Chapitre -22 ChampiPOP

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Klarion hésitait. L'idée proposée par le p'tit semblait excellente. Cependant, il restait méfiant. Bien que le marchand se doutait que quelqu'un d'aussi jeune que Shein puisse tremper dans une affaire d'esclavage, ou pire, il n'en restait pas moins imprudent de laisser Élise partir avec un inconnu. Le problème était qu'il savait tout à fait que ce serait le meilleur pour sa protégée de s'éloigner de Westia. Il avait beau se creuser la tête, il ne trouvait aucune solution. Énervé de son impuissance, il se tourna vers la vieille Bertha qui le regardait, attendant qu'il prenne une décision.

-Je ne sais vraiment pas, je n'ai pas envie qu'il lui arrive quelque chose.

La dame âgée fit un sourire bienveillant.

-Personnellement, je pense qu'il est temps pour nous de la laisser choisir si elle veut prendre son envol ou non.

La créature sombre baissa les yeux, et répondit à contre-cœur.

-Oui, tu as raison, c'est à elle de décider.

Shein dormait contre le magasin de Klarion quand il sentit une tape sur son épaule. Il entrouvrit les yeux pour apercevoir une créature qui ressemblait à tout point au tenancier, si ce n'était sa couleur. Il devait s'appeler Kreintch, si le garçon se souvenait bien.

-Gamin, on aimerait te dire deux mots.

Le garçon s'étira se leva, et suivit la créature, pénétrant dans le magasin. Là se trouvaient une bande de malfrats tel qu'il n'en avait jamais vu. Un adolescent qui devait avoir une quinzaine d'années s'approcha de lui, et se baissa, toisant Shein.

-Alors, c'est toi ?

-Moi de quoi, vous voulez dire quoi ?

-Te fout pas de moi, le mioche. C'est toi, qui a proposé l'asile à Élise ?

-Euh...Ben...Oui...Pourquoi... ? Il y a un problème ?

-Ouais ! J'te fais pas confiance, qu'est qui nous dit qu'elle va être bien traitée ? Hein ?

-Euh, eh bien....

Le jeune homme esquissa un sourire narquois.

-Vous entendez, les gars ? Il ne sait même pas se défendre des accusations que je lui ai lancées. Et après, on doit lui faire confiance, hein ?

Tous les malfrats rigolèrent à ces mots, hilares. Shein se décida enfin à agir.

-J'ai une dette envers votre amie qui m'a sauvé la vie, et ce, par deux fois. C'est pourquoi j'ai fait cette proposition, si elle n'accepte pas, je trouverais un autre moyen pour payer ma dette.

L'adolescent le regarda, un air ahuri sur le visage. Il reprit rapidement ses esprits, puis s'avança encore un peu plus de Shein, l'air menaçant.

-Toi, gamin, t'a pas froid aux yeux, tu penses sérieusement que l'on va gober ça, nous qui vivons tous les jours aussi mal ?

Un silence pesant apparu, que personne n'osait briser. Puis le malfrat s'approcha encore plus du garçon, l'air terriblement menaçant, en face de lui, Shein gardait ses positions et fixait droit dans les yeux son adversaire.

-Eh, bien, j'adore ça ! C'est bon, gamin ! Tu as passé le test ! Moi, je te fais confiance, soit tu est un très bon acteur, soit tu est sincère. Les autres auront peut-être un avis different, mais dire ça sous la pression, c'est bien !

Tous les mal famés se jetèrent des regards en biais, puis d'un coup, la pression dans l'air disparu totalement. Le garçon avait gagné la confiance du p'tit Serit, ce qui n'était pas un mince exploit. Tous huèrent le gamin, comme s'il faisait à présent partie des leurs.

-Hein, vous ne viendrez pas avec moi ?

Élise avait presque hurlé quand Klarion lui avait annoncé que, eux, les malfrats, resteraient à Westia.

-Dans ce cas, ça vaut pas la peine que je parte, si vous venez pas, vous méritez plus de partir, vous vivez ici depuis plus longtemps.

Les malfrats se regardèrent mal à l'aise. Ils ne savaient pas trop quoi ajouter, mais, la vieille Bertha s'occupa de prendre la parole.

-Élise, ma petite, nous ne souhaitons que ton bonheur. Dans tous les cas, ton nouvel ami à lui-même dit qu'il faudrait vous serrer un peu, alors imagine avec nous ! Cela vaut mieux pour toi que tu t'éloignes de cette ville, au pire, tu pourras toujours revenir plus tard.

-Non !! Moi, j'ai besoin de vous, qu'est-ce que je vais devenir, toute seule.

-Enfin, tu ne seras pas seule. Tu as déjà commencé à t'entendre avec ce jeune garçon, hier. Il sera ton ami, non ?

La voleuse se mordit la lèvre inférieure et baissa le regard, sentant que les larmes lui venaient aux yeux. La femme avait raison, mais elle ne voulait pas les abandonner. Klarion dut sentir car il intervint.

-Dans tous les cas, tu reviendras nous saluer de temps en temps. Non ?

Ces mots du marchand finirent de la convaincre. Et ainsi, se décida le départ d'Élise de Westia, la ville de l'ouest.

-Klarion, Gamin, on commence à s'impatienter, nous, il ne faut pas trop retarder le départ, déjà que c'est difficile pour Élise !

Lorsque Serit était entré dans le magasin pour aller les chercher, le marchand et Shein étaient toujours en train de se disputer les prix. La créature sombre tentait de convaincre ce dernier de ne pas payer, alors qu'il voulait payer l'entièreté du produit. Et les deux possédaient des arguments de poids, ce qui expliquait pourquoi la situation s'éternisait.

-Bon ! Aller ! Au pire, qu'il paye la moitié du prix ! Comme ça, vous êtes tous les deux contents.

Les deux tombèrent finalement d'accord sur cette proposition.

-N'empêche, tu es venu à Westia spécialement pour obtenir une proto-poule dans un œuf ? C'est étrange !

-Non, c'est trop utile, le capitaine à dit que c'était trop bien, et que parfois ça pond des œufs qui peuvent être mangés !

-Oui...peut être. Mais c'est récent comme produit, apparemment encore en phase expérimentale...

-Je pense pas que ce soit dangereux, Barry m'a dit qu'il avait participé à leur création, et Barry, il ment jamais et il est trop gentil, dommage qu'il ne vienne que rarement nous voir...

-Barry ? LE Barry ? Celui qui a créé le démocratruc, un système politique de Pas-Pontcharra ?

-Euh...possible... Je ne sais pas... Vous le connaissez ?

-Possible, tout le monde doute de son existence ici, je ne pense pas que ce soit la même personne...

-J'sais pas ! En tout cas, merci pour la proto-poule ! On y va ?

Le marchand soupira, puis :

-Oui, aller, elle t'attend sûrement !

Et voilà comment Shein et Élise quittèrent la ville de Westia. Bien qu'elle essayât de ne pas le montrer, la tristesse et le regret remplissaient entièrement l'esprit de la voleuse. Normal de se sentir ainsi lorsque l'on abandonne des proches, et en même temps, l'endroit où vivaient nos parents...

La ville de l'Ouest se trouvait dans les terres basses, bien que ces dernières soient calmes en apparence, elles restaient dangereuses. En effet, le seul prédateur présent était plus fort que n'importe quel groupe de patrouille présent à Westia, ici vivaient les tigres des terres basses. Malgré leur couleur rosâtre, lorsque leurs proies les voient, il est déjà trop tard. Seulement, Shein savait comment les éviter, en effet, le garçon venait d'un endroit où la faune était bien plus problématique. Cependant, il préférait rester méfiant. À tort, apparemment. Les deux enfants ne rencontrèrent aucun prédateur sur leur chemin. Aux alentours de Westia, pourtant, Shein avait cru apercevoir la forme d'un tigre, allongé sur le sol. Il se doutait cependant que le cadavre de l'un de ces félidés reste ainsi, surtout aussi proche de la ville, la bête devait sûrement feindre le mort afin d'attirer de potentielles proies.

Ils marchaient déjà depuis longtemps lorsqu'Élise posa une question à son camarade :

-Excuse-moi, mais, où se trouve exactement le lagon maudit ?

-Entre les bois d'Argofrid, les Terres basses et les contrées de cadavres. Même si notre destination ne s'y trouve pas vraiment. En vrai, j'habite une maison située sur une île près du lagon.

-Euh, les Contrées de cadavres... Ce nom n'est pas très engageant, désolée de dire ça, mais... Tu es sûr que c'est sans dangers ?

-Bien sûr !! Pour dire vrai, cet endroit s'appelle comme ça parce que la terre est très fertile, ce qui fait que plein de champignons y poussent ! Bon, c'est vrai que si on y creuse un peu, on tombe facilement sur des ossements, mais bon... D'ailleurs, je t'avais expliqué pourquoi nous passons par le lagon ?

La jeune fille hésita :

-Tu avais parlé de nénu...nénuphar ? C'est ça ?

-Exactement ! On va souvent récolter des champignons pour nos repas, donc le pont qui a été créé relie notre maison aux Contrées de cadavres. Mais le meilleur, c'est que notre chemin est entièrement fait de nénuphar ! C'est des trucs verts qui font la taille d'un adulte ! D'ailleurs... Maintenant que j'y pense...

Il s'interrompit et arrêta de marcher, s'assurant que Élise l'écoutait correctement.

-Écoute, c'est la chose la plus importante que je vais te dire. Ne va JAMAIS te baigner dans le lagon, c'est très dangereux ! Tant que l'on reste au bord de l'eau c'est bon, mais il ne faut jamais aller dedans ! On a une grande salle de bain dans tous les cas ! Mais dans l'eau vivent des créatures qui sont loin d'être inoffensives...

La jeune fille, qui regardait Shein droit dans les yeux, acquiesça de la tête.

-Donc c'est ici, les Contrées de cadavre ?

Au loin, une rivière séparait les terres basses et le territoire en question, les deux reliés par un pont en planches. Cela faisait déjà quelques jours que les deux enfants marchaient, s'arrêtant parfois pour dormir.

-Exactement ! Nous allons camper ici ! Je préfère y passer le moins de temps que possible, les champignons peuvent avoir des effets étranges. Tu comprendras !

Élise entrepris donc de sortir de son sac de voyage deux pains de petites taille. Aussi sombres que compacts, ces derniers étaient la nourriture la plus courante chez les plus démunis, ce qui ne voulait pas dire pour autant qu'ils étaient mauvais, une fois assaisonnés de divers autres aliments, ce n'était pas si terrible que ça. Dès que la fillette tendit le plat à Shein, qui commença à manger à grosses bouchées. Elle, profitait plus de son repas, prenant plaisir à savourer le plat. Bien sûr, son camarade, lui, commença à tousser, s'étant à moitié étouffé ayant avalé un trop gros morceau de pain d'un coup. La voleuse le regarda, étonnée. Ses parents lui avaient appris qu'il fallait savourer chaque bouchée de chaque repas. Interloquée, elle demanda :

-Pourquoi manges-tu aussi vite ? Tu n'aimes pas le repas ?

La bouche encore à moitié pleine, le jeune garçon répondit :

-Gnhein ? Heuh...Je chais pas, mais c'est très bon ! Et toi ? Tu aimes bien ?

-Hein ? Euh...Oui... D'ailleurs, maintenant que j'y pense, tu as beaucoup voyagé ? Il me semble que tu parles d'endroit peu connus...

-Pas tellement... J'ai juste passé beaucoup de temps à étudier les cartes... Pourquoi ?

-Eh bien... À Westia, les cartes sont interdites à la vente, et les livres qui en parlent sont très chères.

-Ah bon ? Le Capitaine m'avait dit que lors de l'accord qui avait eu lieu il y a dix ans, les vampires, en échange de leur aide auprès des humains, avaient demandés à ce que la culture soit répandue de partout. S'ils apprenaient ça, ils seraient sûrement furieux, quoique, ils n'ont plus fait parler d'eux depuis ce marché. C'est pourquoi j'ai été très étonné d'en croiser un. D'ailleurs, seuls deux peuples à ma connaissance, ne sont pas affectés par les termes du marché, les Mantris et les Kliffhanger.

-Euh, excuse-moi, c'est quoi ces peuples ?

Shein hésita :

-Les Kliffhanger, tes amis Klarion et Kleft en sont très probablement, ce peuple vit habituellement dans les Terres Frappées, il me semble. Les Mantris pourraient faire penser à des sprols, sauf, qu'au lieu de la tête se dresse un buste avec de longue lame servant de bras, et en haut, une tête inhumaine. Et ce peuple vit dans les bois d'Argofrid. J'y vais de temps en temps avec Zoya et Soul, avec un peu de chance, Zoya sera d'accord pour que tu viennes.

-Ah...Bon...

Sur ce, les deux enfants s'allongèrent et commencèrent à dormir, afin de reprendre des forces avant de traverser les Contrées de cadavres. Élise se réveilla bien avant Shein, elle avait entendu un bruit étrange, c'est alors qu'elle l'aperçut. Dans la rivière plus loin, une silhouette floue les observait, restant au même endroit, sans se soucier du courant. Deux lumières rouges se distinguaient facilement sur la créature. Inquiète, elle sortit son couteau de son sac et s'approcha. La chose la suivait du regard sans bouger pour autant. C'est alors que la jeune fille hésita, un couteau n'était pas une arme de distance, ce qui voulait dire, que si la jeune fille souhaitait se débarrasser de la chose, elle devrait forcément aller dans l'eau, se rappelant la consigne de Shein de ne jamais aller dedans, la voleuse recula prudemment. Puis, elle s'approcha de son camarade et le pris par l'épaule, le secouant légèrement. Une fois celui-ci réveillé, la jeune fille lui montra du doigt la rivière. Celui-ci fronça les sourcils mais répondit :

-Aucun risque. Ils ne sortent jamais de l'eau, enfin, du moins, très rarement. Ces créatures sont entièrement aquatiques.

La fillette haussa un sourcil, l'air perplexe.

-Non, non, j'te jure, ma maison est sur une île entourée d'eau où ces créatures vivent et pourtant, nous n'avons jamais eu de problèmes. Les Leechs ne nous attaquent jamais, enfin...peut être juste qu'elles ont peurs du Capitaine...

-Tiens d'ailleurs... Tu parles beaucoup de ton Capitaine, il est si fort que ça ?

-Aucune idée ! Je ne l'ai jamais vu se battre qu'une fois, quand Soul s'est fâché qu'il ne participe jamais aux entraînements, il s'est donc pris une sacrée rouste. Le Capitaine allait tellement vite que l'on ne voyait presque pas ses mouvements ! Il est trop fort !

-Vous vous entraînez ? Désolée, mais je ne suis pas forte en combat, je mise plutôt sur la discrétion que la force brute.

-T'en fait pas, on n'a pas de préjugés, regarde Lumordf, il est super musclé et tout ça, et pourtant, il ne se bat pratiquement pas, et s'occupe de la cuisine.

-Ah... Si tu le dis...

Le garçon avait néanmoins un peu remonté le moral de la voleuse. Cette dernière, se posa soudain une interrogation.

-D'ailleurs, est ce que tu sais pourquoi on compte notre âge en années ? Une année est faite de neufs mois, chacun composés de 42 jours, mais comment on compte un jour, si on ne possède pas de quoi mesurer, outre le faible écart de luminosité.

Les deux compagnons venaient de partir afin de continuer leur chemin.

-Eh bien, d'après ce que j'ai compris, c'est les vampires qui font ainsi, apparemment, dans leurs terres, il y a un gros truc dans le ciel qui change de luminosité tous les certains temps, pour créer ce que le capitaine appelle un jour et une nuit, et à chaque nuit, c'est un nouveau jour, enfin je comprends pas très bien... Ça me semble surréaliste que quelque chose puisse atténuer la luminosité du vide.

-Ah bon... mais dans ce cas, ça sert à quoi de compter le nombre de jours que l'on à vécu ?

-Euh... Je sais pas... Enfin remarque, ça sert sûrement à quelque chose, il faudra demander... D'ailleurs, à partir de maintenant, si ça te dérange pas, je préférerais que l'on se tienne la main, ça sera plus prudent.

Ils venaient de monter sur le pont qui permettait de traverser la rivière. Et en face, se dressaient les Contrées de Cadavres. Une grande plaine où se dressait de nombreux champignons, chacun d'une taille unique, d'espèces différentes. Si nombre d'entre eux étaient énormes, la plupart étaient de tailles plus raisonnables. La jeune fille se souvenait que Klarion l'avait prévenue sur la dangerosité de certains d'entre eux, elle accepta donc la main que lui tendait son compagnon de voyage. Elle fut étonnée de la chaleur de la main du garçon, une chaleur humaine. Elle n'avait plus eu presque aucun contact physique avec d'autres personnes de son espèce depuis la mort de ses parents, à part peut-être Bertha. Elle avait presque pris en horreur ce genre de contact avec autrui. Cependant, cette fois-ci, c'était nécessaire. Dès que les deux enfants eurent posé leurs pieds sur le sol, des bruits eurent lieu à plusieurs endroits dans les alentours, comme si certains champignons avaient explosé, pour changer de forme, créant un gros POP. Étonnamment, le chemin restait inchangé, mais, cependant, cela restait hallucinant, le simple fait d'avoir traversé le pont avait entièrement fait changer le paysage des Contrées de Cadavres. Une odeur sucrée commença à flotter dans l'air, bientôt remplacée, avec un nouveau POP par une autre plus âcre. Bien que le niveau sonore du changement d'un seul champignon ne soit pas énorme, le nombre élevé de ces plantes créait une cacophonie assourdissante. Shein dut crier pour se faire entendre par sa camarade.

-ON VA RESTER SUR LE CHEMIN POUR L'INSTANT !!

La jeune fille acquiesça de la tête, puis elle aperçut le garçon qui lui tendait deux boules molles. Elle les prit, se demandant rapidement à quoi cela bien pouvait servir. Elle eut rapidement sa réponse :

-METS-LES DANS TES OREILLES !!

Élise s'exécuta, une fois les deux bouchons installés, elle remarqua qu'elle entendait normalement, seul le bruit des ChampiPOP était atténué. En face d'elle, le garçon faisait un large sourire :

-Alors ? Ça fonctionne bien ?

-Oui...Merci...

C'est alors que la voleuse remarqua enfin qu'elle avait quelques difficultés à parler avec son camarade de voyage. Elle avait toujours été timide, bien qu'elle l'ait cachée le mieux qu'elle le pouvait lorsqu'elle habitait à Westia, en seulement quelques jours de voyages, elle commençait déjà à redevenir celle qu'elle était autrefois. Elle fut très surprise par ce changement aussi rapide de sa propre personnalité. Peut-être aussi qu'elle se sentait plus sereine, loin de cette ville. De plus, elle était époustouflée par le paysage, elle qui n'avait jamais connu que les plaines presque infinies des terres basses. La, c'était une explosion de couleurs, rouge, orange, brun, noir, verts, roses, il y avait des champignons de toutes les couleurs. Pendant un instant, elle crut entendre une voix lui chuchoter :
-Tu sais, Élise, le monde est rempli de merveille que tu ne peux même pas imaginer. C'est pour ça, que tu dois vivre...

La fillette se tourna vers son camarade de voyage, l'air interrogatif. Il lui sembla que ce n'était pas lui qui avait parlé. Elle se souvint alors de qui lui avait dit cela un jour. Sa mère. Juste avant d'y aller. Ce souvenir venait de se réveiller tellement fort en elle qu'elle avait eu l'impression d'entendre sa mère parler. Soudain, son camarade de voyage se tourna vers elle pour lui dire :

-Ne t'en fait pas, temps que tu ne sautes pas dans l'eau tout va bien aller...

Puis, derrière elle, Élise entendit la voix de Klarion lui dire :

-Non, tu n'a aucune dette envers moi, ne t'en fait pas.

Des larmes commencèrent à couler le long du visage de la jeune fille. Puis elle sentit une traction dans son bras, quelqu'un la tirait par la main. Choquée par les paroles qu'elle venait d'entendre, la jeune fille se laissa faire puis soudain, les voix arrêtèrent de parler. Puis elle entendit quelqu'un lui dire :

-Élise ? Tu vas bien ? Aller, il faut avancer encore ! Tu es sous l'effet d'une illusion d'un champignon ! Aller, avançons.

La jeune fille était prostrée au sol sur le chemin. Même en restant le long de la route déjà tracée, elle souffrait des effets des champignons, après avoir souffert d'illusion sonores liées à ses souvenirs, elle avait également commencé à tousser du sang, avait failli se mutiler ou encore avait eu une grande sensation de bonheur qui avait failli l'empêcher de continuer. À chaque fois, son camarade l'avait tirée hors de portée de ces effets. C'est en faisant la pause qu'elle remarqua que le garçon ne s'était laissé avoir par les champignons que dans la partie qui donnait l'impression qu'ils flottaient. Elle posa son regard sur lui, sans trouver la force de parler. Ce dernier sembla néanmoins prédire sa question à laquelle il répondit.

-Je ne suis pas affecté par les ChampiPOP, car j'habite proche et que je viens souvent ici, après quelque temps passés ici, on commence à être immunisé contre les effets des espèces les plus courantes. Ces plantes sont particulières, elles changent d'apparence ou de comportement selon des conditions très précises, la chaleur, le bruit, la présence d'un être vivant, ou encore la pluie. Lumordf m'a dit qu'il en existait même qui avaient besoin qu'on chante un air particulier pour s'activer. Il faut être prudent, d'ailleurs, regarde, une espèce assez répandue en dehors des chemins est carnivore, elle semble toute petite, puis dès qu'on est proche, ça devient énorme est essaie de nous gober, heureusement que les champignons ne peuvent pas se déplacer, du moins à ce que je sais.

-Ah bon ? J'ai de la chance d'être avec toi dans ce cas.

-Mais non ! Ce qui compte ici, juste c'est de ne pas être seul ! Les effets sont différents selon les personnes. Au pire, dès que l'on est habitué, on peut se promener tout seul, même si c'est pas très prudent !

-Ça doit être pratique...

-Oui, mais, à ma connaissance, il n'y a encore eu personne qui à réussi à s'habituer à tous les effets existants, ils sont plus fort quand on s'éloigne de la route. Cependant, l'endroit où ils sont le plus fort sont les endroits les plus prêts de la montagne. Je n'ai pas le droit d'aller là-bas, car c'est trop dangereux. Enfin, la montagne en général est une zone à éviter. Enfin, on va faire une petite pause ici, tu vas rester assise, et moi je vais laisser des champignons s'activer, comme ça tu commenceras à t'habituer à quelques-uns. Je n'aurais jamais imaginé que tu aies une résistance aussi basse aux ChampiPOP, enfin, mieux vaut t'habituer un peu, car sinon, quand on va sortir du chemin cela risque de poser problème.

Les deux enfants étaient finalement restés une bonne journée à se préparer, et en avaient profité pour camper, pour dormir ils s'étaient attachés au niveau des chevilles pour être sûr de ne pas avoir de problème avec les illusions qui pourraient pousser l'un des deux à partir. Après cette pause, Shein décida de partir, malgré le peu de résistance d'Élise, car leurs provisions leur permettraient encore de prendre un repas, deux en se rationnant. Ils quittèrent donc la route bien sûre afin de partir à travers les champignons.

Une véritable explosion eut lieu dès qu'ils eurent posés les pieds en dehors du sentier, en effet, avant, aucun ne poussait et ne leur bloquait le chemin. Mais là, même en faisant attention ils devaient bifurquer à de nombreuses reprises pour essayer de ne pas finir bloqués. Mais arrivant à progresser, malgré tout.

Au final, ils atteignirent la rive du lagon sans problèmes. Si l'on excepte qu'Élise failli se faire dévorer à plusieurs reprises par des ChampiPOP carnivore et que Shein fit une lourde chute, heureusement amortie par d'autres champignons. La rive était composée majoritairement de roche, ce qui permettait d'y progresser facilement, malgré la sensation d'Élise qui se sentait épiée en permanence, sûrement parce que c'était vrai, des dizaines de pairs d'yeux rouges les observait depuis les profondeurs. Ils longeaient la rive depuis longtemps lorsqu'au loin deux formes se dessinèrent : un abri qui semblait être fait de branchages, et de grande formes ronde qui traversaient le lagon pour rejoindre une petite île qui se trouvait plus loin.

-Voici les nénuphars et notre cabane, c'est ici que l'on stocke les outils qui nous permettent de collecter des ChampoPOP pour les dîners, de temps en temps.

La jeune fille était néanmoins perplexe.

-Dit, on ne va quand même pas traverser en marchant sur ces trucs verts, ils ont l'air très fin...

-Ils sont fin, mais résistant, enfin le problème reste leur souplesse et notre poids, on ne peut pas rester trop longtemps dessus. Et si on se loupe on tombe à l'eau, si cela arrive, remonte le plus vite que possible sur les nénuphars et éloigne-toi de l'endroit où tu es tombée le plus vite possible. Aller, tu passes la première ! Je te suis, en cas de pépin. Prends ceux que tu veux, essaie juste de ne pas en faire couler trop, que je puisse te suivre, bien qu'ils remontent vite à la surface.

-Euh...J'ai... Euh...

-Aller ! Fais-moi confiance ! Et ne regarde pas en dessous, dans l'eau ça risque de te stresser ! Courage !

C'était le moment de vérité pour Élise, bien qu'elle ne le montre pas, elle restait méfiante envers son ami, comme le reste de ses amis de Westia. D'un autre côté, si Shein avait voulu lui faire du mal, il n'aurait eu qu'à l'abandonner au milieu des Contrées de Cadavres. Elle inspira un grand coup, et s'élança sur un gros nénuphar.

Celui-ci était plus résistant qu'elle ne l'aurait imaginée. Petit à petit, il commençait à plier. Mais elle avait bien le temps de passer. Elle n'aurait donc pas forcément besoin de courir comme elle l'avait redouté. Elle sauta sur une autre feuille verte, un peu plus petite, celle-ci s'enfonça un peu plus rapidement, mais ça allait. La jeune voleuse s'habitua très rapidement à se déplacer sur les nénuphars.

Elle arriva cependant bien fatiguée sur l'île, où elle s'effondra au sol. Elle était heureuse d'avoir réussi. Elle vit son compagnon de voyage arriver, tranquillement.

-Eh bien ! T'as gérée ! Pour une première traversée, c'était super !

-Ouais ! T'as vu ça, chuis trop forte !

-J'avoue, maintenant, on à plus qu'à faire l'autre moitié !

La jeune fille se leva, et remarqua enfin que l'île sur laquelle ils se trouvaient était déserte, mais au loin, un peu plus proche que le rivage duquel ils partaient, se trouvaient une autre île sur laquelle une grande bâtisse se dressait fièrement. La jeune fille, désespérée, se laissa tomber par terre.

-Mais pourquooooiii ? Tu m'avais pas dit que c'était en deux fois ! Je veut mourir !

À ces mots, Shein éclata de rire, se moquant ouvertement de la voleuse qui semblait avoir cru être arrivée.

La voleuse s'effondra sur la roche qui bordait l'île où habitait Shein. Elle était épuisée, se déplacer sur les nénuphars était relativement fatiguant. Elle voyait un peu plus loin son camarade qui arrivait. Soudain, elle entendit un bruit de pas derrière elle, elle se tourna pour voir une silhouette humaine vêtue d'un grand manteau bleu sombre. Cette personne d'approcha et déclara :

-Tu dois être une amie de cette andouille de Shein, eh bien, bienvenue à la hutte du lagon ! Tu peux m'appeler le Capitaine.

À Pas-Pontcharra, un message venait d'arriver à la mairie. Portant le sceau des Sombretierres, une famille vampire importante, considérée comme royale par les humains, il fut délivré en priorité. Les suceurs de sang n'envoyaient que rarement du courrier, mais chacune de leurs missives était aussi importante que brève. En effet, ces derniers, avares d'informations, mettaient le moins possible dans leurs écrits, afin de ne montrer que ce qu'ils voulaient. Ainsi, cette lettre fut directement donnée au maire, Barry. Ce dernier était en réunion avec le maire de Westia quand il reçut le message. La discussion était très animée, les deux hommes se disputaient encore une fois sur le même sujet : l'égalité entre citoyens. Cette dispute durait depuis des années, et, bien que Pas-Pontcharra fut la capitale, à laquelle la ville de l'Ouest devait donc obéissance, les conditions ne changeaient jamais. Le maire de la ville de la misère ayant directement compris que jamais Barry n'enverrait des soldats s'occuper de faire régner l'ordre, ce dernier détestant trop la guerre. Ainsi, il cherchait toujours une solution par la discussion, qui était pratiquement inutile : en fin de compte, peu de grands changements étaient opérés à Westia. La loi stipulant que les impôts payés dépendent du salaire et de la richesse fut une grande victoire, comme l'abolition de la peine de mort. Cependant comme en réponse à cette dernière, la traite d'esclaves s'était développée à une vitesse fulgurante. Le sujet de discussion aujourd'hui était pourtant légèrement différent.

-À quoi cela servirait-il d'accorder aux pauvres des soins gratuits à l'hôpital, enfin, votre stupidité dépasse les bornes, être maire de Pas-Pontcharra ne vous donne pas tous les droits, monsieur « le sauveur ».

-Les impôts existent afin de pouvoir garantir le confort de tout le monde, je ne vous laisserai pas les dilapider !

-Vous ne me laisserez pas, mais, très cher, vous ne faites jamais rien, et c'est normal, vous n'êtes point le bourgmestre de Westia. Et vous manquez de sang-froid pour agir réellement. Vous n'êtes qu'un lâche, qui n'assume pas ses responsabilités.

-Espèce de...

Barry fut interrompu par le bruit de la porte qui s'ouvrait, après que quelqu'un y ait frappé trois fois. Le maire de Pas-Pontcharra reprit son sang-froid. L'homme qui était entré s'appelait Robin, il travaillait à la mairie depuis peu de temps, mais s'était très vite habitué aux charges et était désormais l'un des piliers du gouvernement de la capitale.

-Monsieur Barry, désolé de vous déranger en pleine réunion. Mais il y a une missive en provenance de Westia pour vous, bredouilla-t-il

Le maire marqua son étonnement, cela devait être important pour qu'il soit interrompu en réunion. Il tendit la main, récupéra la lettre que lui tendait son subordonné et commença à l'ouvrir en hâte dès qu'il aperçut le sceau des Sombretierre.

-Merci, Robin, tu peux repartir. D'ailleurs... N'étais-tu pas censé avoir fini ton temps de travail ?

-Si, mais je suis resté pour aider Jeanne.

-Bien, ne travaillez pas trop quand même. Pensez à vous reposer...

-Ne vous en faites pas.

Barry lisait tranquillement la missive tandis que son employé sortait de la pièce lorsque le maire de Westia commença à le houspiller :

-Vos employés rentrent comme ça chez vous, hein ? C'est désastreux, il n'y a vraiment aucun respect dans votre ville. Vous voyez, vous leur donnez trop de libertés ! Et puis, ça va impacter Westia et causer des...

-Silence.

Le maire de la ville de l'Ouest se figea, l'homme lui avait parlé d'une froideur inhabituelle chez lui. Puis, il continua, les yeux toujours fixés sur sa lettre.

-Je vais passer par Westia dans quelque temps, ayant quelques affaires à traiter aux bois d'Argofrid, j'espère pour vous que mes exigences auront été écoutées.

-Ou...Oui...D'accord...À... Bientôt...

Ainsi, l'entretien prit fin. La lettre que Barry avait reçue était inquiétante, que ce soit par la description qui y était faite de Westia, comme du sujet principal de la lettre, ou par la cage avait été détruite. L'homme ne savait que très peu de choses sur ce sujet, seulement que, d'après les vampires, la chose qui s'y trouvait pouvait causer la fin de tout ce qu'ils connaissaient, et ce, dans le mauvais sens du terme.

Le maire sortit de la salle de réunion. Il irait lui-même voir l'étendue des dégâts, et essaierait de trouver des informations. Il devrait juste dire au revoir à Lyria, donner quelques consignes à ses subalternes, puis partirait. Maintenant qu'il y pensait, en plus de passer par Westia, il passerait également voir l'Archemage et le Capitaine, cela faisait longtemps qu'il n'avait plus vu ce dernier, un excellent ami.

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