Son esquisse
Oui, Innomée, je te vois ou plutôt te devine dans une pluie de sanglots. Les tiens, les miens, ceux du monde car l’espoir a été cloué au ciel de sa perte et la lumière baisse et les ombres s’allongent qui veulent dire l’inconcevable, ce qui, jamais, ne saurait recevoir de nom, s’affubler d’un prédicat, fût-il le plus abstrait possible. Car, tout comme moi, Innommée, tu sais l’impossibilité qu’il y a à dire les choses, à s’épeler soi-même, s’attribuer un nom qui amènerait dans la présence, dans l’orbe de clarté, dans la lunule étroite d’une vérité. Il y a tant d’audace à seulement vivre, tant d’orgueil à prétendre exister, à lever son esquisse un rien au-dessus du néant. D’où je suis, Innommée, pareil au spectre antique, semblable au plâtre du mime, je te vois dans les limites floues de ta parution. Vitre dépolie du temps, tu y imprimes ce hiéroglyphe que, jamais, je ne déchiffrerai. Champollion aux mains vides recueillant dans la coupe du non-savoir les pleurs insaisissables des hommes. Ceux qui sont en partance pour plus loin que leurs tremblantes silhouettes. Et ne le savent pas.
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