesauteurs.com/defis/defi/1400869389/periode-rouge
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