Chapitre -21 Le Capitaine
Les yeux bleus glaciers de la voleuse s'étaient posés sur un homme de grande taille, enfin, c'était vite dit, il était presque impossible de deviner s'il s'agissait là d'un homme ou une femme, d'ailleurs, si la jeune fille ne savait pas qu'il se surnommait « Le Capitaine », elle aurait directement crue être en face d'une femme. La personne qui venait de lui parler avait, sous un grand chapeau, de longs cheveux d'un rouge sombre qui lui tombaient bas dans le dos. Son manteau sombre était parcouru de ligne dorée, s'accordant parfaitement avec les boutons en or. Bien que son interlocuteur ne portait pas d'armes, il émanait de lui une sensation de puissance, mais, qui, au lieu d'être inquiétante, était plutôt réconfortante. Son regard vermeil semblait empli de compassion, mais ce qui brillait surtout semblait être une soif d'aventure telle que la voleuse n'en avait jamais vu.
-Salut Capitaine ! Comment ça va ?
Le regard de ce dernier se tourna vers Shein, et changea d'un coup, passant de chaleureux à froid. Il s'avança vers le garçon et lui tira l'oreil.
-T'absenter comme ça ! Tu ne t'imagines pas à quel point nous nous sommes inquiétés ! J'ai dû faire des pieds et des mains pour que Zoya ne parte pas toute seule à ta recherche ! Et tu étais parti où ? Je ne t'ai trouvé nulle part dans les bois !
Le gamin qui était plutôt d'humeur enjouée avait baisé les yeux. Et jouait nerveusement avec l'une de ses tresses, attendant la fin du sermon. Élise, elle, était très gênée d'assister à la scène. Elle hésita d'intervenir en faveur de son camarade lorsqu'une nouvelle silhouette inquiétante apparut sur le ponton pour parler d'une voix métallique.
-Allons, Capitaine. Ksss-Ksss, ne crois-tu pas que l'on doit plutôt accueillir notre invitée comme il se doit ? Ksss-Ksss
(Une description de ce type étant très compliqué, je me permets d'interrompre l'histoire, pour vous, qui ne venez pas du même monde, vous pouvez considérer le nouvel arrivant et toutes les créatures de l'espèce des Mantris comme d'énormes mantes religieuses. Merci d'excuser cet interlude.)
Le Capitaine se tourna vers son camarade et répondit :
-Tu as raison, Lumordf, cependant, je tenais à informer ce très cher Shein à quel point nous étions inquiets.
La voleuse s'était aplatie sur elle-même, impressionnée par la taille et l'allure du nouvel arrivant, qui devait probablement faire la hauteur de deux hommes adultes. Les pattes faucheuses et les longs mandibules de l'insecte n'arrangeait rien, il donnait l'impression d'être constitué de branches de berbéris, à cause de la couleur brune de sa cuirasse. Il sembla cependant remarquer la peur de la jeune fille :
-Ksss-Kss, ne t'en fait pas, je préfère les champignons aux humains, donc aucun risque pour toi, vu que j'ai un garde-manger juste à côté. Non, en vrai je ne mange pas d'humains tout court. Bienvenue à toi, à voir l'état de tes yeux, tu dois être fatiguée du voyage que vous avez fait, cela combiné avec les effets des champignons, je suppose que tu souhaites dormir un peu, non ?
Le Capitaine semblait approuver :
-En effet, il ne serait guère prudent de laisser deux enfants dans cet état de fatigue. Je vous conduis à vos couchettes, cependant Shein, ne croit pas pour autant que tu es tiré d'affaire. Ah, au fait, gamine, tu devrais les retirer de tes oreilles.
Shein soupira de soulagement, pendant que Lumordf leur fit signe de le suivre à l'intérieur du bâtiment, et qu'Élise retirait les bouchons qu'elle avait dans les oreilles, se demandant vaguement comment l'homme avait deviné qu'elle en portait. L'insecte guida la fillette en direction d'une chambre, possédant un lit complet, avec des draps, une couverture, et même un oreiller. Cela faisait depuis que Klarion l'avait recueilli chez elle à leur première rencontre que la fillette n'avait plus dormi dans un vrai lit. Les murs de la chambre étaient vierges, sans décoration. La chambre, sans être vaste, était spacieuse. Et quand les habitants de la hutte souhaitèrent un bon repos à la voleuse, elle s'endormit rapidement.
La voleuse se frotta les yeux, elle avait entendu des éclats de voix. Elle ne le souhaitait pas, mais il fallait se lever. Elle enfila rapidement les loques qui lui servaient de chaussures et sortit de la chambre pour se diriger en direction des voies. Là, elle aperçut une personne qui discutait avec Le Capitaine, les deux semblaient se disputer à un sujet probablement quelconque, mais lorsque la jeune fille s'approcha, elle comprit que c'était plus inquiétant qu'elle ne l'aurait pensée.
-Non, j'aurais aimé faire quelque chose pour l'amie de Shein, mais nous ne pouvons rien faire, écoute, nous avons déjà difficile à élever ton neveu, alors imagine avec deux enfants, et puis, nous ne sommes pas un exemple. Une gamine élevée par des pirates, et puis quoi encore ? Désolée, Zoya, mais je ne suis pas prêt à prendre cette responsabilité.
La femme retorqua directement au Capitaine.
-Elle a rencontré et vaincu un vampire, tu crois qu'il n'y aura pas de conséquence, si cet exploit parvient aux oreilles de Sombretierres, elle ne serait plus en sécurité à Westia.
-Et alors ? Si Shein ne s'y était pas mêlé, le vampire l'aurait tuée dans tous les cas, d'après ce que j'ai compris, il croyait en la voie de l'apocalypse. Et puis, il y a le risque qu'elle soit une poss...
-Ne prononce pas ce mot, c'est malsain ! Si tu ne veux pas la responsabilité, je suis prête à la prendre, poltron ! Tu as juste peur des vampires et de la famille !
Le Capitaine s'énerva à son tour, sans pour autant lever le ton :
-Oui, j'ai peur, peur de vous perdre. Crois-moi, ça ne me fait pas plaisir de lâcher une gamine dans la nature, mais cela vaut mieux que de s'y attacher et la voir mourir, tuée.
-Tu préfères que Shein parte avec elle ? Je suis sûre que si tu l'obliges à partir, il partira avec elle, et pas seul ! Je ne laisserais pas partir mon neveu, déjà qu'à cause de tes âneries, il est allé à Westia ! Sans elle, il ne s'en serait pas tiré ! On a une dette envers elle !
L'homme se renfrogna :
-Eh bien, fais ce que tu veux, mais assume les conséquences de tes actes. Je t'aiderais en cas de problème...
La dénommée Zoya sourit :
-Merci ! T'en fait pas, je gère !
Elle partit en direction de la maison, mais au moment où elle entrait, elle entendit le capitaine dire :
-Je pense aussi que c'est la bonne décision.
-Eh eh !
La voleuse était retournée dans sa chambre au moment où elle risquait de se faire apercevoir par la femme. Elle n'aurait pas imaginé qu'elle causerait autant de problèmes. Elle hésita un instant de s'éclipser discrètement, lorsqu'elle se souvint de la gentillesse de Shein, d'un autre côté, elle ne voulait pas repartir directement à Westia.
Après avoir un peu attendu, Élise ressortit de la chambre, puis commença à se promener dans les couloirs, espérant trouver des personnes. Elle déboucha rapidement dans une grande salle commune, où plusieurs silhouettes vaquaient à leurs activités. Tout d'abord, allongé dans un hamac reliant habilement un mur et une chaise en équilibre précaire, se tenait un homme dont la fillette ne pouvait apercevoir le visage, caché dans les ombres projetées par la capuche. À la grande table, la femme qui discutait plus tôt avec le capitaine était en train de s'empiffrer de plats que la Mantris rapportait remplis d'une salle adjacente qui devait probablement être la cuisine. Assis par terres, Shein jouait à un jeu avec un vieil homme de petite taille. Personne ne semblait avoir remarqué la voleuse, qui n'osait pas interrompre les personnes dans leurs activités quotidiennes. Jusqu'au moment où elle entendit un bruit derrière elle, rapidement suivi de la voie du Capitaine qui déclarait :
-Alors, bande de trucmuches ? Vous n'accueillez même pas notre invitée comme il se doit ? D'ailleurs, tu peux rentrer dans la salle, pas besoin de rester à l'entrée comme ça !
Avec l'intervention de l'homme, l'ambiance de la salle changea. L'homme qui était alongé dans le hamac essaya de se lever, ce qui fit basculer entièrement la chaise, le laissant s'écraser par terre. Lumordf, lui s'arrêta net, laissant tomber le plat qu'il tenait entre ses pattes faucheuses. Zoya releva la tête de l'assiette dans laquelle elle était en train de festoyer. Et, Shein ainsi que le vieil homme se levèrent et s'approchèrent d'Élise, avec l'intention de la saluer.
-Salut Élise ! Comment tu vas ?
Shein avait bien sûr parlé premier, vite suivit par la personne à la capuche.
-Salut, alors, t'as bien dormi, trois jours, c'est pas rien ! Moi c'est Soulruwen, mais tu peut m'appeler Soul, je suis ce que l'on appelle une ombre.
En effet, derrière sa silhouette humaine, sa peau semblait composée d'obscurité. Sous sa capuche, trois lumières bleues brillaient, ses yeux, et sa bouche, quand il parlait. Les différents éléments de sa tenue n'étaient pas du tout assortis, entre sa capuche vert vif, son haut orange, son pantalon mauve et ses chaussures dépareillées.
-Ravie de te connaître, je m'appelle Zoya !
-Et accessoirement, ma tante, ajouta Shein.
La femme qui venait de parler était la femme qui avait discuté plus tôt avec le Capitaine. Elle avait des cheveux bruns coupés mi-courts à moitié couverts par un bandeau rouge. Ses yeux étaient aussi verts que ceux de son neveu. Une cicatrice lui barrait sa joue droite. Elle semblait avoir été taillée dans de la pierre, ses muscles ressortant tous parfaitement. Vêtue d'une chemise sans manches à moitié ouverte et d'un pantalon bouffant brun, elle semblait respirer la bonne humeur.
-Désolée de ne pas avoir pu t'accueillir, on était parti avec Soul et Pèpère à la recherche de ce crétin de Shein.
-Pèpère, je te remercie, je ne suis âgé que de quatre-vingts ans. Enfin, moi c'est Ren.
-Quatre-vingts ans, à peu près...
Shein suivit sa tante, continuant de surenchérir :
-À peu près, à beaucoup près, oui !
Zoya reprit la parole, reprenant son inspiration :
-Enfin, soit la bienvenue ici, Élise. Reste aussi longtemps que tu le souhaiteras !
-....
La voleuse ne savait pas trop que répondre à un accueil aussi chaleureux, chose auquel elle n'était pas habituée. Il fallait dire qu'à Westia, c'était plus de l'entraide que de la vraie amitié. Seuls Klarion, Bertha ou encore Serit étaient réellement gentils avec elle sans arrière-pensées. Il fallait dire que ces trois-là savaient se montrer persuasif sur les autres malfrats.
-Pas besoin d'rougir ! On est sympa ! En fait il manque quelques personnes à notre équipage mais bon !
Il était visible que Zoya faisait de son mieux pour que la voleuse soit mieux à l'aise parmi tous ces nouveaux visages. Cependant, elle choisit d'être franche d'entrée de jeu :
-Enfin, un équipage de pirate. Désolé de te le dire comme ça, dès ton réveil, mais je préférais que tu sois au courant. Enfin, nous sommes pas des grands brigands, vu que notre navire ne peut plus naviguer depuis un bon bout de temps. Mais il n'en reste pas moins que nous sommes également des malfrats, Shein a essayé de nous expliquer ta situation au peu qu'il savait. Enfin, fais le choix qui te plaira le plus, tu as tout le temps que tu veux devant toi.
-Oui...Merci d'avoir été franche... Cependant, comparé à la pègre de Westia, je vous vois comme des joyeux lurons. Mais, vous êtes sûre que cela ne dérangerait pas si je reste.
Zoya répondit du tac au tac :
-Nope !
Elle fut rapidement suivie par les autres membres de la salle :
-Ksss-Ksss, du moment ou tu fais pas de bêtises !
-Dans tous les cas, tu seras moins crétin que cette andouille de Shein !
-Parle pour toi Soul !
-Allons les jeun's, pas de vulgarité !
Le Capitaine répondit le dernier :
-Je dois être honnête, je ne suis pas vraiment pour, mais vu la réaction de l'équipage, soit la bienvenue !
Sur ces mots, il serra la main de la fillette, sous les sourires de l'équipage.
-Sur ce, je vais te faire visiter ! Quant à vous, arrêtez de fainéanter ! J'ai été d'accord de vous laisser du temps pour les présentations, mais maintenant, retournez au travail ! Allez ! Et toi, suis-moi !
Zoya barra la route du Capitaine :
-Ta ta ta, elle vient avec moi d'abord, un grand bain lui fera du bien !
L'homme haussa un sourcil :
-Un bain ? Pour que faire ? Elle pourra en prendre un plus tard !
-Nope ! Et je lui apporte des vêtements propres ! SHEIN ! Je t'emprunte des vêtements pour ta copine !
-Pas de problème !
Juste quand il avait fini de répondre, Soul apparut dans la pièce, attrapa le garçon par le col et le tira dans une autre salle.
-Bon, aller, vient, Élise.
La salle de bain était énorme, possédant un bassin de grande taille, taillé dans de la pierre. De l'eau sortait un filet de fumée, montrant qu'il était encore chaud. Une rangée de fiole était alignée sur une étagère posée contre un mur. Et, près de l'unique fenêtre, se trouvait une autre armoire close.
-Bien ! Alors, les serviettes sont dans cette armoire, prend celle que tu veux, juste, évite d'en prendre une sur lequel il y a un nom, imagine, tomber sur celle de Lumordf !
La femme et la fillette rigolèrent en cœur, rien qu'à imaginer comment l'insecte aurait pu tenir la serviette, et encore pire, s'essuyer avec. Zoya remarqua que c'était la première fois qu'elle voyait la jeune fille sourire.
-Eh bien, en voilà un beau sourire, accompagné d'un beau rire en plus ! Tu devrais le faire plus souvent !
Cela interloqua d'un coup la fillette. Elle n'avait plus rigolé depuis la mort de ses parents, alors, y arriver comme ça, après aussi peu de temps passé avec les pirates, cela l'étonnait.
-Bah ? Pourquoi tu fais cette tête ?
-Euh...rien...Juste...je n'avais plus rigolé depuis longtemps...désolée...
-Pourquoi tu t'excuses ? Le rire, c'est vital dans la vie, et le sourire, encore plus ! Enfin, je dit ça, mais c'est la phrase de Barry, d'habitude : « Sourire c'est la vie, heureusement, c'est facile ! Il suffit de penser à ses proches ! ».
-Ah bon ? Moi, quand je pense à mes parents, je...
Sa voie se cassa, en même temps que des larmes commencèrent à couler le long de ses joues. Puis, soudainement, elle se sentit emportée dans une étreinte. Zoya l'avait prise dans ses bras, naturellement, comme pour la réconforter :
-Aller, pleure, cela te fera du bien. Et, peut-être, qu'un jour, derrière ta tristesse, tu sauras trouver la joie quand tu exploreras tes souvenirs. Et en attendant, ne t'en fait pas, je t'aiderais ! Tu peux compter sur moi.
Élise était restée un bon moment dans les bras de la femme, étonnée. Puis, elle avait finalement continué à se préparer pour son bain. Zoya s'était absentée pour aller chercher des vêtements lorsque la fillette avait commencée à se déshabiller, avant de s'immerger dans les eaux chaudes du bain, ne laissant dépasser que sa tête. Les eaux étaient agréables, et cela devait être la première fois depuis longtemps que la voleuse pouvait réellement se laver. Pour le moment, elle restait tranquillement dans le bassin, se détendant juste, profitant au maximum. Cela l'avait marquée, mais depuis qu'elle avait rencontrée le Capitaine, elle avait l'impression de ne plus rien craindre, comme si la hutte représentait un cocon protecteur.
La jeune fille remarqua soudain qu'elle avait oubliée de prendre l'une des fioles contenant les savons. Elle hésita puis sortit du bain, récupéra sa serviette qu'elle noua autour de sa taille, avant d'aller ouvrir plusieurs bouteilles, sentant quels parfums ils avaient. Elle était en train d'hésiter entre deux lorsque Zoya toqua à la porte avant d'entrer. La fillette se tourna, afin de demander l'opinion de la femme lorsqu'elle vit que cette derrière avait lâchée les vêtements et semblait pétrifiée sur place. Dans ses yeux, la fillette pouvait lire d'incompréhension, liée à une peur profonde. Élise comprit alors, cela ne pouvait être que ça. Elle fit un pas en arrière. Puis, elle courut se cacher le dos, le collant contre un mur, pendant que des larmes coulaient à nouveau de ses yeux. Elle l'avait oubliée. Après tout ce temps, elle avait décidé de l'effacer de sa mémoire, mais la réaction de la femme ne faisait pas de doute, elle devait savoir ce que cela représentait. Cette dernière, en voyant la réaction de recul, sembla reprendre contenance, et ouvrit la bouche :
-Élise... Qui t'as fait ça ?
La voleuse eut une réaction de surprise. Apparemment, Zoya ne savait pas ce que cela signifiait. La fillette hésita puis mentit ouvertement à la femme, malgré un léger élan de culpabilité de tromper une personne aussi bonne.
-Euh... Ça devait être lors d'un problème avec les gardes de Westia.
-Quelle atrocité, désolée d'être rentrée comme cela. Si tu souhaites en parler, n'hésite pas, et si tu ne souhaites pas, pas grave.
Un silence s'installa dans la salle de bain.
Lorsque Zoya était entrée, elle avait pu apercevoir sur le dos de la voleuse une énorme cicatrice, ce qui déjà, pour une enfant de cet âge était quelque chose. Mais qu'en plus, cette dernière représente parfaitement le symbole de la voie de l'Apocalypse, cela était encore plus étrange. Ce qui accentuait la crainte de la femme était que cette religion n'était pas du tout présente à Westia. Elle était surtout répandue parmi les vampires, cependant, cette fillette ne pouvait en être une, la couleur bleue de ses yeux le prouvait. La supposition la plus logique était que cette dernière avait vécu sous le joug des suceurs de sangs, ou pire encore, qu'ils aient menés des expériences sur elle. La femme choisit cependant de faire le choix de la voleuse, en n'en parlant pas. Elle changea donc de sujet, conseillant la voleuse sur les parfums de savon, puis, discutant joyeusement avec elle. Zoya avait malheureusement (ou heureusement ?) un cœur en or, et s'était déjà fortement attachée à Élise, et elle n'allait jamais laisser cette petite retourner dans la souffrance, elle ne le permettrait pas.
Les deux femmes étaient en train de discuter joyeusement lorsque le capitaine leur tomba dessus. Comme pris de panique, Zoya cacha le bol rempli de ragoût qu'elle était en train de déguster, pendant que la voleuse, elle s'était pas aperçue de la présence de l'homme et continuait de manger.
-Tiens tient, Zoya et Élise sont en train de se goinfrer pendant que tout le monde travaille. Vous pensez que je vais laisser passer ça ?
-Hein ? On ne se goinffre pas, je me disais juste qu'elle avait peut-être faim, normal vu la taille de sa sieste de trois jours.
La femme avait parlé d'une certaine insolence, utilisant une très mauvaise excuse, ce qui eut pour effet d'énerver l'homme, dont les yeux lançaient des éclairs (qui n'étaient sûrement pas aux chocolats).
-Bien, dans ce cas je déduis que tu lui as fait visiter les alentours ?
Zoya se figea. Elle se tourna lentement vers le capitaine.
-Hein ? Euh, quels alentours ?
Il semblait qu'un certain mécontentement émanait du capitaine.
-Bon aller, suis-moi !
L'homme, après avoir passé un savon à Zoya et l'avoir envoyée chercher des champiPOP pour le repas, avait emmené Élise avec lui afin de lui faire visiter la hutte. La fillette était très précautionneuse, ne voulant ni salir, ni abîmer les vêtements qui lui avaient été prêtés. Ces derniers étaient par ailleurs très beaux, la voleuse flottait à moitié dans la longue robe blanche que Zoya lui avait donné, et, aux pieds, elle portait de jolis chaussons bruns. Bien qu'en y réfléchissant, elle doutait fortement que Shein porte des robes, la femme lui avait probablement donné ses propres vêtements.
-Alors, voici le ponton, c'est ici où l'on accueille les visiteurs ou même les personnes parties depuis longtemps. C'est en général le poste de Zoya, ce que tu vois là est une longue-vue, on l'utilise afin d'être prévenu dès que des personnes arrivent.
La construction, qui semblait être composée de chair de champignon, lui donnant une couleur marron clair, semblait être posé sur l'eau du lagon, comme un pont reliant l'eau et la terre. C'était là ou menait les nénuphars.
-Ah, oui, maintenant que j'y pense. Shein t'as déjà prévenu de la présence des Leechs ?
Élise hocha la tête. Le Capitaine lui sourit, content qu'elle soit prévenue :
-Bon, dans ce cas, pour faire simple, ne va juste jamais dans l'eau, et si jamais ils sortent, vient me chercher, ou n'importe quel autre adulte fera l'affaire. Bien que ces créatures apprécient l'eau, elles n'en restent pas moins des amphibiens, autrefois, toutes les Contrées de Cadavres leur appartenaient. Ce fut au cours d'une bataille il y a un peu moins de dix ans qu'ils furent bannis de cette terre. Donc méfie-toi, bien que sur la terre ferme, ils soient moins fort que des hommes, dans l'eau, ils surpassent n'importe lequel d'entre nous.
-Compris !
-Bien ! Aller, je t'emmène au jardin.
Ce fut là où ils trouvèrent Soul, Shein, et le vieux Ren. En train de bricoler un abri en bois. Lorsqu'Élise leur demanda ce qu'ils faisaient, ce fut son ami qui répondit :
-On fabrique une maison pour la proto-poule, tu sais, ce que j'avais acheté à Westia. C'était un cadeau pour le capitaine !
-Oui, même si aucun d'entre nous ne sait comment cet animal vit !
Le vieux Ren avait ponctué la phrase du garçon ainsi, ce qui étonna la fillette :
-Mais, monsieur, vous êtes âgés, non ? Vous ne le savez pas ?
L'homme rigola à ces mots :
-Tu sais, l'âge n'offre pas forcément les réponses à tous, et puis, l'apparence est trompeuse.
Le Capitaine intervint :
-En effet, par exemple, combien d'années ai-je à mon compteur, à ton avis ?
-Euh... Vingt cinq ? Trente ?
-Pas du tout, j'en ai bien plus ! J'étais déjà vieux que ni Ren, et encore moins toi et Shein n'étaient nés.
-Ah bon ? Pourtant, vous faites plutôt jeune.
-C'est ce que nous venons de te dire, ne te fie pas aux apparences.
-D'accord !
Une fois que le capitaine lui eu montré intégralité des pièces de la hutte, tel que le bureau, la cave, la cuisine ou encore les toilettes (pourquoi?), ils passèrent au terrain d'entraînement. Ce dernier était situé sur une autre île par laquelle on arrivait également par un chemin de nénuphars. Sur un muret se trouvait des répliques d'armes en bois. Le capitaine saisit l'une d'entre elle, puis s'adressa à Élise :
-Le monde est dangereux, chacun d'entre nous se doit d'être un minimum entraîné. Prends l'arme que tu veux, et attaque-moi, je ne ferais que me défendre, donc ne t'en fait pas pour tes vêtements.
La jeune fille haussa un sourcil :
-Vraiment ? Si vous n'attaquez pas, ce n'est pas du jeu.
Son interlocuteur sourit :
-Ne t'en fait pas pour moi, puisque tu est si confiante je te propose un marché : si tu arrives à me toucher ne serait-ce qu'une fois, je te dispense d'entraînements. Cependant, je doute fort qu'à ton âge tu y parviennes.
Élise sourit et récupéra une dague en bois, avant de se mettre en position offensive. Son adversaire, quant à lui, avait reposé l'arme qu'il avait prise plus tôt, comme s'il n'avait pas besoin d'armes pour se défendre.
Lorsqu'elle se releva, la voleuse aperçut quelque chose derrière une île plus loin. Pendant ce temps, le capitaine était parti ramasser l'outil d'entraînement de la fillette qui avait fini plus loin lorsque la voleuse l'avait combattu. En effet, il avait évité chacun des assauts de cette dernière, qui, en prenant trop d'élan, avait fini par terre.
-Tu devrais changer de style, quand on se bat à la dague, il faut viser les points vitaux de ses adversaires. De plus, tu es trop exposée, je veux bien que les personnes qui se battent à la dague préfèrent l'attaque surprise, mais dans le cas d'un combat direct, il faut être souple.
Il continua de donner des conseils sans s'arrêter. Lorsqu'il eut fini, la jeune fille lui posa la question qui la démangeait.
-Excusez-moi, mais qu'est-ce qu'il y a sur l'île là-bas ? Je crois apercevoir une forme bizarre...
-Eh bien, t'as l'œil, en effet, il y a quelque chose. Allez, suis-moi, on passe à la suite de la visite ! C'est probablement mon bien le plus cher ! J'y tiens comme la prunelle de mes yeux.
Une fois sur l'île où se tenait la hutte, le capitaine s'approcha de l'eau et avancer le pied, comme s'il s'attendait à marcher sur la surface bleu sombre. À l'instant où son pied aurait dû toucher le liquide, un nénuphar émergea des profondeurs, il continua d'avancer, laissant derrière lui une traînée de feuilles vertes.
-Aller, suis-moi, ne t'en fais pas, du moment ou tu as ma permission, les nénuphars apparaîtront pour toi aussi.
Et les deux silhouettes s'avancèrent ainsi, tranquillement. Se rapprochant de l'île, les courants là devenaient visibles, allant de plus en plus fort. Le Capitaine posa une question :
-Dis-moi, Élise, c'est tu ce qu'est la ligne de front ?
La voleuse ne savait pas, elle se souvenait juste avoir entendu Klarion en parler.
-Euh... La fin des Terres Basses ?
-Oui et non, c'est la fin des terres tels que tu les connais. Une fois que l'on passe l'une des lignes de front, il est impossible pour un homme lambda d'aller plus loin. C'est juste une appellation, en vérité, c'est ainsi qu'est nommée la séparation entre les terres et le vide. On raconte, qu'autrefois, une catastrophe modifia le monde, et créa le vide. De mon point de vue, il était déjà là, mais c'est juste que les terres ont été brisées. Enfin, quoi qu'il en soit, nous approchons d'une ligne de front, je te demanderais donc d'être prudente, car, même s'il y a des barrières, il est impossible pour nous de remonter quelqu'un du vide. Tu tomberas juste éternellement, jusqu'à mourir de faim ou de froid.
-Com...Compris !
-À la bonne heure !
Ils atteignirent enfin l'île, où se trouvait une petite cabane dont la porte était ouverte. Le Capitaine entra, suivit par Élise. Là, il y avait des marches qui menaient à un tunnel qui semblait passer sous la mer. Ils marchèrent un long moment dans les ombres, parfois coupées par une bouteille qui émettait une lumière. Petit à petit, un bruit commença à se faire entendre, jusqu'à devenir un véritable grondement. C'est alors qu'ils débouchèrent dans une vaste caverne dont l'ouverture, tout aussi large, laissait apercevoir une grande cascade, couvrant l'existence de l'abri. Mais le plus impressionnant était l'immense navire posé sur des échafaudages. Il avait l'air d'être anciens, comme en réparation. Ce qui n'ôtait rien à sa taille imposante.
-Je te présente « Le Souffle de Fretia » ! Mon navire ! Pour le moment, il est en réparation, mais dès que j'aurais fini de regrouper les matériaux nécessaires, nous pourrons à nouveaux nous déplacer dans les cieux et le vide.
La voleuse se tourna d'un coup vers l'homme :
-Hein ?! Un bateau n'est-il pas censé allé sur l'eau ? Klarion m'a dit que seuls les vampires en possédaient des volants !
-En effet ! Cependant, quelques-uns sont la propriété des humains ! Mais celui-là est un bateau vampire, en effet, son nom vient d'une divinité d'une légende vampire, Fretia la sauveuse ! Tu peux me demander ce que tu veux, je ne connais pas réellement l'histoire en question.
-Monsieur le Capitaine... J'ai une question...
-Oui ? Vas-y, ne t'en fait pas.
-Eh bien...Si vous le réparez, pourrais-je monter à bord, une fois ? S'il vous plaît...
-Évidemment, Zoya à été assez clair, non ? Si tu le souhaites, tu peux faire partie des nôtres !
Cela faisait déjà une bonne dizaine de jours qu'Élise résidait à la hutte du lagon. Avec les quatre repas : Petit-Déjeuner, Déjeuner (très légers), les tartines et le dîner. Une telle abondance était inhabituelle pour elle qui avait difficile juste à trouver de quoi manger avant. Elle s'y habitua cependant rapidement, à la même vitesse qu'elle commença à apprécier les autres, bien que le capitaine ne se montrait que lors des repas. Elle passait la majeure partie de son temps libre avec Shein et Soul, qui s'amusait à faire le crétin. Elle devait cependant participer aux taches de la maison, tels que le ménage, la mise de table, le potager, ou encore la cuisine (en compagnie de Lumordf et souvent Zoya qui essayait de récupérer une quantité non négligeable de nourriture). Puis, un jour, le vieux Ren et Soul s'absentèrent, devant aller acheter des choses pour le capitaine, ne laissant que ce dernier, Lumordf, Zoya, Shein et Élise à la hutte.
Ce jour-là, Élise était sur le ponton en train de discuter avec Shein lorsqu'elle aperçut un mouvement aux niveaux des côtes. Elle se précipita à la longue vue pour apercevoir une silhouette humaine avancer d'un bon pas en direction des nénuphars sur lesquels elle s'élança, sautant habilement de l'un à l'autre. Élise se tourna vers son camarade :
-Shein ! Quelqu'un arrive ! On fait quoi ?
-Euh... Ma foi, on devrait aller chercher le capitaine ou Zoya. Seulement, je ne sais pas où ils sont...
-Tu peux aller les chercher ?
-Mouais, pourquoi tu t'en occupes pas, c'est toi la nouvelle !
-En effet, mais je te rappelle qui t'a battu à l'entraînement !
-Mais c'était un coup bas !
-Logique ! Je me bas à la dague ou au couteau ! Enfin, tu y vas ?
Le garçon partit de mauvaise foi, adressant cependant un sourire à sa camarade :
-Bon d'accord, d'accord !
Sur les nénuphars, cependant, la silhouette continuait d'approcher. Progressant par de grands sauts. Lorsqu'il arriva plus proche, Élise put entendre une voix d'homme qui chantonnait :
-Tic-tac Tic-tac
Clip-clap Clip-clap
La vie est un jeu à célébrer,
Il y a tant à voir, tant à espérer.
Chaque instant est là pour nous ravir,
Pour dessiner nos rires et nos sourires.
Alors rions, rions, rions !
Vivons tous en nous réjouissant !
Puis, il finit par arriver, il sauta du nénuphar jusqu'au ponton d'un saut qui était presque inhumain. Il fit un signe de bonjour à la fillette en l'air, et lorsqu'il se posa, il fit un grand sourire :
-Bien le bonjour ! Saurais-tu où est le Capitaine ? Ça fait depuis longtemps que j'ai plus vu ce vieux renard ! Ah, au fait, enchanté de te rencontrer, moi, c'est Barry !
Annotations
Versions