Chapitre 14 : "Je peux pas, j'ai code."
Rentrez chez soi. Certains voyaient cela comme la récompense tant attendue du terme d’une longue semaine, alors que pour d’autres, le simple fait de franchir le seuil de la porte relevait de l’angoisse.
***
Au sein du foyer Hodaïbi, le calme manquait :
- Lâche-moi !
- Pas tant que tu ne m’auras pas dit ce je veux !
Il s’y passait toujours quelque chose d'inattendu. Quelque chose comme Selim devenu sac à patates, et reposant sur l’épaule d’Elliot. Ce dernier n’avait éprouvé aucune difficulté à l’attraper et à le soulever du sol.
Le tenir en place, par contre, relevait du défi. Il était peut-être petit et moins fort, mais Selim possédait la qualité surprenante de ne jamais manquer d’énergie. La manière dont il fit aller ses jambes dans le vide lui donna l’air d’un asticot.
- Tu peux crever, je te dirais rien ! Repose-moi, je… Mais combien tu soulèves à la salle !!! s’écria-t-il lorsqu’il fut remis en place.
- Autant qu’il faut pour faire la même chose à ta mère.
Choc émotionnel.
Il devint soudainement silencieux, transporté aisément au travers du couloir qui menait au bureau d’Elliot. Que faire ? Il serait bientôt pris au piège.
Soudain, la tête en bas, il fut pris d’une idée en constatant qu’il avait une vue parfaite sur son derrière. Un malin sourire gagna ses lèvres.
- Bah alors, on dit plus rien ?
- Technique ninja numéro une…
- Qu’est-ce que tu marmonnes ? lança-t-il, le tout en poussant la porte de son bureau avec son pied. Hiiik !
Glissé entre son bas de pyjama et son slip, il lui planta un doigt entre les fesses. Cela lui valut de chuter tête la première. Il se rattrapa en effectuant une roulade avant de tenter une échappée. La porte se fermant violemment sous son nez l’en empêcha, claquée par nulle autre que la grande main d’Elliot.
- Viens ici, gronda-t-il en l’empoignant à la fois par son caleçon et son jogging.
- Mam… ! Hum !
Maîtrisé entre ses deux genoux, et la bouche bloquée par son adversaire, il vit dans le regard enflammé de ce dernier qu’il allait amèrement regretter son geste. Mais avant de passer aux choses sérieuses, il était nécessaire de revenir quelques heures en arrière afin de comprendre comment Selim avait pu se retrouver dans cette horrible position.
***
Alors que le vendredi avait toujours été synonyme de joie pour le jeune Richess, ce dernier appréhenda son retour au manoir. Une fois que la dernière heure de cours eut sonné, il se rendit à l’internat pour récupérer ses valises. Avec Faye, ils avaient l’habitude de se retrouver dans le hall. Ils se dirigeaient ensuite dans la rue entre l’internat et Saint-Clair où les rejoindrait leur chauffeur.
Retrouvé Melan rendait un énorme sourire à Selim. Depuis le temps, ces deux-là s’adoraient. L’homme de maison semblait également avoir adopté la rouquine. Le chemin vers le manoir, dans le confort de la limousine, était au fur et à mesure devenu un moment de confidence. Si habituellement, les deux adolescents profitaient de ce temps pour décider à demi-voix des nouvelles qu’ils partageraient, ou non, avec leurs parents, il n’en fut rien cette fois-ci.
Tout du long, Faye resta silencieuse.
Au fond de lui, il savait que l’ambiance ne serait pas au rendez-vous. Sans compter que cette fois, Nice ne les avait pas suivis et encore moins Alex.
Que leur diraient-ils s’ils posaient des questions ? Ce point l’embêtant, il se jeta à l’eau, en préférant lui envoyer un sms même si elle était à côté. Il observa sa réaction. Faye, de feu, de flammes ne laissa transparaître aucune émotion. Cela ne lui ressemblait pas d’être inexpressive. Quant à sa réponse, elle la conforta dans ses pensées : ils feraient comme si rien ne s’était passé.
***
Comme il l’avait imaginé, la technique de l’autruche ne fonctionna pas avec Elliot. Dès l’instant où sa fille eut posé un pied dans la maison, il lui accorda une attention toute particulière.
Il fallait dire que sa tête en disait long, un air malade s’ajoutant à ses cernes et son maquillage à demi fait. Pour quelqu’un qui soignait son apparence, elle n’avait pas montré un quelconque effort, ni même dans sa tenue. Il n’y avait aucune vie sur son visage toujours rayonnant et son père le remarqua.
Ce dernier l’attrapa dans ses bras en l'accueillant.
- Ça va, ma chérie ? Tu as une petite mine, je trouve, dit-il en récoltant ses boucles.
La tête enfouie contre son torse, elle lui répondit :
- J’ai pas beaucoup dormi, on avait un contrôle important, aujourd’hui.
- En quelle matière ? Tu penses que ça s’est bien passé ?
Ce n’était pas un mensonge. Seule, la raison était fausse. Elliot nota la manière dont elle évita son regard et comment elle se dépêcha de s’éclipser dans sa chambre. Peut-être trouverait-il une réponse du côté de Selim ? Mais ce dernier s’empressa de hausser les épaules, feignant l'ignorance.
Persévérant, il décida de réitérer durant le repas :
- Je vous trouve bien silencieux, ce soir. Il s’est passé quelque chose à l’école ? releva-t-il en portant son morceau de viande à sa bouche.
En l’imitant, Katerina se montra attentive. Toute réponse était la bienvenue pour casser la drôle atmosphère. Lorsqu’elle vit son fils faire semblant de réfléchir, elle saisit de suite qu’il y avait un problème sous-jacent.
- Boh. Il s'est rien passé de spécial cette semaine.
- Et on a pas de gros devoirs à rendre, appuya Faye.
Les meilleurs amis ne rataient pas une occasion de s’allier. Elliot, lui, n'était pas du genre à garder sa langue dans sa poche.
- C’est drôle, j’ai eu Marry au téléphone hier et…
Il vit Faye blêmir.
- Elle m’a dit qu’Alex avait été suspendu.
- Ha ! Mais oui ! s’écria Selim, paniquant. Il a collé une grosse beigne à un type.
- Elle m’a expliqué, oui. Vous trouvez que ça n’a rien de “spécial” ? Ou alors vous allez me dire que c’est habituel ? Parce que si c’est le cas, ça ne me rassure pas de savoir que tu sors avec quelqu'un qui…
Faye claqua ses couverts de part et d’autre de son assiette. Elle fut elle-même surprise. D’une expression serrée et les paupières papillonnantes, elle se força à reprendre son calme.
- Je ne veux pas qu’on parle d’Alex.
- … Pour quelle raison ?
- Ça ne te regarde pas.
Voilà une phrase qu’Elliot était incapable d’avaler. Pour sa fille, il ferait n’importe quoi, davantage pour qu’elle retrouve le sourire. Dès cet instant, il établit un plan dans sa tête.
Un plan qui se solda par un doigt entre les fesses.
***
La vie était clairement faite d’évolutions, car pour se retrouver à plat terre, Elliot Fast en pyjama à califourchon sur lui, il ne pouvait en être qu’ainsi. Petit et habile, Selim réussit à saisir un moment d'inattention pour se tourner sur le ventre. Sa joue fut aussitôt écrasée contre le carrelage.
- Bais borter plaint’ !
Elliot se pencha pour atteindre son oreille :
- Dis-moi tout, ou je m’occupe de trouver l’objet le plus long de cette pièce.
Un frisson parcourut son échine. Finalement, après des mois de cohabitation, il songea que cet homme avait tout d’un psychopathe.
- Maman ! Fay… ! s’écria-t-il, en essayant de ramper.
Quand il l’empêcha à nouveau de crier, Selim décida de tenter le tout pour le tout en enfonçant ses crocs dans sa main.
Il profita de cet instant de libération pour hurler à la mort :
- Maaaaaman, à l’aide !
- Mais, tais-toi espèce de dingue.
S’il fallait employer les grands moyens… À la guerre comme à la guerre ! Alors qu’il enroulait sa langue dans sa paume, Elliot grimaçant, la porte du bureau s’ouvrit sur les deux gamins en train de se chamailler au sol.
- Mais, que faites-vous ? les questionna Katerina, qui n’en revenait pas.
Tous deux relevèrent la tête.
Ils s’écrièrent en chœur :
- C’est sa faute !
***
Tout ceci avait eu lieu à cause d’un moment d'inadvertance.
Sans nouvelles de sa petite amie pour la soirée, Selim était resté planté dans le couloir devant la salle de bain du troisième. Il sortait tout droit de la douche et pianotait son clavier dans le vide, tout en essayant de se rattacher au proverbe : pas de nouvelles, bonnes nouvelles. Tout allait bien. Il s’en convainc, en serrant son téléphone dans son poing.
Il espérait de tout son cœur que Nice connaisse chez Eglantine des moments aussi chaleureux que durant ses visites ici. En effet, le manoir était particulièrement accueillant et son plus grand avantage résidait dans les nombreux étages qu'il possédait, offrant de l’intimité à chacun de ses occupants.
Sorti de sa transe, Selim constata une fois de plus à quel point l’escalier principal était immense. Il se pencha à la rambarde en attendant quelqu’un monter d’un pas déterminé. La tignasse rousse d’Elliot l’interpella depuis l’étage du dessous. De son index, ce dernier lui fit signe de le rejoindre en toute discrétion.
Selim n’en avait aucune envie, ayant senti le traquenard à des kilomètres, mais il s’exécuta. Avec un peu de chance, il lui demanderait seulement de faire une partie. Cela arrivait régulièrement qu’il l’accompagne à la console. Il était d’ailleurs certain qu’Elliot mentait en racontant vouloir simplement lui “faire plaisir”. Il jouait comme un pro.
Une fois devant lui, ses craintes se cristallisèrent et en refusant plusieurs fois de parler à la place de Faye, ce dernier se vit jeter sur son épaule, à la manière dont le père Noël aurait attrapé sa hotte.
Ce qui les amenait dans son bureau où régnaient les plantes et l’odeur du cuir, face à Katerina qui attendait des explications.
- Il m’a agressé !
- Parce qu’il ne veut rien me dire, l’accusa-t-il à son tour.
Alors qu’elle s’apprêtait à leur proposer d’en discuter calmement, cette nouvelle lui en boucha un coin :
- Et il m’a mis un doigt dans le cul, marmonna Elliot.
- C’est pas vrai, j’ai juste… !
- Débrouillez-vous.
La porte claqua derrière son air blasé. Ces deux andouilles régleraient cette crise par eux même. Tous deux essoufflés par leurs efforts respectifs, l’instant de silence qui suivit leur firent le plus grand bien.
Selim croisa les bras pour montrer qu’il resterait sur ses positions.
- … Tu ne me diras vraiment rien ? lança Elliot, en le parcourant. Tu es plus coriace que tu n’en as l’air.
- Eh ouais. C’est pas la taille qui compte !
Il réprima un rire.
Craqué à ce stade n’était pas envisageable.
- Dis-moi ce que je peux faire pour qu’on en discute ?
Le ton qui utilisa, sincère et suppliant, amena Selim à se sentir coupable. Il chercha un autre endroit où déposer son regard, celui d’Elliot étant trop persuasif.
- Rien. Je briserai pas le code.
- Le code ? Des amis ? demanda-t-il, abasourdi.
Il hocha la tête abruptement.
- Rah, mais au diable le code ! Pourquoi ça existe encore ce truc !
- C'est comme ça, tu vas devoir lui demander toi-même.
- Tu as bien vu que j’ai essayé. Elle ne veut pas me parler…
- J’y peux rien, moi.
- Tu ne comprends pas ? C’est terrible pour moi de constater qu’elle va mal et de ne pouvoir rien faire. Je crains qu’elle se renferme… Si je te demande de m’en parler, c’est parce que je suis sincèrement inquiet, dit-il en abaissant les armes. La dernière fois que je l’ai vu comme ça, c’était…
La manière dont ses pupilles tremblèrent montra à quel point il était sincère.
- C’était lorsqu’elle se préparait au départ d’Alice. Quand elle faisait son deuil. Elle s’isolait pour pleurer, exactement comme en ce moment. Or, ma fille n’est pas du genre à réprimer ses émotions… C’est que c’est grave. Qu’elle est au plus, et je n’ai pas pu être aussi présent que je l’aurais souhaité quand sa mère est décédée, alors aujourd’hui, je voudrais… Je t’en prie, j’ai besoin de savoir. Pour comprendre, appuya-t-il en le voyant se manger compulsivement la lèvre inférieure. Au nom du code de la famille ?
Avec un grand sourire, qui n’effaçait pas ses inquiétudes, il aplatit ses mains l’une contre l’autre pour l’attendrir.
- Haha. Bien essayé. Si c’est ça, j’ai doublement raison de ne pas te le dire. Faye est autant mon amie qu’elle fait partie de ma famille, alors que toi…
- Ça va, ça va, j’ai compris !
Il n’espéra plus lui arracher la vérité, et pourtant, c'est à cet instant qu’il le vit se résigner. Embêté, Selim remua ses doigts dans sa chevelure.
- Tu promets de ne pas lui dire que je t’en ai parlé ? Faye a juste besoin de temps pour elle en ce moment.
- Oui, je te le promets !
Abdiquant, il soupira :
- Ils se sont séparés.
- … Séparés ?
Cette révélation eut l’effet d’une bombe dans le poitrail du Richess. Les raisons, il ne les auraient pas de sa bouche, mais qu’importe… Tout s’expliquait. Il avait pleinement conscience jusqu’ici que cela avait un lien avec Alex. Cependant, il ne se serait douté de leur rupture.
Imaginé à quel point son cœur devait être meurtri affecta le sien. Plus qu’imaginer, il le comprenait. Il n’y avait plus rien de douloureux que d’être arraché de sa moitié.
***
Ce fut avec le cœur serré que Selim remonta péniblement l’escalier. Il espérait que tout s'arrangerait entre ses amis. Du fait de les connaître autant l’un que l’autre, selon lui, Faye et Alex, cela avait toujours été une évidence. Ils ne pouvaient pas ne plus être ensemble. Pas même en ayant discuté si peu, mais là était bien le problème : ils ne discutaient pas, ils criaient.
Ces deux-là s'enflammaient toujours de trop, pour tout.
Au gré des marches, une horrible sensation s’installa dans son ventre. Il s’en voulait, car en parlant à Elliot, il jugea l’avoir trahi. Et pour le garçon, le respect de ses amis était primordial.
L’installation des Fast n’avait été qu’une excuse supplémentaire pour se rapprocher davantage de Faye. Non seulement, ils traînaient ensemble à l’école et à l’internat, mais aussi à la maison. À ce stade, les deux adolescents ressemblaient plutôt à des frères et sœurs, mais elle restait plus que tout son amie.
Selim fut obligé de constater que jongler entre les liens familiaux et l'amitié se voulait bien plus hasardeux qu’il ne l’avait imaginé. Mais en arrivant à son étage, il en vint à la conclusion qu’il devait exister un compromis. Si bien qu’il atterrît inconsciemment devant la chambre de Faye, au bout du couloir, constatant qu’elle était réveillée au filet de lumière qui s’échappait du dessous de sa porte.
Devrait-il… ?
Hésiter n'étant pas dans ses habitudes, il toqua et entra en ayant reçu un mince feu vert. La rousse se détendit en trouvant Selim. Elle était assise au bord de son lit, en alerte, sa crinière coiffée en une large tresse.
- Ça va ? Qui a gagné la partie ? lui demanda-t-elle, tout naturellement.
Il ne comprit pas où elle voulait en venir.
- Je vous ai entendu faire les fous.
- Oh... C’est Elliot qui a gagné.
- Pleure pas, plaisanta-t-elle, en trouvant qu’il avait une petite mine. Qu’est-ce qu’il y a ? Ça ne va pas ?
Selim ferma la porte derrière lui. Il se mit à gigoter son pied sur le sol, tel un enfant qui aurait commis une bêtise. Lorsqu’il se rapprocha, Faye se tendit et garda une main plaquée contre la couverture.
- Faut que je te dise un truc… Je pourrais pas le garder pour moi, lança-t-il, d’un air embêté. Je me suis battu avec ton père…
- Quoi ! Battus ? Mais pourquoi…
- Enfin, on s’est battus, gentiment, précisa-t-il. Parce qu’il voulait savoir pourquoi tu n’as pas le moral en ce moment, et je voulais pas lui dire.
Elle perdit sa voix, ainsi que son expression inquiète.
- … Et tu lui as dit ?
- Oui. Je suis désolé, dit-elle en baissant la tête. Je ne voulais pas, mais il a insisté et j’ai craqué. Je lui ai juste expliqué que vous n’étiez plus ensemble, rien d’autre, et je lui ai demandé de te laisser tranquille, aussi. Tu m’en veux ?
En s’asseyant à ses côtés, elle fit glisser son genou près du sien, là où sa main était placée juste avant.
- Non, je… je te remercie, en fait. Tu es gentil.
- Mais ! Je t’ai trahi !
Faye lui sourit, le regard plissé de douleur.
- Il n’aurait pas arrêté de me poser la question, et… je me sentais incapable de lui dire. Au moins, maintenant, il n’insistera plus.
- J’espère. Je lui ai demandé, en tout cas.
- Tu vois ? Je peux pas t’en vouloir, tu penses toujours aux autres.
Il n’était pas convaincu, embêté d’avoir mis ses valeurs de côté, mais si cela la soulageait d’un poids. Quand elle amena son genou contre sa poitrine, Selim remarqua la lueur dans ses yeux, les spots au plafond n’aidant pas à la cacher. Elle semblait bouleversée.
- Est-ce que… vous avez parlé un peu ?
Elle secoua vivement la tête de gauche à droite, les lèvres écrasées. Sa grimace lui fit mal au cœur, il se sentit impuissant.
- Et tu veux en parler ? lui proposa-t-il en appuyant sa main contre le matelas pour se rapprocher.
Selim cligna des yeux. Il sentit une bosse sous ses doigts. Intrigué, il pencha la tête et observa le vide se former dans les prunelles reluisantes de sa meilleure copine.
- C’est quoi ?
- Rien.
- C’est. Quoi ? insista-t-il en essayant de tâter l’objet, mais Faye s’assit dessus.
- Un truc que tu peux pas voir. C’est privé…
- Ha. Je vois. C’est un truc cochon.
- Ce n’est pas…
D’un coup, elle ravala ses paroles, ne voulant pas se justifier.
La seconde qui passa lui parut extrêmement longue, mais elle agit avec vitesse lorsque Selim la poussa hors du lit pour soulever la couverture. Elle se releva, le bois ciré, brûlant ses genoux, pour bloquer ses mains.
Il n’eut pas le temps de voir.
Une bataille débuta dans le lit, un jeu de force qui fit retourner les draps. Selim réussit à lui voler à nouveau et se plaqua contre le ventre pour le garder au chaud. Sentant que c’était un objet long, il songea qu’il avait peut-être attrapé quelque chose d’illicite.
- Ne regarde pas ! s’écria Faye en lui sautant dessus.
Écrasé par tout son corps, il évita les gestes qui tendaient à l’empêcher de voir, et rabattit son menton vers son cou pour y jeter un œil. Quand il se rigidifia, elle fit de même.
Selim entendit son soupir par-dessus son épaule et la sentit lâcher prise, sa poitrine se gonflant avant de s’écraser davantage sur son dos.
Il ramena l’objet plus près de ses yeux, tremblants. Elle était dans le même état, enfonçant sa tête à côté de la sienne, dans l’oreiller.
- Faye…
Ses doigts agrippèrent son t-shirt, au niveau de son épaule.
- T’es enceinte ?
Il battit des paupières quand elle les serra un peu plus, un reniflement s’échappant depuis le dessous du coussin. Son corps n’ayant plus de force, Selim se retourna tant bien que mal sous le poids de sa copine. Cela faisait deux fois en une soirée qu’un Fast lui passait au-dessus. Cependant, la fille refusait de montrer son visage. Il la poussa vers le haut, ses mèches défaites à cause de la bagarre, le dissimulant qu’à moitié.
- Faye, dis-moi, si…
En trouvant son expression déformée, des larmes tombèrent sur ses joues. C'étaient les siennes. Elle hocha de la tête, meurtrie, ses phalanges attachées fermement à son vêtement, cette fois, au niveau de son torse.
Vivement, et secouée par les hoquets, elle continua d'acquiescer.
Selim grimaça à son tour. D’un coup, il la tira vers lui et la serra de toutes ses forces, sa main glissée dans sa chevelure. Il la caressa, lui aussi, en pleurant. Faye relâchait tout, ses pleurs étouffés dans les couvertures.
Il savait que c’était une mauvaise nouvelle, et quand elle trouva la force d’enfin aligner quelques mots, Selim se sentit coincé :
- Pitié… le dis à personne.
Une plainte lui échappa. Il la tint plus fermement, désolé. Désolé de la situation, mais plus encore par son incapacité à mentir, car cela, peu importe à quel point il l’aimait, il ne pourrait pas le garder secret.
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