Bar du Radisson Admiral Hôtel, TORONTO, 27 Juin 2026.

J’attends depuis dix minutes, assis à une table du bar de l’hôtel quand elle en passe la porte. Elle me cherche un instant du regard et me repère. Elle vient vers moi, je me lève pour la saluer.

Elle s’assoit en face de moi.

- Bonjour, je peux vous offrir quelque chose ?

- Oui, un mojito s’il vous plait.

J’appelle le serveur et passe la commande.

- Alors ? Avez-vous lu le carnet ?

- Non, pas encore. Et je ne sais même pas pourquoi je suis là.

- Même sans avoir lu le carnet, vous avez tout de suite compris de qui il s’agissait. Peut-être que c’est pour lui que vous êtes là ?

- Oui, vous avez surement raison. Vous l’avez rencontré ? Comment va-t-il ? Où est-il ? Est-ce que vous avez d’autres photos de moi ?

Je ris, finalement, ça va peut-être mieux ce passer que prévu. Elle est curieuse, et la froideur de son regard c’est transformé en chaleur intense. Elle brule de savoir.

- Hola !! Beaucoup de questions à la fois. Avant tout, je voudrais vous demander l’autorisation d’écrire votre histoire. Je voudrais en faire un livre. Bien entendu, je suis prêt à vous céder une partie des droits, et rien ne serait publier sans votre accord.

- Non, enfin oui. Vous pouvez écrire cette histoire si vous voulez, mais je ne veux pas en entendre parler. Je vous demanderais juste de ne pas donner mon prénom. Je ne veux pas que l’on puisse m’identifier.

- C’est d’accord, je changerais les noms et les lieux. Accepteriez-vous de répondre à mes questions ? Pour avoir les deux visions de cette histoire.

Elle sirote un instant sa boisson.

- Je ne sais pas, cette histoire a été un peu douloureuse, surtout sur la fin. Je ne dirais pas que j’avais oublié, mais elle c’était éloignée de mes pensées, vous me ramenez en arrière de façon un peu brutale. Mais avant tout, dites-moi comment il va.

- Je ne l’ai pas rencontré, lorsque je suis parti du village où il habite, les habitants attendaient encore son retour. Il était parti depuis trois mois.

Elle me regarde, deux larmes perlent au coin de ses yeux et glissent sur ses joues.

- Mais le mieux serait que je vous raconte comment j’ai entendu parler de lui.

Elle sort un mouchoir en papier de son sac et s’essuie les yeux. Je lui raconte mon arrivée au village, ma découverte de ce personnage.

- J’ai vécu dans ce village pendant deux mois, vous devez savoir qu’il a marqué les habitants. Ils conservent et entretiennent sa maison, aussi modeste soit-elle, en attendant qu’il revienne.

- Il m’a marquée moi aussi. Il a vécu là-bas longtemps ?

- D’après ce que j’ai pu lire dans le carnet, il est parti de France en Septembre 2020, il est arrivé là-bas trois mois plus tard.

- Est-il heureux ?

J’hésites un instant, mais une promesse est une promesse.

- Je ne saurais dire, je n’ai que la vision des habitants. Il leur a plus ou moins apprit le français, et il parle assez bien leur langue. Il a beaucoup participé à la vie de la communauté. Il a beaucoup parlé de vous là-bas. Il a monté une petite école, et il a acheté pas mal de matériel pour la communauté, sur ses fonds propres. Les habitants le considèrent un peu comme un bienfaiteur.

Emmanuelle se lève d’un coup. Elle semble bouleversée.

- Excusez-moi, je vous recontacterais.

Et, sans que je n’ai pu prononcer une parole, elle tourne les talons et s’en va.

Je reste là, figé. Je ne comprends pas ce qu’il vient de se passer. Qu’est-ce qui a pu déclencher une telle réaction chez elle ?