Derrière son écran, l'homme relisait une dernière fois ses mots. Assis sur une confortable chaise de bureau toute de cuir recouverte, braguette ouverte, il caressait avec lenteur son sexe dressé. De l'étage inférieur émanaient les bruits de la vie quotidienne : le souffle de la hotte, les casseroles qui s'entrechoquaient, la porte d'un frigo qui claquait. Signes évidents que sa douce épouse, accaparée par la préparation du dîner, lui accordait un répit qu'il mettait à profit pour peaufiner les détails de son plan.

Car sa décision était prise, il mûrissait son projet depuis si longtemps. Il n'avait pas osé lui en parler, à sa petite femme. Oh bien sûr, il n'avançait pas en terrain totalement inconnu. Sa ravissante moitié, une jolie brune trentenaire, à qui l’on aurait donné le bon Dieu sans confession, assumait pleinement son goût pour la gaudriole. Sous des allures discrètes, parfois timides, elle cachait un tempérament de feu et une gourmandise que son homme, pourtant vigoureux, avait parfois bien du mal à satisfaire. Sept ans de vie commune n'avaient pas eu raison de leur passion, qu'ils s'employaient tous deux à entretenir avec la fougue des premiers jours. Ou des premières nuits, pensa-t-il en souriant.

L'homme interrompit un instant sa relecture, ferma les yeux, les souvenirs de ces deux dernières années affluaient. Leurs soirées coquines, cette façon qu’elle avait de toujours le surprendre, de l’allumer. D’entretenir la flamme. De torrides ébats dans des lieux toujours plus improbables aux soirées débridées en club libertin, son couple pouvait difficilement être qualifié de routinier.

Pourtant, quelques mois plus tôt, une idée folle avait germé dans son esprit retors. La seule pensée qu’il était sur le point de franchir le pas, suffit à libérer totalement la main qui secouait maintenant son membre avec une frénésie qui n’avait d’égale que sa rage de jouir.

Une voix s’éleva, depuis la cuisine.

— Mon chéri, c’est prêt !

Pas maintenant, pensa-t-il ! L’orgasme était tout proche, les images l’assaillaient de toutes parts. Il agrandit la vignette réduite au pied du document. La vidéo se répandit sur tout l'écran. Une starlette blonde platine à peine majeure y subissait les assauts d'une demi-douzaine d'hommes montés comme des étalons. Quand d'autres baisaient leurs compagnes en s'imaginant démonter une actrice, lui se repaissait de ce genre de film, mais partout, toujours, entre les mains de tous ces hommes, c'était elle qu'il voyait. Elle souriante. Elle, virevoltant dans une robe légère, baignée par la lumière crue d’une chaude journée d’été. Elle si désirable. Elle, s’activant sur son membre. Elle folle de désir, s’empalant sur son sexe dans la pénombre d’une porte cochère à la nuit tombée. Elle, lascive, dansant à moitié nue sur la piste du Cercle Rouge. Hagard, bouche grande ouverte, il fixait l'écran, la fille prise en sandwiche, une queue dans la bouche et une bite dans chaque main. Elle était brune maintenant, les boucles qui tombaient en cascade sur ses épaules nues lui étaient étrangement famillières. Il ferma les yeux encore une fois. Elle. Elle. Elle ! Encore et toujours elle !

Il jouit en silence, réfrénant un cri. En bas, un second appel retentit. Il s’essuya, se rajusta précipitamment. Il coupa la vidéo qui laissa la place à son court texte. Il hésita une seconde, la main suspendue au-dessus du clavier.

Puis d’un geste décidé, il appuya sur la touche enter.