Chapitre 36 : Côte à côte.
La longue journée du lundi s’était soldée par un cours de Sylvia Leli particulièrement silencieux pour les cinquièmes D. La charmante professeure, dont les discours étaient toujours réchauffés par ses lèvres rouges, ainsi que par ses grands rires complices avec ses élèves, avait perdu toute étincelle dans l’ambre de ses prunelles. C’était curieux ; mais pas plus que la soudaine disparition de Faye en classe. Et il n’en allait pas moins de la réaction de ses pairs.
Alors que personne n’avait pu passer à côté de cette nouvelle page d’actualité à Saint-Clair, qui concordait parfaitement avec le retour d’Alex, la cour était restée bien calme. Comme si la neige avait eu raison des rumeurs en les tapissant, à l’instar des toits de l’école.
Déguisée en blanc, celle-ci donnait l’impression d’être enveloppée par les bras d’un ange géant, qui dans le noir, s’était mis à scintiller.
La faute aux basses températures, qui une fois la nuit tombée, avaient cristallisé le tout, et par la même occasion donné un nouveau challenge aux internes. En effet, une fois le repas du soir terminé, la marche jusqu’à l'internat se révéla plus ardue qu’un parcours du combattant.
À la suite les uns des autres, et emmitouflés dans leurs gros manteaux, les Richess piétinaient la neige comme des pingouins sur leur banquise. Ils ne glissaient pourtant pas. Au contraire, leurs grosses bottines s’enfonçaient de plus en plus dans la poudreuse. Au moment de se quitter, Selim et Nice se dirigèrent ensemble vers le même bâtiment. Ce dernier poussa un immense râle en arrivant dans le hall d’entrée, et entreprit de claquer ses chaussures contre le tapis de l’entrée. Nice l’imita en ôtant son couvre-chef. Comme d’habitude, elle avait été plus prévoyante que son amoureux, qui en grognant, se mit à secouer la tête comme un fou. Sa mauvaise humeur n’avait cependant rien avoir avec la neige ensevelie. Habituellement, il aurait même été friand de s’y jeter la tête en première. Son cœur n’y étant pas, il gravit les marches de l’internat d’un pas particulièrement lourd. Nice en connaissait parfaitement la raison :
Leur grande copine rousse ne s’était pas non plus présentée au réfectoire le soir venu, et pour pallier cette situation gênante, Selim s’était à nouveau transformé en comique de service. Autour de la table, personne n’avait osé aborder le sujet, tandis que la présence d’Alex avait été au contraire plus que notée. Ce dernier eut de la chance malgré tout : aucun petit photographe n’était venu lui tourner autour.
La drôle d’ambiance, cela dit, avait fait progressivement perdre son sourire à Selim, qui s’éteignit une bonne fois pour toute en atterrissant au pas de la porte de sa chambre. Il y entra à contre-coeur, en marmonnant :
- J’espère qu’elle va bien…
Sa veste abandonnée au sol, il attrapa son téléphone pour le consulter une énième fois, et fronça les sourcils en guise de mécontentement. Toujours aucun message…
- Tu es inquiet… ? lui lança Nice, ce qui lui fit relever la tête d’un coup, comme s’il venait de voir un extra-terrestre.
- Elle est partie sans rien dire, bien sûr que je suis inquiet ! D’habitude Faye envoie toujours un message… Imagine, dit-il avec crainte, qu’elle soit malade et qu’elle n’ait rien dit. Ou qu’elle ait fait un malaise ! On doit aller la voir !
Prêt à braver à nouveau la neige pour son amie, Selim empoigna sa doudoune avec force. Mais Nice l’empêcha de se hâter en lui faisant barrage.
- Non, attends... Je… lui ai parlé ce midi, avoua-t-elle, rapidement.
- Vous avez parlé ? répondit Selim, consterné. Tu veux dire que vous vous êtes disputées ?
Il avait tout compris.
- Mais pourquoi ! Faye et toi êtes copines !
Sa posture avait complètement changé, et face à son ton réprobateur, Nice pinça les lèvres. En la voyant détourner la tête, il se décomposa :
- Vous ne devez surtout pas vous disputer… Tu sais…. qu’elle a tout sauf besoin de ça pour le moment. Tu le sais, n’est-ce pas ? chercha-t-il à la faire parler.
- Je le sais, grogna Nice.
- Alors, qu’est-ce qui s’est passé ?
- Rien, fit-elle, en croisant les bras.
- Mais si dis-moi…
- Rien, je te dis ! Tu… comprends pas de toute façon ! Toi, Faye, personne ne m’écoute ! Elle…
Elle se laissa tomber au bord du lit, frustrée. Selim la rejoignit aussitôt. Il ramena ses mains autour de ses poings serrés.
- Elle ne veut pas parler à Alex. Ça me rend folle ! Je ne sais vraiment pas ce qu’elle attend !
- Elle a peur, lui souffla Selim.
- C’est pas une raison !
- Bébé. Pourquoi est-ce que ça t’énerve autant ?
- Ça ne m’énerve pas, c’est juste que… !
En enfonçant ses prunelles dans les siennes, Nice remarqua la façon dont il la regardait. Elle les descendit d’un cran et suivit l’index que Selim pointait vers le miroir en face d’eux. Elle vit alors son visage. Ses traits serrés. Une fois encore, elle préféra s’en détourner.
- Elle ne peut pas avorter, déclara-t-elle, renfrognée.
Cette information sembla tomber du ciel.
- Pourquoi pas ? répondit Selim.
- Comment ça, pourquoi pas ?? Ne me dis pas que tu es pour…
- Arrête. Tu sais très bien ce que j’en pense. Et tu sais que si c’était nous, ce serait différent. Mais on parle d’Alex et de Faye, là. Ils sont différents…
- Oui, ils sont cons !
- Bébé…
- Faye n’est qu’une tête de mule et Alex, lui… Il ne pense qu’avec sa bite, celui-là !
Bien qu’il manqua de rire, il se retint en voyant la moue agacée de Nice remontée de plus en plus. Débordée par les larmes, elle laissa échapper ensuite un gros sanglot.
- Comment veux-tu que les choses s'arrangent entre eux avec tout ça ? Ça gâche tout ! Si elle le fait, plus rien ne sera pareil. Entre eux, entre nous tous ! Tout est… ! Tout est en train de changer, et je ne le supporte pas !
- Mais non, dit-il pour la rassurer.
- Mais si ! Tu ne vois pas ? Laure s’est transformée en psychopathe ! Loyd est à sa botte,... Kimi râle encore plus qu’avant ! Et Sky sort avec Jena ! Avec Jena, tu te rends compte ?
- Eh bien quoi ? Ils ont l’air plutôt amoureux…
- C’est ça, fit-elle en reniflant. Tu es bête comme tes pieds toi aussi !
- He ! Je ne te permets pas !
- … Pardon.
Il lui glissa un fin sourire.
- Et maintenant, ça, souffla-t-elle. Je ne veux pas les voir se séparer.
- Moi non plus, dit-il, en pressant sa main contre la sienne. Mais je ne veux pas non plus que vous vous disputiez. Alex et Faye sont nos amis, ils ont besoin de nous… Elle a besoin de toi.
Nice renifla un grand coup, en grimaçant. Elle lui donnait raison, mais selon elle, ça ne changeait pas un certain point.
- Même si je mets de côté mes convictions, dit-elle durement, je suis inquiète qu’elle ne lui dise rien. Il mérite de savoir.
- Elle va le faire.
- Comment peux-tu en être si sûr ?
Il n’en savait rien du tout, mais Faye ne pouvait pas attendre indéfiniment… Il finirait par s’en rendre compte, et à ce moment-là, il serait trop tard pour prendre une décision. Il comptait aussi sur la détermination d’Alex, et comme pour lui donner raison, son téléphone s’illumina. Il montra le message à Nice :
- Tu vois, il y en a au moins un des deux qui prend les devants.
***
En effet, Alex avait décidé de faire le premier pas. Il se retrouva donc devant la chambre de Faye, plus nerveux qu’il ne l’avait jamais été. Et bien qu’il était persuadé que cette porte ne s’ouvrirait pas, il ne se dégonfla pas.
Lorsqu’il toqua à la porte, le sac qui pendouillait à son bras se chiffonna. Il était venu préparé. Il attendit ensuite, avec pour seul bruit, le vacarme qui s’exerçait sous son grand poitrail. Sous celui-ci, son cœur tordu se mit à ralentir.
Rien.
C’était comme il l’avait imaginé, Faye ne voulait pas…
- …
Ce fut au tour de son estomac de se tordre. Bien qu’elle apparut silencieusement, Faye parut aussi foudroyée que lui. Les mèches folles autour de son visage représentaient parfaitement son état, et ressemblaient au capharnaüm qu’il aperçut par-dessus de son épaule. Sa chambre était méconnaissable. Il ne l’avait jamais vu ainsi. Plus qu’embarrassée, Faye était stupéfaite. À aucun moment, elle ne tenta de se recoiffer ou de cacher le bazar dans son dos. Elle le fixa, simplement, en battant des paupières. Lui se retrouva bête, à fouiller ses yeux noyés. Ceux-ci l’hypnotisèrent, leurs allers-retours dans les siens lui criant de l’enlacer.
D’un coup, Alex fronça les sourcils :
- J’ai pensé que tu aurais faim, dit-il, en s’efforçant de récupérer son sang-froid.
Face au sac qu’il lui présenta, Faye resta muette. Elle se mit ensuite à se tortiller, les jambes, les doigts, les lèvres,...
- … Tu m’as apporté à manger ?
C’était bête, mais c’était tout ce qu’elle arriva à lui répondre.
- Oui, fit Alex, qui était sensible à sa voix amoindrie. J’ai…
Il enchaîna plus brutalement qu’il ne l’aurait voulu, rattrapé par une timidité qu’il ne se connaissait pas.
- J’ai pris des pâtes froides, et pour le dessert, un brownie. On ne pourra pas le réchauffer, mais c’est toujours ça, enfin,...
Ses joues se réchauffèrent avec l’impression de cafouiller. Il ne savait pas comment s’y prendre : il était nul.
- Si tu veux bien qu’on le mange ensemble.
Sans réaction immédiate de la part de sa rousse, il préféra lui coller le paquet directement entre les mains. Faye grimaça en le récupérant de justesse. Elle non plus ne l’avait jamais vu agir de la sorte. Elle analysa le contenu du sac durant des secondes qui parurent durer des heures à Alex. Quant aux lèvres qu’elle pressait nerveusement ensemble, elles le torturaient. Si la situation avait été différente, il l’aurait embrassée. Cela le frappa quand elle releva ses yeux en sa direction. Elle en avait peut-être aussi envie…
- Oui.
Il eut une palpitation.
- On peut manger ensemble, sauf si…
C’était ça son problème. Ce qui les avait poussé à de nombreuses disputes qu’il n’était plus arrivé à gérer. Faye perdait confiance en elle à une vitesse folle.
- … tu n’en as plus envie.
- Si, je… ! J’ai envie qu’on mange ensemble, répondit-il, fermement.
- Alors…
D’un mouvement peu assuré, elle l’invita à entrer. Lorsqu’elle lui tourna le dos pour se diriger vers son bureau, il détailla sa longue crinière. Faye y déposa les affaires, et commença à les déballer. Il adorait le feu de sa chevelure. Celle-ci s’arrêtait juste au-dessus du creux de ses reins. Il essaya de ne pas s’attarder dessus, mais… Il aimait tellement l’attraper par la taille, glisser ses doigts entre ses boucles,...
Un cahier qui tomba le ramena à la réalité. Le désordre s’était répandu partout dans la chambre de Faye, et il s’ancra dans la tête de cette dernière, quand, en essayant tous deux de le ramasser, leurs épaules se touchèrent. Face à son sursaut, Alex s’excusa.
- Désolé, je…
Bouleversée, Faye le dévisageait, la barquette de pâtes collée à la poitrine, comme si elle souhaitait créer un mur entre eux. Alex s’attarda dessus, puis sur son visage rougi. Elle était divinement belle. Même après avoir pleuré.
Parfois même encore plus après avoir pleuré.
Il nota dans ses yeux tristes, cette agitation, qui l’amenait d’habitude à la réconforter dans ses bras. Il se demanda s’il avait le droit… Durant ce temps, son corps bougea malgré lui devant lequel Faye n’émit aucune résistance. Elle se laissa saisir, doucement, puis plus fort, Alex la rapprochant au plus près de son cœur. Son nez enfoui dans sa chevelure, ce dernier émit un soupir. Il l’aimait à mourir. Les phalanges coincées entre ses mèches, il se décolla pour amener sa joue contre la sienne. À son oreille, il lui chuchota.
- … je t’aime tellement, répéta-t-il. Si tu savais comme je m’en veux. Pour tout…
Faye émit un hoquet entre ses lèvres mordues, en s’agrippant à ses vêtements.
- Non…
- Oh si, je t’aime, et je suis désolée…
Elle se mit à secouer la tête, entre ses paumes.
- Non, je veux dire… Tout ça, je…
Les mots écorchaient sa gorge, comme si elle était en train de prendre feu.
- Je ne veux plus parler de tout ça !
En effet, le passé n’avait plus d’importance. Elle voulait en faire fi, en prévision de l’avenir. Alex fut scotché par la brutalité de son regard lorsqu’il le rencontra. À deux pas de ses lèvres, il sentit sa respiration saccadée. Elle avait peur. Mais il n’y avait pas de raison, pensa-t-il. C’était sa petite amie. Puis, il réalisa. Sa petite amie ou son ex ? Avec cette pensée, chamboulé, il l’embrassa, à pleine bouche. Passionnément. Sans lui laisser le temps de respirer. Faye, guidée, se sentit implosée. Qu’était ce… ? Cette brûlure sous sa ceinture. En répondant à ce savoureux baiser, elle la sentit plus fort encore, cette chaleur qui grimpait en même temps que ses doigts descendirent pour se presser autour de sa taille. Empourprée, elle le repoussa. Alex était tout défait.
- Excuse-moi, je… j’ai été trop vite ?
Il remarqua la main qu’elle avait glissée sur son ventre.
- Tu ne te sens pas bien ?
- Oui, non, bégaya-t-elle. Oui, ça va trop vite…
- Désolé. Je ne voulais pas te presser, hum, si tu veux… on peut s’asseoir, et discuter ? proposa-t-il, en même temps qu’il essaya de récupérer sa main.
- Non !
Faye la chassa si fort, qu’elle fut elle-même horrifiée de son geste. Et face à l’expression qu’il lui montra, elle se replia, en essayant de se justifier :
- Je ne veux pas qu’on fasse l’amour.
- Oh, fit Alex, très calmement, en levant les mains. Non, bien sûr, on ne va pas faire l’amour…
- Je ne veux pas, répéta-t-elle, la gorge nouée.
- Ce n’était pas mon intention…
Sévèrement, elle jeta un bref regard à son entre-jambe.
- Ne… fais pas attention à ça, dit-il, gêné. Je t’assure, je n’y comptais pas… C’est juste que, si on s’embrasse ou si je te prends dans mes bras, je me sens comme ça, mais… Tout ce que je veux, c’est… être avec toi, Faye. Être près de toi.
- Vraiment… ? demanda-t-elle, sur la réserve.
- Oui, et j’ai besoin que tu me crois. Je veux que tu me fasses confiance quand je te dis que je veux être avec toi, et uniquement avec toi. C’est toi. Ça a toujours été toi ! Alors…
Il déglutit. Ému.
Faye desserra les bras.
Confiance, hein ? Elle les plaça ensuite autour de son ventre, mal à l’aise. À son tour, elle déglutit. Il fallait qu’elle lui révèle son secret.
Intuitivement, Alex l’aida en se rapprochant :
- Oui ?
Elle ouvrit la bouche en tombant dans ses yeux lumineux. Elle voulait lui dire. Elle devait lui dire, sinon quelqu’un d’autre finirait par le faire à sa place.
- Je…
- Tu veux que je m’en aille ?
- Non ! Ce n’est pas ça ! Je veux que tu restes ! En fait, je…
Alex déposa sa paume contre sa joue pour l’encourager. Elle s’accrocha à lui, mais elle n’y arrivait pas. Son visage se déforma. C’était trop dur.
- Je…
Il n’y avait qu’une chose qu’elle pouvait lui assurer :
- Je t’aime.
Ses larmes dévalèrent le long de ses doigts qui se ramollirent. Devenu coton, Alex s’apprêta à l’embrasser, puis il marqua une pause. Il hésita, mais Faye le tira en sa direction. À défaut de pouvoir lui dire, elle l’aimait.
***
Il fallait qu’il raconte tout ça à Selim.
D’un pas rapide, presque en courant, Alex traversa le couloir qui menait à la chambre de ce dernier. Il y entra en trombe, comme un ouragan :
- C’est bon ! s’écria-t-il.
Tout essoufflé, Alex écarquilla les yeux, en voyant son meilleur ami basculé sur son lit et porté sa main à sa poitrine.
- Qu’est-ce qu'il y a ?
- … Qu’est-ce qu’il y a ! J’ai eu la peur de ma vie ! s’écria ce dernier, à son tour.
- Bah quoi, je…
- On rentre pas dans la chambre des autres comme ça, et si j’avais été occupé ?
- C’est pas ton knaki qui va me faire peur, déclara Alex, d’un air blasé.
- Mais moi, je… - Selim tilta - C’est pas un knaki !! Ha, peu importe, me fait plus jamais ça, grogna-t-il, avant de pousser un large soupir.
Il ne fallut pas longtemps pour que les garçons se jettent un même regard complice. Alex avait au moins eu la décence de lui envoyer un sms pour le prévenir de son arrivée. Il ne s’était simplement pas attendu à ce qu’il arrive aussi vite. Fort heureusement, Nice était déjà partie. Il avait demandé à cette dernière de les laisser… Entre mecs, car une conversation s’imposait. Un sourire partagé plus tard, Selim devint plus que sérieux.
- … Vous vous êtes réconciliés ?
Comme réponse, il vit Alex porter ses mains à son visage, tant il était heureux. Il fit même un tour sur lui-même, irradiant de joie.
- Oui ! s’exclama-t-il, les deux poings serrés. Ha, mec si tu savais ! Comme je l’aime ! Tellement !
- Waw, lança Selim, subjugué par cet élan d’amour. C’est… plutôt bon signe ?
Il ne l’avait jamais vu aussi expressif et rebondissant.
- Ouais, fit Alex, en se mordillant la lèvre inférieure. C’est bon signe.
- Vous êtes de nouveau ensemble, alors ?
- Bah… on s’est embrassés, dit-il, comme s’il revivait la scène. Et c’était incroyable ! C’était comme si on s’embrassait pour la première fois ! J’aurai encore pu rester des heures comme ça, mais… il fallait aussi qu’on réfléchisse un peu chacun de notre côté, ajouta-t-il, en se grattant l’arrière de la tête. Faye avait besoin d’espace, elle ne se sentait pas très bien…
- J’imagine, fit Selim, un peu mal à l’aise. Et euh…
Il avait un tas de questions, qu’il ne savait pas comment poser. Extatique, Alex se plaça aux côtés de son meilleur ami pour l’écouter. Il le regarda droit dans les yeux. Selim n’étant pas tout à fait sûr de lui, il se mit à frotter ses paumes ensemble :
- Du coup, tu le prends comment ?
- Quoi ? Quelle question, je suis trop content !
- Oh, je pensais que… tu serais un peu flippé quand même…
Un instant, Alex réfléchit.
- C’est vrai que j’ai eu peur. Mais pour Faye, je ferais n’importe quoi, déclara-t-il.
- … Waw, fit Selim, en enfonçant son visage entre ses mains. Je suis vraiment content, dit-il, ému et soulagé.
- Hey, pleure pas, haha.
Réconforté par son ami, Selim essuya une larme naissante, penché sur lui-même.
- Ouais, je suis vraiment content pour vous, répéta-t-il. Et pour le petit ou… la petite, rit-il, en désignant son ventre. Quoi que ce soit.
En sentant la main d’Alex se desserrer progressivement et glisser de son épaule, Selim se tourna vers lui. Il se figea en voyant son visage livide. Il avait gaffé.
- Quoi ? fit Alex, en se reculant.
Il lança une œillade au ventre qu’il venait de lui présenter. La façon dont Faye avait tenu le sien à plusieurs reprises, lui revint en mémoire.
Il fixa son meilleur ami, confus :
- La petite ? Je ne comprends pas…
En réalité, il avait déjà compris, et Selim n’avait jamais su mentir. Sous son regard qui devint sévère, ce dernier faiblit.
- Elle est enceinte ?
- Alex…
- Est-ce qu’elle est enceinte ?! s’écria-t-il, en se redressant.
Selim baissa la tête. Il ne voulait pas le croire. Ils venaient de passer toute leur soirée ensemble. Et elle ne lui avait rien dit ? Pourquoi ?
- Non, fit-il, c’est…
- Je suis désolé…
- C’est impossible.
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