31. Café corsé et pub

11 minutes de lecture

Angélina

Centre-ville de Houston, Texas

11 Novembre 2023

L'agent Marc Weaton était tel que je me l'imaginait. Joyeux, bon vivant, aimable, bel homme. Et les yeux un tantinet baladeurs. Les  miens ignoraient délibérément mon supérieur et je me contentai de sourire à notre interlocuteur.

— On ne m'avait pas prévenu que d'aussi belles recrues travaillait dans ton secteur, commenta-t-il avec un gars insistant pour Brett et un sourire appréciateur pour moi. J'aurai dû choisir le journalisme dès le départ !

— Tu devrais plutôt de te trouver une femme, Marc, le repris mon chef de projet, l'accent légèrement réprobateur.

Ça vous ennui qu'un de vos amis s'intéresse à moi ?

— Je suis certaine que votre domaine d'activité est bien plus palpitant, renchéris-je avec un sourire immensément charmeur. Vous assistez à des scènes de crimes ?

Laissant mes yeux s'arrondirent d'un soupçon de curiosité et ce qu'il fallait d'effroi pour accompagner l'envolée dans les aiguës de ma voix, je dévisageai Weaton avec l'impression de boire ses paroles.

— Dans une grande ville comme la nôtre, ça m'arrive, admit Marc avec un amusement et un intérêt notable.

— Oh, soufflai-je. Vous devez souvent vous retrouver dans des situations effrayantes ! Je ne pourrais pas me rendre sur des sites aussi impactants psychologiquement ! En tout cas... pas sans un homme aussi impressionnant que vous ! Vous avez beaucoup de courage Marc !

Ses pommettes se colorèrent légèrement sous le compliment et il se fendit d'un rire complice.

— C'est surtout ma passion que mon courage qui me pousse à enquêter.

Brett se racla la gorge avant d'intervenir, non sans un regard en coin dans ma direction.

— D'ailleurs à ce sujet, ça avance, tes enquêtes en cours ? Vous n'avez toujours pas retrouvé le tueur de l'hôtel ?

— Si c'était le cas, vous seriez les premiers au courant.

— L'enquêteur qui te seconde, il a tout de même une piste. Et toi qu'est-ce que ton instinct te dicte ?

Le ton désintéressé de Brett ne suffit pas à berner son ancien camarade qui secoua la tête.

— Je ne suis pas tombé d'hier, je comprends très bien ce que tu essaies de faire, Bretty, je te vois venir, objecta-t-il. Tu sais très bien que je ne peux rien te révéler sans l'aval de mon supérieur, encore moins sur une affaire non bouclée.

— Un ami proche est menacé, confia Brett à mon plus grand étonnement.

Il joue franc jeu, ils doivent vraiment bien se connaître.

— Ton ami proche c'est Alec, c'est ça ? Renifla Weaton avec un mépris très perceptible. Al s'est toujours débrouillé seul, tu n'as pas à te faire de mouron pour lui. D'autant qu'il n'est pas considéré comme suspect dans cette affaire.

Et il n'appréciait pas l'ami de son ami. Comme tout le monde, j'ai envie de dire. Je décidai d'intervenir en posant la mains sur l'avant-bras de l'agent, établissant un contact en me penchant légèrement dans sa direction.

— Marc, je peux vous appeler Marc, n'est-ce pas ? Vous feriez bien une exception ?

Ses yeux s'ancrèrent dans les miens, une lueur s'y alluma et son expression se dérida.

— Désolé mam'zelle. J'ai des consignes strictes, même si j'aimerai pouvoir faire une entorse pour vos beaux yeux.

— Dis-nous au moins si vous avez retrouvé un indice notable, tenta une nouvelle fois Brett.

Weaton se tourna vers lui avant de soupirer.

— Rien. Pas un cheveu ni le moindre soupçon  d'ADN. Nada, pas une trace. C'est tout ce que je peux te dire.

Les deux amis échangèrent un regard un peu trop long avant de dériver sur des banalités. Comme s'il n'était pas venu causer boulot. Comme si notre supra boss n'avait pas découvert un cadavre alors qu'il venait chercher des réponses. Je m'impatientai intérieurement et mon regard passa furtivement de Marc à Brett. Ce fut de cette façon que je m'aperçus que ceux de mon supérieur étaient braqués sur moi. Ses iris perçants retrouvèrent instantanément les miens, comme s'il guettait le moindre signe de ma part. Cette façon qu'il a de me dévisager. Comme si son ami n'était pas en train de lui faire la conversation. Comme si j'étais l'unique cliente présente dans ce café. Une fois de plus, mon rythme cardiaque se lança dans une envolée lyrique automatique. Comme à chaque fois qu'il me regarde ainsi. Une phrase de Weaton, prononcé à mon attention le fit détourner vivement les yeux.

— j'aimerai proposer à ta sublime partenaire un déjeuner. Enfin si je ne marche pas sur tes plates bandes, mec, mais ce n'est pas ton genre, n'est-ce pas ?

Pas son genre ? Je ne suis pas son genre de femme ?

Le cœur battant à tout rompre, je m'enjoins à inspirer avec lenteur, bien plus dans l'attente de connaître la réaction de Brett que nécessaire. Si ses mâchoires tressautèrent, la décontraction de sa réponse me fit l'effet d'un coup de massue.

— Tu ne marche sur rien du tout, souligna-t-il assez sèchement. Mademoiselle Fritzberg n'a pas besoin de mon aval pour quoi que ce soit en dehors de sa vie professionnelle.

Aoutch. Confirmation. Il s'en fout. Complètement. L'indifférence avec laquelle il avait prononcé ces derniers mots me serrèrent le cœur. Je détournai le visage vers Marc à l'instant où il m'appostropha directement.

— Mademoiselle Fritzberg ? Je peux vous appeler Angelina ?

Hochant mécaniquement la tête, je sentis, une fois de plus, le regard inquisiteur de mon chef sans même avoir besoin de le vérifier.

— Vous seriez libre un de ces soirs ?

Un tintement de cuillère un peu trop appuyé dans la tasse à café de mon supérieur m'incita à le regarder, lui et son expression insondable. Il s'en fout, il l'a dit. Alors pourquoi me fixait-il de cette façon ? En lui retournant son regard, je répondis avec un sourire en coin.

— Bien sûr, Marc.


***


Le retour en direction des locaux surprotégés du 3 eme étage de l'A.J. se déroula sur le même ton que le départ vers la voiture, à savoir silencieux. Et chargé d'une tension à couper au couteau. J'observai en catimini le bel homme qui jouait le rôle de chauffeur et dont les jointures de ses mains faisait état d'un serrage de volant bien excessif. Il est excédé ou réellement en colère ? Je tentai de m'approcher du sujet sans l'évoquer.

— On a rien appris auprès de votre ami l'agent.

Enfin moi si. J'avais appris une chose. Je n'intéresse pas celui qui me plaît, encore une fois. Et j'en étais d'autant plus confuse à cause de Brett et son regard fuyant et distant, chargé de quelque chose semblable à de la rancœur. Pourquoi ?

— Détrompez-vous, Marc m'a confirmé une chose.

Qu'il est plus réceptif à mes sourires que vous ? Parfaitement. Comme s'il avait entendu ma répartie silencieuse, mon SBB dévia son attention de la route un court instant et m'octroya pour la première fois depuis l'après midi un coup d'œil volontaire.

— Laquelle ?

— Aucun indice évident et une scène de crime beaucoup trop propre en disent long. Cet homicide n'a pas été orchestré et commis par une amateur.

— Vous voulez dire un pro comme... un mercenaire ? déduisis-je en me contractant largement sur le siège passager.

— Et assez bien renseigné pour avoir su que Marvin Dudson comptait révéler quelque chose à Al. Assez rapide pour l'avoir devancé, exécuté le bavard et ce dans un temps record.

— Rien ne nous confirme que les incriminés n'ont pas agit par anticipation suite à l'interview de Marvin, objectai-je. Le laps de temps aurait été de cinq jours et...

— Meme si le ou les tueurs ont deviné la propension de Marvin à lâcher des infos compromettantes avant son sms à Alec, m'interrompit-il, Vous croyez réellement qu'un meurtre sans laisser de trace se planifie et se concrétise en 120 heures sans un minimum de préparation ou d'expérience ? Vous regardez trop de séries policières, Angelina.

Bien qu'un peu piquée par sa remarque, je du reconnaître qu'il était dans le vrai et mon élan de vexation fondît en prenant conscience des répercutions. Combien de personnes, d'organismes et de moyens étaient employés à des fins criminelles par les dirigeants de la multinationale ?

Si j'en croyais les interminables investigations d'Alec, passées comme actuelles, leurs limites semblaient inexistantes. Média, police, gouvernement. Ils étaient en mesure de faire taire les gêneurs sans retombées, le cadre légal ne s'appliquait pas aux Hart. Jusqu'où s'étend réellement la merde dans laquelle nous sommes en train de tremper les pieds...? Mon boss super sexy et indifférent me tira de mes réflexions.

— J'ai besoin que vous établissiez la liste de tous les secteurs en relations directes avec Evy-health. Et dans le lot, je veux le nom des établissements suspects.

Un deuxième cabinet Dudson, en gros. Ouahou, j'en ai pour un moment ! Je me tournai vers le siège conducteur, partagée entre l'envie de rire et le désarroi.

— C'est plus une botte de foin abritant une aiguille que vous me demandez de trouver, c'est carrément une goutte d'eau douce dans l'océan... J'ai combien de temps ?

Brett me jeta un regard furtif avant de répondre d'un ton à peine neutre, voire presque trop sec.

— Quatre heures.

... « c'était une blague Angie, je vous fais marcher ».

... Non ? Oh bordel. Je soufflai fortement. Je peux le faire.

— Alors autant éviter les bouchons, Brett, vous devriez prendre la prochaine intersection !


Brett

A.J. Investigation, East Downtown, Houston, Texas

11 Novembre 2023

« JE L'AI ! »

J'avais immédiatement délaissé mes recherches sur le planning des Hart pour rejoindre le bureau voisin occupé par Angie. Moins de trois heures trente que je l'avais laissé seule et elle avait su répondre à ma demande. Je l'en savait capable. Parmis tous les organismes qui travaillaient de près ou de loin en collaboration avec Evy-health, un en particulier avait retenu son attention dans la liste des agences de pub et de promo. Alterwhite, une société de communication qui a fait appel à des agents divers et variés sur le courant du mois dernier pour des motifs aux intitulés plus que brumeux. Et malgré un potentiel d'activité énorme, aucun des fonctionnaires ne s'était donné la peine de répondre au téléphone en dépit de mes multiples tentatives. Étrange pour l'image d'une agence de com. De quoi éveiller la curiosité. Le siège social se trouvait à dans le centre d'Austin, à près de deux heures de route. Et puisque les horaires mentionnaient une disponibilité tardive... Ce fut donc assez naturellement que je décidai d'aller y faire un petit saut. Je rejoins le bureau adjacent pour y trouver l'objet de mes pensées. Elle leva les yeux vers moi et ses lèvres s'entrouvrirent.

—  Vous avez réussi à les joindre ?

— Pas plus que vous, répondis-je. Je vous propose d'aller leur faire une visite de courtoisie. Vous êtes prête à partir disons, maintenant ?

La belle blonde se redressa d'un bond avec une mine plus réjouie qu'en fin de matinée en acquiesçant énergiquement.

— Juste le temps pour vous de dire À.J. Investigation, chef !

Elle sautilla jusqu'au casier pour se munir d'un sac à bandoulière tandis que je m'efforçais de faire abstraction du noeud qui contractait mes tripes. Elle est si belle. Évidemment que l'autre enquiquineur n'y a pas été insensible. Je connaissais son culot légendaire, mais je ne m'attendais pas à ce qu'il me coince sur le plan professionnel pour ensuite lui proposer un rendez-vous devant moi. Et j'étais malade qu'elle ait accepté. Est-ce que j'aurais eu ma chance, si elle ne travaillait pas pour moi ? Est-ce qu'elle aurait accepté avec le même sourire radieux un déjeuner avec moi, si je le lui avait proposé ? Je m'en voulais, je m'en mordait les doigts. Et pour une fois dans ma vie, je détestai ma position et mes responsabilités.

— Alors on y va.

Angie tressaillit à mon ton légèrement plus succinct, et je me retournai pour rejoindre l'ascenseur, les pas de mon assistante suivants les miens de près.

« Mademoiselle Fritzberg n'a pas besoin de mon aval pour quoi que ce soit en dehors de sa vie professionnelle. »

Je me déteste, putain. Exaspéré par le sous-entendu de Marc, j'avais prononcé son nom en y insufflant le plus de distanciation et de décontraction possible, et je l'avais perçu. Cette lueur de choc et de vive offense traverser ses yeux. Ça n'avait duré qu'une seconde, mais j'avais eu l'impression qu'elle avait duré des siècle. Je l'ai mise en colère, puis blessé, le tout en moins d'une heure. Bien joué pauvre con. Si c'est de cette façon que tu comptes te rattraper... J'avais regretté mon affirmation à l'instant où son nom avait roulé sur mes lèvres. Elle l'avais pris pour du désintérêt, voire un rejet évident. Même si c'était finalement le mieux bien que le plus blessant pour son ego, j'aurai voulu y mettre les formes. J'aurai voulu qu'on ai une discussion plus privée pour aborder le sujet. Mais je ne me faisait pas confiance. Pas avec une femme aussi classieuse et attirante en face de moi.

— Vous conduisez encore, je présume ?

Sur le parking sous-terrain, je tournai mon attention vers les deux prunelles bleu océan qui me scrutait, sur ma gauche. Deux beaux yeux que l'autre empaffé aura l'occasion de contempler à sa guise pendant un tête-à-tête.

— Comme si la question se posait, rétorquai-je en forçant un sourire.


***


Alterwhite, centre ville d'Austin, Texas

Il était tout juste 20 heures lorsque nous arrivâmes devant l'agence de publicité. Les locaux affichaient « ouverts » et les fenêtres panoramiques donnaient vu sur des bureaux, mais aucun d'eux n'étaient occupés.

— Brett, la porte arrière, souffla Angie en m'adressant un signe d'une main, son appareil photo de l'autre.

Je la rejoignis pour constater qu'en effet, la sortie arrière des locaux n'était pas verrouillé. Quelque chose ne va pas.

— Restez derrière moi, la préviens-je en passant le premier, et préparez votre objectif pour un beau mitraillage.

J'effectuai le tour des locaux pour en être certain. 19H - 21H, pleine heure d'activité dédiée à la réception d'appel, et le site était désert. Je m'approchai d'un des ordinateurs. Des bloc, des stylos, même un sac posé sur un des sièges. Tout donnait la nette impression d'une pause dîner ou d'une fin de journée plus tôt que d'ordinaire, à un détail prêt.

— Ils ont oublié de renouveler le contrat du personnel de ménage, ou bien ? s'étonna Angie en prenant quelques clichés.

La poussière qui recouvraient les écrans et toutes les surfaces démontraient une cessation d'exercice bien supérieure à la semaine au moins. Je me retournai pour découvrir la mine écœurée de la photographe.

— Cette poubelle n'a pas dû être vidée depuis au moins un an !

Tout laissait supposer à un départ précipité. Je n'aime pas ça. Mon portable vibra, et un SMS d'Alec envoya une décharge d'adrénaline dans tout mon corps.

Meilleur-râleur

« Le retour ne s'est pas passé comme prévu, je vais devoir changer de caisse. Tu sais ce que tu as à faire ».

— Angelina. On lève le camp.

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Bonjour tout le monde !!!

Entre un café chargé de jalousie et de réponses inappropriées, et une agence de pub suspecte, la journée du 11 Novembre s'est déroulée de façon moins perieuse mais tout aussi rythmée du côté de Brett  (j'ai envie qu'il s'assoie sur ses bons principes d'employé modèle) et d'Angélina. Mais puisque vous commencez à connaître mon faible pour les journées à rallonge, celle-ci n'est pas encore terminée et Brett n'a pas fini de nous surprendre... à suivre !

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