Le Noël suivant fut, si non le plus douloureux, l’un des plus amers pour Noëlle, et cela pour une raison évidente : elle savait à présent ce qu’était un anniversaire.

Aux anniversaires des autres enfants, on préparait une grande fête. L’été, on faisait même des barbecues et des après-midis trempettes dans des piscines gonflables. On offrait des cadeaux emballés dans du papier de toutes les couleurs : à pois, à fleurs, ponctué de dinosaures, bleus à dauphins, jaune rayé vert, etc. On faisait venir un clown, un musicien ou un poney. On gonflait des ballons ou bien on installait un grand château gonflable plein de boules en plastique. Il y avait un gâteau au parfum préféré de l’enfant qu’on fêtait. Elle, ce qu’elle préférait, c’était les crêpes. Dans l’un de ses livres d’images, un petit garçon en mangeait une pile, comme un énorme gâteau : c’était cela qu’elle voulait et réclamait sans cesse.

Pourtant, quand vint son anniversaire, le vingt-cinq décembre, il faisait alors bien trop froid pour les piscines et les barbecues. Il n’y avait que du rouge, du vert, du gris sur les papiers cadeaux. Pas de dauphins ni de dinosaures. Le seul nez rouge à la ronde était celui de papy, ivre-mort dans le rocking-chair à tout juste vingt-deux heures et, quoique ses costumes bariolés rivalisaient un peu avec ceux des bouffons, papy n’avait vraiment rien de drôle. En fait, il faisait peur, surtout quand il ronflait, mais plus encore quand le ronflement s’interrompait et qu’on l’aurait cru mort. Faute de clown, pour son anniversaire, Noëlle avait droit aux boules. Elle étaient colorées, en plastique, pas dans un château mais dans un arbre piquant, et on lui répétait « Bas les pattes, No ! On touche avec les yeux ! » Seul le vilain tronc plein d’épines avait le droit de se rouler dans les boules, pas elle. L’injustice était grande. Plus injuste encore, il n’y avait pas de crêpes mais un nougat glacé dont la texture pâteuse et collante lui évoquait un déjà-vu déplaisant. Elle ne savait pas bien pourquoi.

L’anniversaire qu’elle avait tant attendu était décidément décevant.