Chapitre 1

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Clarisse s’affaira avec ses consœurs, comme tous les soirs depuis presque deux ans, à préparer le banquet pour l’empereur et ses guerriers. Ces derniers rentraient de leurs excursions hors de la cité de Toren, couverts de sang et de terre, affamés par leurs longues nuits de combats.

Les femmes de ménage de la demeure du maire Lughen avaient donc pris l’habitude de dresser la table au coucher du soleil, aux départs des étrangers.

— Quels monstres crois-tu qu’ils vont ramener ce soir Clarisse ? Lui demanda Bertie toute excitée.

Elle n’était pas la seule d'ailleurs, la plupart des domestiques et des habitants attendaient tous les matins avec impatience de voir les guerriers des sables ramener leurs trophées.

— Je ne sais pas, et toi ? Répondit Clarisse en souriant à la jeune fille.

Bernie était plus jeune qu’elle de deux ans, elle n’était entrée au service du maire que depuis un an et demi, soit après l’arrivée des étrangers. Elle n’avait donc pas conscience des changements qui avaient eu lieu depuis.

Autrefois, le maire Lughen dirigeait la demeure fermement, malmenant les domestiques et dépensant son or à tout-va dans le seul but de s’enrichir toujours plus, ne partageant nullement sa fortune avec les habitants de la cité. Il commerçait depuis plusieurs années avec les arrivants de la frontière, échangeant divers produits et informations contre les pierres précieuses et les morceaux de monstres que ces derniers ramenaient de l’autre côté de la frontière. 

On disait même qu’il aidait ces derniers à capturer ou à acheter de jeunes femmes qu’ils ramenaient ensuite dans leur pays et qu’on n’avait jamais revues par la suite.

À l’arrivée du nouvel empereur des sables, tout avait changé. Le maire Lughen l’avait directement accueilli lui et ses hommes dans sa demeure, espérant certainement lui soutirer des montagnes d’or et de bijoux.

Mais les choses s’étaient déroulées bien différemment de ce qu'il avait espéré, ce dernier finissant par devenir le simple pantin de l’empereur. Du moins, c’est ce qu’il se disait dans les couloirs du manoir.

L’empereur avait donné ses trésors, non pas au maire, mais aux habitants de Toren, leur octroyant en plus de cela une sécurité et une protection que ces derniers n’avaient jusqu’alors jamais connu. Il sortait tous les soirs combattre les monstres et les démons, protégeant les murs extérieurs de la cité et ses habitants, tandis que le maire et son mage Rainir, restaient bien cloîtrés à l’intérieur des murs.

— Moi, je parie sur une Wyverne ! S'écria Bernie pleine d’enthousiasme.

Clarisse pouffa derrière l’une de ses mains, remettant de l’autre une de ses mèches brunes qui s’était défaite de son chignon.

— Voyons Bernie, cela fait des années que nous n’avons pas vu de telles créatures !

— On ne sait jamais, répondit la jeune fille blonde avec une moue boudeuse.

— Oui, oui... Allez active-toi, nous devons encore préparer le repas avant qu’ils ne rentrent.

— Oui ! Il me tarde de voir l’empereur rentrer !

Les yeux de la jeune domestique brillaient d’excitations tandis qu’elle finissait de poser les couverts sur la longue table en bois. Clarisse se retourna en levant les yeux au ciel. Il était vrai que l’empereur faisait fantasmer plusieurs des femmes de chambre, elle-même n’étant pas insensible non plus au charme féroce de l’étranger à la peau basanée et au regard sombre. Mais il faisait aussi très peur à la jeune femme qui se sentait toujours mal à l’aise en présence du guerrier.

Les étrangers entrèrent dans la grande salle au lever du jour, riants et parlants dans leur langage natal. L’empereur se trouvait parmi eux, accompagné de ces guerrières aux longues tresses rousses qui ne le quittaient jamais. Ces dernières participaient rarement aux discussions des autres étrangers restant toujours concentrées sur leur maître.

Clarisse et les autres domestiques s’affairèrent tout autour des tables pour servir la nourriture et le vin. Cette dernière songeant à la pauvre Bernie qui dégoulinait d’admiration devant l’empereur qui ne la voyait même pas.On ne fait pas le poids face à ses magnifiques guerrières, pensa-t-elle en observant l’empereur discuter calmement avec l’une d’entre elles. Il sembla remarquer son regard, car il s’arrêta dans sa conversation pour lui faire signe d’approcher. La jeune servante s’exécuta les joues rouges.

— Oui ? Demanda-t-elle en s’inclinant respectueusement.

— Mon invitée a-t-elle mangé son repas ce soir ?

— Non, messires, elle n’a pas touché à son assiette, dit Clarisse avant de reprendre gênée. Comme celle de ce midi et de ce matin...

La domestique commençait à s’inquiéter pour la santé de l’étrange jeune femme qui résidait depuis plusieurs jours dans les appartements de l’empereur. Cette dernière était arrivée inconsciente dans les bras de l’homme des sables, et n’avait depuis son réveil accepté aucun des repas qu’on lui avait servi. Elle n’acceptait de manger que lorsque l’empereur le lui ordonnait et restait pour la surveiller.

Ce dernier soupira en se relevant, prit l’assiette vide qui se trouvait devant lui et la tendit à la servante.

— Remplissez-moi ça et amenez-la dans mes appartements.

Clarisse flancha sous l’onde de colère qui semblait émaner de l’empereur et saisit rapidement l’assiette, se dépêchant de la remplir avant de se diriger vers la chambre.

L’empereur la précédait d’un pas long et rapide. Une fois arrivé, il toqua deux coups et entra sans attendre de réponse. Clarisse le suivit et se précipita pour déposer le repas sur la petite table basse en marbre.

Elle aperçut la jeune femme, vêtue d’une simple robe blanche, assise sur le lit, les jambes repliées devant elle et entourées de ses bras, son menton reposant sur l’un de ses genoux. Ses long cheveux noirs et brillants défaits tombaient le long de son dos jusque sur les draps, contrastants avec la blancheur de sa peau aussi claire que de la porcelaine. Ses étranges yeux bridés, d’un bleu clair et pur, fixaient avec hargne l’empereur, sa bouche figée dans une grimace de mépris.

— Bonsoir Eylen, fit l’empereur en s’installant dans l’un des fauteuils tout en faisant signe à Clarisse de partir. Viens t’asseoir avec moi s’il te plaît.

Clarisse sorti de la chambre et aperçut en refermant la porte, la jeune femme qui se levait à contrecœur du lit pour le rejoindre.

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