Chapitre 2

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Le surlendemain ...

Un bureau austère et sombre. Une lampe suffocante éclaire quelques meubles de style décrépit. Le calme s'est rendu maître des lieux en filant dix sacs aux mouches afin qu'elles aillent au cinéclub du coin se mater le dernier Almodovar.

La sonnerie d'un vidéophone emplit soudain la pièce de sa mélodie douce, apaisante et fraîche comme ta main sur ma peau - petit message personnel. La sieste Présidentielle en est conséquemment écourtée.

- J'ouie ....

- Pardon ?!

- C'est pour quoi ?

- Président ? C'est François-Xavier !

- Pas de nom au vidéophone, je t'ai déjà dit !

- Ah, oui, merde ! Ici l'agent FX, alors ...

- Où en es-tu dans ton enquête, agent FX ?

- Je crois que l'affaire est bouclée, mon Président. ..

- Ah ! T'es le meilleur, agent FX ! Quelles sont tes conclusions ?

- C'est pour le carnaval qu'ils sont là !

- Quoi ? Qu'est-ce que tu me racontes ?!

- Ben, ouais ! Y'a le carnaval en ce moment sur la côte ! Soit dit en passant, on s'éclate d'enfer à ce carnaval ! Maquillages, déguisements et tout le fatras ! J'ai même acheté des feux d'artifice ! Y'a une chouille ici, je vous raconte pas ! Ca va péter !

- Ouais, bon, abrège ...

- Et bien, ici, y'a plein d'étrangers qui sont là pour le carnaval. ... donc vos neuf cents Trucs, y sont là aussi pour le carnaval. .. faut pas chercher plus loin !

- Ben, je te conseille de fouiner un peu plus si tu veux pas que ça soit ta dernière enquête !

- Hein ? .... bon, c'est comme vous voulez, je vais creuser un peu, mais moi, je vois pas autre chose .... soit dit en pass ...

L'image expira dans un extraordinaire tourbillon infernal, happée par le centre de l'écran. Le Président en avait plus que soupé de cette bande d'iguanes. Dès le lendemain, il se rendrait lui-même sur les lieux de cette mascarade afin de donner un bon coup de goupillon.

La veille ...

Les diplomates grossiers surgirent par colonnes de douze. Au total : cinq colonnes. Un attache et case vide en cuir dans la main droite et un vidéophone portable dans l'autre (la gauche par conséquent ). Les émissaires Trucs attendaient impatiemment les envoyés du Président. Le sable rabattu par le vent les obligeait à plisser les yeux.

Diplomate1 : - Regarde-les ! J'te l'avais dit qu'ils ont les yeux débridés !

Diplomate 2 : - T'avais raison, on peut pas avoir confiance en ces gens-là ! Regarde le p'tit trapus, là ! Ça doit être le Hospodar !

Diplomate1 : - Va falloir être méfiants et choisir nos insultes avec discernement ! Ils seraient capables de mal les prendre !

Diplomate 2 : - Au fait...on a pensé à amener un traducteur ? Parce que c'est pas tout de bien choisir nos insultes, faut encore qu'elles soient bien traduites !

Diplomate1 : - C'est pas con c'que tu dis !

Le diplomate 2 passa le mot à son voisin qui lui-même le passa à son voisin et ainsi de suite jusqu'au diplomate 60 qui appela Gauthier. Paré à répondre à tout imprévu, celui-ci rodait sur la plage à la manière des obsédés qui, munis de lunettes de soleil, reluquent les seins nus des filles en monokini.

Le diplomate 60 se bidonnait comme une cruche.

- Qu'est-ce qui t'arrive, diplomate 60 ?, interrogea Gauthier.

Le diplomate 60 lui glissa à l'oreille le contenu du message et celui-ci se mit à pouffer comme un ballon qui se dégonfle. Le diplomate 1 qui en avait ras le bol d'attendre que la réponse lui revint, accourut vers les deux hommes.

- Et ben alors ! Qu'est-ce que c'est que ce bordel, Gauthier ! Ça vient oui ou non ?

- Ah, ah, ah, vous devinerez jamais ce que m'a dit votre collègue ...

- Ben, si c'est moi qui ai envoyé le message.

- Ah, ben alors, permettez-moi de vous faire la bise car elle est bien bonne, ah, ah ,ah !, se gaussa

Gauthier en s'agrippant au cou du diplomate 1.

- Non, mais ça va pas mon vieux, vous déraillez ! s'offusqua le diplomate. Il faut prendre du repos si vous êtes en manque d'héroïne !

Le rire de Gauthier se coupa net, laissant dans l'air une impression suspecte comme lorsqu'on arrête le son saturé d'un vidéophone après avoir cru entendre le gémissement d'une petite fille bâillonnée, séquestrée dans un placard à balai.

- Qui te l'a dit ?, chuchota un Gauthier inquiet à l'oreille du défiant gredin.

- Personne. J'ai tenté le coup, histoire de vous calmer. Et ça a marché. On reprend notre

conversation ?

- Avec joie ! Où en étions-nous ?

- A « elle est bien bonne, ah, ah, ah ! ».

- Ah, oui, c'est vrai. Mais quand même elle est terrible : pour régler le problème des Trucs, on a besoin d'un des- Truc- teur, ah, ah, ah !

- Mais c'est n'importe quoi !, beugla le négociateur reprenant son rôle avec talent. J'ai demandé un traducteur pour traduire nos insultes !

- Ah ?, émit le larbin, décontenancé.

- Vous n'y avez pas pensé ?

- Ben non ...

Les diplomates quittèrent la plage par colonnes de douze. Les Trucs aux yeux plissés observèrent la scène, médusés. Les transactions ne pouvaient se dérouler sans traducteur et l'on prit bien soin de ne pas leur expliquer. La dernière colonne de diplomate était chancelante, les éléments 58, 59 et 60 se marraient encore comme des ânes. On remit les négociations au surlendemain, date de l'arrivée officielle du traducteur.

Au loin, derrière les rochers, un chapeau en carton violet à pois verts avec un élastique attaché autour du cou dépassait secrètement. L'agent FX était sur la brèche.

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