Chapitre 3

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Le mardi 14

- Admire, Gauthier ! Admire ! Ce soleil miroitant sur la mer bleu azur ! Ce sable blond et chaud qui glisse entre les doigts de quelques jeunes filles en bikini !

Gauthier jeta un œil distrait et morne à travers la vitre teintée de la guinguette. A l'extérieur, le vent s'activait toujours autant aux alentours du cargo. Le sable doré virevoltait, exécutant une danse étourdissante.

- Oui... , souffla-t-il. Ah ! S'il n'y avait pas ce cargo de Trucs...

- Que tu es affligeant ! Tu vois toujours le côté obscur des événements !, pesta le Président.

- De la force, plutôt !

- Hein ?

- non, rien ...

Gauthier plongea le nez dans son bol de pilules. Le Président en suçotait une rose à la fraise. Il n'était pas ce qu'on pourrait appeler un gourmet. Plutôt une grosse-bouffe, un morfal.

- Tu es sinistre, Gauthier, voilà ce que tu es ! Une espèce de cimetière ambulant, les ténèbres incarnées !

- Comme vous y allez, Monsieur le Président !, protesta l'outragé. Je vous trouve quelque peu excessif !

- C’est ma fonction qui veut ça, Gauthier ...

- C'est possible mais là, je m'offusque !

- Ah ! Tu t'offusques ! Elle est bien bonne celle-là ! Ah, ah, ah !

Entra alors le négociateur en chef, sapé comme un Milord.

- Monsieur le Président, il serait temps de s'occuper de ces pauvres gens !, les interrompit-il avec fermeté.

Le Président ne remuant pas un seul de ses sourcils velus, il revint à la charge :

- Monsieur le Président, ces gens ont faim, soif et besoin de se reposer dans des conditions décentes !

- Attends donc, gamin, je reluque la petite au coin du rocher là-bas. La petite en bikini. Combien tu lui donnes ? Dix-huit ? Dix-neuf à tout casser !

- Cette jeune fille est une Truc, Monsieur le Président. Et elle n'est pas en bikini. Ce sont ses vêtements qui sont dépenaillés.

- Une Truc dis-tu ? Ah ...

- Et je lui en donne dix-sept.

- Ah ...

Le Président croqua sa dernière pastille. Ça bruita sous la dent comme au cours de la dernière guerre, lorsqu'il cassait les doigts des Niaks pour leur faire cracher le morceau.

- C'est bien la peine de se fatiguer à leur donner un parfum à ces satanées pilules ! Elles n'ont aucun goût !

Sa paupière se souleva telle une écoutille en direction du médiateur.

- Allez ... dis-moi plutôt ce qui te pousse à vouloir accélérer la manœuvre ... pas le souci de ton prochain .... on me la fait pas à moi. ..

- Ok ... j'ai un rancard à six heures et j'aimerais bien décaniller vite fait !, avoua le négociateur en desserrant son col. Il transpirait abondamment et commençait à sentir le goret qui vient de se vautrer dans sa turne.

Le Président referma sa boite de pilules, la prit dans sa main à la façon d'un javelot et l'envoya valser dans la poubelle à trois mètres de là.

- Bingo !, lâcha-t-il avec sourire de gosse fier de lui.

Puis se tournant vers le négociateur :

- J'aime ta franchise, traducteur ! Tu es traducteur, n'est-ce pas ?

L'autre acquiesça d'une animation très élaborée de la tête que le Président interpréta affirmativement.

- Allez, Gauthier, au boulot ! Oh, Gauthier, qu'est ce que tu fabriques ?

Celui-ci ne bougeait plus, englué dans un songe.

- J'ai jamais vu un blaireau pareil ! Tu es imbibé de narcotique ma parole !, lui décocha le Président, accompagnant sa remarque d'une moue dégoûtée. Une fois réélu, je crois que je pourrai me passer de ta cervelle de hamster et de ta face de nasique ! Allez ! Au taf !

Les trois hommes quittèrent le fast-pilule puis s'engagèrent entre les cabines d'habillage habituellement bondées à cette époque de l'année. L'échouage du cargo était à coup sûr l'unique raison de la désertion du lieu. L'absence de nettoyage des plages nationales depuis le début du mandat du Président n'avait rien à voir là-dedans. La première réforme entreprise à son arrivée au pouvoir fut de supprimer toute action de nettoyage et de recyclage. Que faisait alors ce type qui, avec sa pince géante, collectait les divers déchets enlaidissant la plage ?

Le Président quitta la colonne chicanante constituée de Gauthier et du traducteur pour se diriger vers cet hors-la-loi. Il dut rapidement stopper sa marche afin de déchausser ses sandales à cause des grains de sables qui s'y étaient engouffrés. Ça lui piquait le gros orteil. Il s'accroupit pour desserrer les lanières mais s'immobilisa à la vue d'une éponge à venin gorgée de son liquide mortel. Celle-ci le fixait droit dans les yeux. Le outlaw des plages qui poursuivait son nettoyage s'approcha à un jet de pilules du plus illustre personnage de la République.

- Passe ton chemin, desperado !, lui intima le Président. Laisse-moi affronter seul cette éponge à venin !

- Hein ? Quelle éponge à venin ?, interrogea le brigand.

- Oh, l'Apache ! T'es macaque ou quoi ? Tu la bigles pas, là devant moi ?!, s'énerva le Président, levant la tête vers l'écervelé.

La buse et le Président se toisèrent un instant, le temps de s'apercevoir de leur identité mutuelle. Le crétin n'était autre que l'agent FX et le Président n'était autre que le Président.

- Wouahou, Qu'esse-vous foutez-là, Président ?

- Hé ! Surveille ton langage, bourrique ! Et qu'est-ce que tu trafiques dans le coin, agent FX ? Je croyais t'avoir commandé une mission !

- Bien sûr, Président, mais là il se passe pas grand-chose alors je tue le temps à décrasser cette plage qui en a bien besoin ! L'écologie, c'est mon dada !

- Qu'est-ce que tu me racontes là ? Allez ! Déguerpis ! J'ai un duel à terminer !

- Oh, attendez, je vous en débarrasse moi de cette éponge ! Ah, c'est pas rien de nettoyer cette plage ! C'que c'est crado !

Il saisit l'éponge avec sa pince et l'enfourna dans un sac en plastique jaune transparent qu'il trimbalait avec lui.

- Mais que fais-tu là, espèce d'aliéné ?! Cette saloperie va te gicler son venin à la tronche !

- Pensez-donc, c'est inoffensif.

- C'est ça ! Allez, ouste ! Des déments dans ton genre, on en fait plus ! Allez, je te dis ! Dégage !

Au moment où FX disparaissait, avalé par la dune, le vidéophone à gousset du Président vibra dans la poche de son pantalon, occasionnant là un effet digne de ceux que lui procure la grande Irène. Cette dernière est une plantureuse aux seins comme des obus et aux fesses comme des pastèques qui a l'amour du travail bien fait. Un olibrius à tête de cyborg apparu dans la lunette du vidéophone. Les mauvaises nouvelles s'accumulaient. Un groupe de gaveurs de patates tentaient de faire main mise sur la récolte de champs de pilules transpépiniques.

- Je te rappelle, agent ET, que pour ce genre d'infos, tu dois passer par une énigme impossible !

- Je sais bien, Boss, mais j'ai pas réussi à la résoudre votre énigme, alors comment vous voulez que je l'utilise !?

- On te demande pas de la résoudre puisqu'elle est impossible ! Tu as juste à me la poser quand tu m’appelles ! Et moi, je te réponds qu'elle impossible !

- Ah, ok, Boss ! J'comprends pourquoi vous êtes Boss ! Mais il faudra quand même que vous me filiez la solution de cette putasserie d'énigme si vous voulez que je l'utilise ...

Une nouvelle fois, la communication fut interrompue par le pousse exaspéré du Président.

Tout partait en testicules ! Ces Trucs qui crevaient la dalle et venaient polluer nos plages, ces engraisseurs désireux de voir disparaitre la récolte des champs transpépiniques. Il devenait urgent de mettre en quarantaine cette histoire. Elections obligent !

Tout guilleret, le Président revint d'un pas décidé vers ses sous-fifres et annonça :

- J’ai trouvé une idée pour nourrir tous ces casse-couilles ! Enfin, je veux dire ... nos amis Trucs malheureusement échoués sur nos plages ...

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