UNSTABLE
LUCAS
La Maybach 62s landaulet sillonne les rues de Paris au ralenti. Mais, pour une fois, les embouteillages qui bouchonnent la capitale ne me dérangent pas. Ley Carré coincé entre moi et l'accoudoir des deux élégants fauteuils en cuir blanc Grand Nappa de la voiture, continue de se débattre. Pratiquement avachie sur mes genoux, elle tente vainement de rejoindre la deuxième place assise, mais je ne lui en laisse pas l'opportunité. La sentir contre moi est la meilleure sensation du monde alors impossible pour moi de me détacher d'elle.
Voyant qu'elle ne parvient pas à s'éloigner de moi, elle clame son mécontentement.
- Relâchez-moi, Lambert ! De quel droit vous permettez-vous ? Lâchez-moi, vous dis-je, imbécile.
Elle siffle d'irritation et m'insulte à profusion mais je ne m'en soucie pas le moins du monde. Fasciné comme je le suis par elle, je m'approche de son visage tentant de prendre sa bouche. Un plaisir qu'elle me refuse, puisse qu'elle m'administre une gifle retentissante.
La brûlure du plat de sa main rencontrant mon visage me picore d'abord la peau à m'incendier les joues. Puis un froid cuisant m'anesthésie à tel point que des spasmes de douleurs font vibrer mon faciès. Mais plus que la blessure physique, c'est mon amour-propre qui en prend un réel coup. Dans son élan, elle tente à nouveau de me donner une seconde claque lorsque que je saisis sa main pour l'empêcher de ma frapper.
Je la soulève et l'installe de manière plus confortable sur mes jambes en prenant soin d'entraver ses mains. Elle proteste de rage en essayant de se délivrer de ma prise, par tous les moyens. Sauf que j'attrape la pochette de soie de mon costume et effectue un lien serré de fortune autour de ses poignets délicats. J'écarte ses jambes afin qu'ils entourent mes cuisses et fait passer ses mains liées autour de mon cou. Sans un mot, je me penche légèrement et remonte la vitre opaque de séparation chauffeur afin de nous accorder un plus d'intimité. Puis fixe mes yeux dans les siens, si beaux, si enragés ; si spirituels presque dévot.
Pour elle, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. En colère, ses iris lancent des éclairs et sa bouche se plisse de dégoût avant qu'elle ne me crache de colère.
- Comment avez-vous pu faire ça ? C'est du kidnapping Lambert ! Êtes-vous devenu complètement fou ? Laissez-moi descendre immédiatement !
Un sourire fleurit sur mes lèvres en apercevant à quel point ses yeux sont brillants de contrariétés. Bien loin de m'offusquer, son attitude attise ma convoitise et fait raidir ma queue. Si elle pouvait seulement se voir, elle comprendrait que la colère ne l'a rend que plus belle.
Je ne lui réponds pas, approche ma bouche de ses lèvres aux accents de fruits mûres et m'enivre de son souffle ardent. Ses pupilles se dilatent et je sais que bien loin de me repousser malgré ses protestations Ley me désire avec une intensité identique à la mienne. Lentement, de langue, je lèche ses lippes de gourmandise.
Sa respiration devient plus courte et j'ai la sensation d'entendre son rythme cardiaque s'affoler comme celui de mon propre cœur. Cette femme me rend faible. Sa détresse affichée retourne quelque chose en moi. La douleur lui colle tellement à la peau qu'il est presque invraisemblable de ne pas se rendre compte qu'un truc la déchire.
Je voudrais pouvoir être capable de l'oublier, mais je n'y arrive pas. Je veux la posséder afin qu'elle soit mienne. Et même si je n'arrive pas à comprendre ce besoin quasiment obsessionnel de l'avoir rien qu'à moi, je sais que je ne peux faire autrement que la poursuivre.
Alors de nouveau, je pose ma bouche contre la sienne. Le baiser est d'abord doux et aussi léger que les battements d'ailes d'un papillon. Sauf que son goût m'étourdit à un degré si élevé que j'acquiers la certitude qu'il nous en faut davantage. Par conséquent, je tente d'accroître l'appétit qui nous consume en la poussant à ouvrir sa cavité humide.
De baisers en baisers, elle s'ouvre petit à petit jusqu'à enfin entrouvrir les lèvres. Cette petite capitulation fait disjoncter le peu de contrôle que j'ai encore sur mes sens. Je prends possession de ce qu'elle m'offre et insère ma langue dans sa douceur. Sa saveur est mille fois mieux que ce que j'ai pu avoir de d'autres femmes. Explorer cette moiteur divine à la sapidité d'une première fois.
À tel point qu'il était inenvisageable que je m'arrête même pour inspirer. Les choses s'emballent et mes mains s'égarent sur son corps par-dessus sa robe. Mon sexe déjà dur, grossit pour se loger directement entre ses cuisses contre la culotte qui frotte sur sa fleur humide. La chaleur déjà présente dans l'habitacle augmente de plusieurs degrés et mon excitation plus qu'exacerbé explose littéralement.
Des soupirs sensuels s'échappent de nos bouches. Les attouchements se font de moins en moins innocents, car mon envie d'elle devient plus vive. Mes doigts se faufilent sous les rebords de son vêtement prêt à imprimer mon toucher sur sa chaire lorsqu'une larme sortie de nulle part dévale les joues d'une Ley paniquée. Sa voix comme un gémissement affligé me supplie de désespoir.
- Arrêtez Lucas ! S'il vous plaît arrêtez !
Comment veut-elle que je m'arrête ? Figé de frustration, j'ai l'impression de devenir dingue. Ne voit-elle pas à quel point, j'ai soif de me libérer de ce feu qui me ronge ? Une flambée charnelle qui nous dévore mutuellement quoiqu'elle en disent. Car si ses mots disent non, les frissons de concupiscences qui l'ont fait frémir dans mes bras semblent démontrer bien autre chose.
Seigneur, que veut-elle ? Me rendre cinglé !
Si c'est ce qu'elle souhaite, elle n'a assurément pas besoin de jouer d'artifices parce que je suis pratiquement taré. Ne sait-elle pas ce qu'elle me fait ? Nous avons franchi une ligne qui nous brise à en avoir peut-être mal, mais maintenant, je ne désire rien d'autre qu'elle. J'essaye d'avancer vers sa fente mouillée sauf que ses larmes redoublent.
Déchirant ses pleurs et ses supplications sont à peine audible, car ils sont submergés par une tristesse immense contenue dans sa voix.
- Je vous en prie pas ici. N'y touchez pas Lucas. Pas là ! Pas comme ça, mon Dieu.
Sa peine est quasi physique alors qu'elle cite les mêmes paroles comme litanie de détresse. Je la caresse dans l'espoir de l'apaiser, lorsque mes pouces rencontrent sous le fourreau de sa robe ce qui semble être des cicatrices. La peau de son entrecuisse est parfaitement irrégulière comme si elle avait été écorchée.
Misérable, Ley devient hystérique et débite des choses parfaitement incompréhensibles.
- Quoique je fasse, je lui appartiendrais toujours. Laissez-moi, je vous en prie. Ne voyez-vous pas que je suis à lui. À lui !
Ne saisissant strictement rien, je formule la question qui semble l'anéantir.
- Lui !? Mais de qui parlez-vous ?
Éteinte, elle me répond.
Mon mari. Morte ou vivante, je serais toujours à lui.
Elle se met à trembler, et l'effroi transforme l'expression de son visage en un masque de terreur. Son mari ? Mais qui peut bien être ce type et que lui a t'il fait pour qu'elle ait aussi peur de cet homme ? Andrès et Casey m'ont assuré qu'il n'y avait pas d'homme dans son entourage. Alors un conjoint, c'est juste improbable pour une femme comme elle.
Son angoisse maladive se mue progressivement en abattement, car elle sanglote sans bruit et trésaille juste de chagrin. Elle se balance sur mes genoux d'avant en arrière, comme si elle cherche subtilement à apprivoiser sa peine. Je me raidis en comprenant que je viens certainement d'alimenter un malaise physique et psychique qui semble la hanter.
Mais que puis-je faire ? Elle me tient et détient. Suis-je si lâche ? La vouloir m'aveugle à un degré que je pourrais faire n'importe quoi pour la goûter rien qu'une fois. Même si je sais qu'une fois ne suffira jamais. Cette certitude est si intense qu'il m'est inenvisageable de la laisser s'en aller. Mon attitude est sans aucun doute obsessionnel, mais c'est ainsi que je le perçois.
Peu m'importe son mari, peu m'importe son passé et peu m'importe sa souffrance, je veux être le seul à qui elle appartient. Je ne suis pas lui, en conséquence, je ne peux pas lui faire de mal. Au moment où je me fais cette pensée, elle souffle d'amertume.
Vous êtes tous des monstres.
Incrédule, je la regarde sans comprendre. Or, elle cite les mêmes mots avec une légère nuance comme une fatalité amère.
- Vous les hommes, vous êtes tous des monstres.
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