01.Prologue
POV Alec
L'usage élémentaire du verbe.
Ce don qui nous distingue de l'animal, qui nous est paradoxalement perceptible comme le concept le plus naturel qui soit... Les mots, ceux-là même par lesquels se formulent nos pensées les plus complexes et s'y articulent pour se matérialiser, se concrétiser, se véhiculer...
Je les haïssais autant que j'en eu apprécié la saveur sur ma propre langue.
Je les enviais dans chaque tonalité de voix que je percevais, de l'octave la plus basse à la plus haute, j'exécrais leurs flots, quel qu'en fût le débit. Et le son même de ma propre voix... Ce n'était devenu qu'un simple concept qui ne résonnait plus que dans ma tête.
Lorsque j'étais enfant, j'aimais essayer de lire sur les lèvres d'autrui et tâcher de comprendre sans me servir de mon ouïe. Des conversations de couples dans les restaurants, les publicités en coupant le son de la télévision... C'était un besoin irrépressible, un défi que je relevais plusieurs fois par jours, comme un toc.
Aujourd'hui encore, je suis toujours en mesure de comprendre les gens sans avoir besoin de les entendre. Alors, je n'avais jamais tenté de quantifier à quel point ce jeu me serait devenu inutile en grandissant.
Je n'avais rien perdu de mes facultés auditives, non, bien sûr...mais l'usage de la parole, lui, m'avait fui comme la peste.
POV Joyce
Le maniement de la langue.
Cet agencement et ce défilé en continu des phrases qui se juxtaposaient avec une aisance toute particulière, chez certains, m'écrasaitent. L'éloquence des autres, qu'il eu s'agit de mes professeurs, de mes camarades de classe, de ma famille... cette faculté n'en rendait que plus insignifiante mes rares prises de paroles, relayant mes mots à d'affligeants gazouillements indistincts.
Peu importait à quel point je m'efforçais de cartographier le chemin de mes idées. Peu importait le nombre de fois que je pouvais réciter avec précision les termes adéquats dans mon esprit. Ma bouche s'affranchissait systématiquement de ma rigidité et de mon assurance mentale pour effectuer ses propres trébuchets, me livrant un combat que je ne parvenais jamais à remporter.
Mon corps... ce geôlier de la formulation de mes phrases qui étaient pourtant pourvues d'une si grande clarté, en mon for intérieur. Ma pire ennemie, si je devais la définir ainsi...
...C'était ma propre bouche.
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Bonjour à tous !!!
Petit prologue afin de plonger dans l'ambiance du personnage rancunier que semble être (ou avoir été) Alec, et celui, en manque cruel d'assurance, de Joyce - je me fais un plaisir de les découvrir avec vous, mais je vous avoue prendre tout mon temps ! -.
Le chapitre suivant commencera par le POV d'Alec afin d'en savoir plus sur lui et/ou les causes de son mutisme...à très vite !!
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