L'AURORA
LUCAS
Deux semaines plus tôt
Assis confortablement dans un fauteuil Chesterfield de velours rouge, je savoure avec délice mon verre de Macallan dans notre loge VIP de l'Aurora Club. Au fond de moi, même si je semble jouir d'une attitude totalement décontractée, je sais très bien que c'est loin d'être le cas.
En toute franchise, je suis très contrarié d'être forcé d'assister à cet événement. En général, je m'arrange toujours pour trouver une raison valable qui me permette d'échapper à cette invitation que lance le Club chaque huitième jour du mois de Mai.
Mais cette fois, j'ai été littéralement pris de court une semaine plus tôt par Casey, ce qui m'a empêché, de ce fait, d'élaborer un plan pour m'épargner cette corvée. Et, n'ayant aucun argument recevable pour m'opposer aux sollicitations de mes deux meilleurs amis, je n'ai pas eu d'autre choix que de venir à cette vente aux enchères.
Une adjudication que je réprouve totalement, soit dit en passant. Même si tout ce qui se passe durant celle-ci est basé sur des règles totalement consensuelles, préalablement établies. Andres, ironique et aussi cynique que moi, a pour habitude de dire que ce n'est qu'un échange de bons procédés.
Pour ma part, vendre sa virginité au plus offrant n'a rien d'un échange équitable. Bien que je sois un dévoyé dans l'âme, je possède encore certaines valeurs inculquées par ma caractérielle de mère. Contrairement à Andres et Casey mes deux meilleurs amis, qui considèrent qu'il n'y a rien de mal à ce qu'un homme paye pour avoir ce que les femmes perdent gratuitement, et parfois qu'importe leur malheur.
C'est pourquoi, bon gré mal gré, je me retrouve coincé dans cette loge. Une musique hypnotique et sensuelle flotte dans l'air pendant qu'une scène extatique se joue sous nos yeux, alors qu'un couple, au rythme de la musique, se livre à une démonstration artistique et érotique de toute beauté.
À l'inverse d'autres clubs, celui-ci n'a rien d'ostentatoire, ni de vulgaire. Tout y a été pensé avec soin afin de donner aux élus l'impression faste de toucher au divin. L'Aurora est vraiment une œuvre d'art à elle seule. Et je salue franchement le génie de celui qui a su conserver l'âme du bâtiment, tout en lui insufflant une part de modernité et de mystère.
Cet endroit est véritablement un travail de maître. Construit sur trois niveaux, il possède une salle de spectacle, des appartements, des donjons élégants, des vestiaires de luxes, différentes chambres privatives et communes ainsi qu'une décoration entièrement dédiée aux plaisirs des sens.
Personne n'a jamais pu découvrir la véritable identité du propriétaire des lieux et pour cause, l'établissement est mieux protégé que l'Elysée lui-même, puisqu'il possède un système de surveillance à la pointe de la technologie et des gorilles. Cependant, de nombreuses personnes spéculent et font pulluler des rumeurs selon lesquelles le propriétaire serait une femme.
Pour preuve, selon beaucoup, le pseudonyme de Vénus présent sur tous les cartons d'invitation envoyés par le club. Les rumeurs les plus folles circulent parmi les membres, sans que quiconque n'ait pu établir la vérité sur l'identité de cette femme mystérieuse.
Par ailleurs, vu le prestige et la réputation du lieu, L'Aurora peut se permettre de choisir ses adhérents, donc peu de gens tentent de pousser les investigations plus loin. Il faut dire que ceux qui ont cherché à s'en prendre à Vénus l'ont fait à leurs risques et périls. Certains l'ont d'ailleurs payé très cher.
Entouré de mes amis, j'attends le début de la soirée avec une certaine amertume.
- Franchement, les mecs, comment j'ai pu vous laisser me convaincre de participer à cette vente aux enchères ? dis-je à Andres et Casey.
- Le plus facilement du monde, Lucas, puisque tu es là et que tu n'as pas pu résister à l'appel de la salle des ventes de l'Aurora ! me répond Andrès du tac au tac. Casey se met à ricaner, puis rétorque.
- Tu n'aimes pas voir toutes ces vierges parées au sacrifice ? Je lui lance un regard circonspect et son sourire se fait plus large.
- Tu n'es pas obligé de surenchérir si tu ne le souhaites pas, mais avoues que le spectacle est tout à fait excitant ! Voir toutes ces filles apeurées et innocentes vendues les unes après les autres à quelque chose de très décadent.
Une lueur passe dans les yeux de Casey et je comprends que mon ami n'a pas fait une croix sur une certaine résolution. Mais je sais que je ne dois en aucun cas évoquer le sujet, donc je fais semblant de rien.
Je décide de prendre une position confortable dans notre loge afin d'assister à la vente quand soudain, une lumière plus vive se dirige sur l'une des filles. Je vous jure, de toute ma vie, je n'ai jamais vu une femme aussi belle. Je me redresse dans la pénombre pour mieux la contempler et reste complètement figé devant tant de grâce et de sensualité.
Sans m'en rendre compte, je pose à mes amis la question qui me brûle les lèvres.
- Qui est cette fille ?
Andrès pivote vers moi et secoue la tête. Quant à Casey, un rictus sarcastique s'affiche sur son visage, il se retourne vers la scène et me balance.
- Je te conseille d'oublier cette nana, et vite ! Ce n'est pas une femme, c'est le diable. Je sais très bien ce que tu vois et je suis entièrement d'accord avec toi. Elle est magnifique, presque divine et irréel, mais jamais elle ne se donnera à toi !
Je ne peux accepter ce conseil, j'ai toujours tout eu, tout acquis par la seule force de ma volonté, comment ne pourrais-je pas conquérir une simple gonzesse ? J'ai réussi à faire d'ArchITL & Co une entreprise internationale cotée en bourse, malgré la pression, et les oppositions que j'ai rencontrées, donc je pourrait aisément faire flancher cette femme.
- Tu comptes n'en faire qu'à ta tête, c'est ça ?
J'allais répondre quand Casey décide d'intervenir à nouveau.
- Je te le déconseille, mon vieux, mais si tu tiens à poursuivre dans cette voie, je suis prêt à y mettre un prix.
Son regard se fait moqueur et joueur. Je le défie également, puis lui demande.
- Que veux-tu dire par y mettre le prix ?
Il sourit à nouveau et je comprends que je pourrais bien me faire avoir, mais je continue malgré tout.
- Parions !
- Que veux-tu que nous parions ?
Il me fait face avec cette lueur défi qui n'appartient qu'à lui.
- Kelly ! Je veux Kelly !
- Ma soeur !? Pourquoi laisserais-je une pareille chose se produire ?
- Parce que tu sais que je l'ai toujours voulue. Tu ne peux pas la protéger éternellement, Lucas ! Et puis, tu ne recules jamais devant un défi !
Je me retourne vers Andres et lui demande.
- Tu souhaites participer ?
- Pas vraiment ! Disons que ma participation est fictive, c'est simplement pour le plaisir de te voir échouer !
Nous trinquons afin de sceller notre accord.
Or, attiré comme un aimant par cette femme, mon regard dérive sur elle à nouveau et je repose ma première question.
- Qui est donc cette femme ?
Casey se fait un plaisir de me répondre.
- Ley Carré.
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