J.B. Moussomo
Aux alentours de midi, Ivalna et John rentrèrent et trouvèrent Mickael.
— Oh, Micka, que fais-tu à la maison si tôt ? Viens nous aider !
Mickael s’empressa de porter les courses.
— Mon prof de l’après-midi était absent, répondit-il. J’ai fini plus tôt.
— Tant mieux, déclara John. Tu vas pouvoir m’aider pour notre arbre généalogique. Hé, hé !
— Haha ! Si tu veux, Jojo, mais dis-moi, pourquoi as-tu soudain eu envie de retracer notre arbre ?
— Mmmh, honnêtement, l’idée m’est venue à cause de la maladie… ou plutôt grâce à elle.
— Comment ça ? interrogea Mickael.
— Eh bien, on ne sait strictement rien de cette maladie et de son origine. Tout comme nous avec nos racines. Peut-être que les deux ont un lien, mais en vérité, c’est surtout une prise de conscience. On ne peut pas savoir où l’on va si on ne sait pas d’où l’on vient. Pareil pour une maladie. Si on n’en connaît pas l’origine, il est difficile de lui trouver un remède.
Mickael fut emporté par une vague de réflexion. Ces paroles étaient simples et logiques, pourtant il ne s’était jamais vraiment penché sur la question.
Une fois les courses rangées, ils reçurent un appel sur le téléphone fixe. Mickael, intrigué, observa Ivalna décrocher.
— Bonjour à vous, la famille Chiramis ! Oh, je vois une nouvelle tête qui ressemble étrangement à John. Haha, tu dois être Mickael. Enchanté.
Toute la famille s’était approchée pour voir qui était au bout du fil. Les téléphones fixes alimentés à la Kemris avaient tous la vision holographique. Mickael, qui découvrait enfin le nouveau docteur de son frère, le salua poliment.
— Coucou, docteur, intervint Ivalna. Vous avez déjà du nouveau ?
— À vrai dire, je n’ai que les trouvailles que le Dr Snowhead gardait en secret avant sa mort. Une des raisons pour lesquelles cette maladie est si méconnue, c’est qu’elle n’a, selon les archives, touché que des personnes liées au peuple éteint. Pourtant, selon ton dossier, John, tu n’as pas de liens avec eux.
— Bah si, on est des descendants du peuple éteint, répondirent en chœur John et Micka.
— Bande d’idiots ! gronda Ivalna en leur assénant une tape sur la tête. Je vous avais dit de ne pas le dire !
— Aïe ! On est désolés… s’excusèrent-ils en chœur.
Le docteur Rogers eut un petit rire gêné, puis calma Ivalna d’un ton apaisant.
— Ne vous inquiétez pas, je comprends que vous ne vouliez pas que cela se sache. Je garderai le secret.
Le docteur Rogers omit volontairement de leur parler des mystérieuses disparitions qu’il avait découvertes. Il préférait éviter d’inquiéter davantage la famille.
— D’ailleurs, j’ai une question, Dr Rogers, se permit de dire John. J’ai moi-même fait des recherches et je n’ai trouvé aucune information sur ma maladie. Où avez-vous trouvé vos renseignements ?
— Bon, je ne devrais pas te le dire, mais certains médecins ont un accès plus approfondi aux archives médicales. Même si, depuis l’arrivée des superordinateurs alimentés à la Kemris, le grand public a accès à une immense base de données, il existe encore des informations bien cachées.
— Comment on fait pour y accéder ? demanda John, intrigué.
— Pourquoi ? interrogea le docteur. Tu veux toi aussi faire des recherches ? Tu ne pourras pas consulter ces archives sans autorisation.
— Ce n’est pas pour ça, docteur. C’est pour en savoir plus sur un de mes ancêtres, un certain J.B. Moussomo. Il était soi-disant très connu.
— J.B. Moussomo, tu dis ? s’exclama le Dr Rogers en haussant les sourcils. J.B. Moussomo est un de vos ancêtres directs !?
— Vous le connaissez, docteur !? demandèrent Mickael et John en chœur.
Le médecin prit une brève inspiration avant de répondre :
— Je ne suis pas encore sûr à cent pour cent des informations que j’ai trouvées, mais ce nom revenait sans cesse dans mes recherches. Je n’ai pas encore eu le temps de me concentrer spécifiquement sur lui, mais il apparaissait sur chaque forum lié à ta maladie, expliqua le Dr Rogers.
— Ah bon !? Et qu’est-ce qui était dit sur lui ? demanda John avec impatience.
— C’est assez flou… Tout ce que je sais, c’est qu’il était un scientifique très puissant. Je n’aime pas trop les rumeurs, mais il semblerait que ce soit lui qui aurait pactisé avec les démons et que le peuple éteint disait attendre son retour. Un retour qui, selon certaines croyances, marquerait la fin du monde ou un renou-
— Ça suffit ! s’exclama Ivalna d’une voix ferme.
Tout le monde sursauta. John baissa légèrement la tête, mais son regard resta déterminé.
— John, malgré tout ce que je peux te dire, je sais que tu continueras à faire tes recherches. Alors, je préfère encore que ce soit le docteur Rogers qui t’explique comment t’y prendre en toute sécurité, plutôt qu’un inconnu. Cependant, je ne veux plus entendre parler de J.B. Moussomo, compris !?
Le docteur Rogers hocha lentement la tête.
— Je suis d’accord avec vous, madame Chiramis. Si John persiste dans ses recherches, il vaut mieux qu’il sache comment protéger ses données et éviter d’attirer l’attention sur lui.
Après quelques recommandations sur les précautions à prendre, le médecin mit fin à l’appel.
Ivalna se tourna vers son fils avec un regard sévère.
— Tu es vraiment borné, réprimanda-t-elle.
John fronça les sourcils, campant sur sa position.
— Oui, mais je ne comprends pas pourquoi tu refuses d’en savoir plus. Quel mal y a-t-il à chercher la vérité ?
Ivalna soupira longuement, comme si elle portait un poids invisible sur ses épaules.
— Tu en sais déjà trop sur ta famille, John. Ce peuple était mauvais et malsain. Même si les deux autres continents ont eu la noblesse de laisser tranquilles ceux qui vivaient sur leurs terres, crois-tu vraiment que nous, les descendants de ces démons, n’avons pas souffert ?
La conversation prit une tournure plus grave, l’atmosphère s’alourdit.
— Nos ancêtres, et moi-même d’ailleurs, avons subi moqueries, violences, haine et d’autres atrocités… sans même savoir pourquoi, poursuivit-elle. Et ce foutu J.B. Moussomo… on nous a répété cent fois qu’il allait venir nous sauver. Mais il n’existe pas.
John et Mickael sentaient une colère sourde monter en eux. Pas contre leur mère, mais contre l’injustice subie par leur peuple à travers les âges.
— Attends une minute… fit soudainement Mickael, pensif. C’est de papa que John tient l’info sur ce fameux J.B. Toi aussi, tu avais déjà entendu parler de lui ?
Ivalna soupira, comme si elle redoutait cette question.
— Oui… Ma famille aussi m’a parlé de lui. On nous répétait qu’un certain ancêtre, J.B. Moussomo, finirait par revenir pour nous sauver.
John serra les poings.
— Et pourquoi tu ne voulais pas nous en parler ?
— Parce que je savais que ça ne ferait que t’encourager à chercher encore plus.
Elle marqua une pause avant de reprendre, le regard sombre.
— Mais maintenant que tu sais comment accéder aux archives, ça ne sert plus à rien de te le cacher.
John et Mickael échangèrent un regard troublé.
Un scientifique connu… un ancêtre attendu… Qui est ce fameux J.B. Moussomo !?
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